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Congo : mettre fin au statuquo

Afin de lutter contre les nombreux groupes armés qui sévissent dans l'Est du Congo et sauver l'Accord-cadre de février 2013 sur la paix, la sécurité et la coopération (ACPSC) dans la région des Grands Lacs, un nouveau consensus et une nouvelle stratégie doivent être adoptés en urgence.

Synthèse

En novembre 2013, la défaite du groupe armé M23 a suscité l’espoir : après presque deux décennies de conflit, le changement et la stabilisation semblaient enfin possibles en République démocratique du Congo (RDC) et dans la région. Cette défaite résultait d’une convergence d’intérêts exceptionnelle entre Kinshasa et les principaux acteurs régionaux et internationaux. Cependant, l’unité de vision et d’action qui a mené à la signature, en février 2013, de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération (ACPSC) a aujourd'hui disparu. Pour la reconstruire, le Conseil de sécurité des Nations unies devrait convoquer une réunion de haut niveau réunissant le gouvernement congolais, les acteurs clés de la région et de la scène internationale afin que ceux-ci s’accordent sur une stratégie commune et globale de lutte contre les groupes armés de l’Est de la RDC. En cas d’échec, le statuquo actuel, caractérisé par des attaques sanglantes et des pillages perpétrés contre une population civile déjà brutalisée, continuera.

Le démantèlement des groupes armés, raison d’être de la Brigade d’intervention de la mission des Nations unies en RDC (FIB), ainsi que le programme de réformes nationales du gouvernement congolais, sont dans l'impasse. La neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) constitue désormais le principal point d'achoppement de l’ACPSC. Alors que le délai pour la démobilisation des FDLR, fixé par la région au 2 janvier 2015, expire bientôt, des divergences de vues apparaissent clairement entre certains acteurs régionaux (dont des contributeurs de troupes pour la FIB comme l’Afrique du Sud et la Tanzanie), la RDC et les Nations unies quant à l’après-2 janvier.

L’échec de la démobilisation complète du M23, toujours en Ouganda et au Rwanda, démontre également le désaccord et la méfiance qui règnent parmi les signataires de l’ACPSC. Cet échec résulte en partie du mécontentement du Rwanda face à l’absence de pression militaire contre les FDLR par l'armée congolaise et les Nations unies. Les initiatives de lutte contre les autres groupes armés sont incomplètes et plusieurs occasions de mettre en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) ont été manquées, en raison des désaccords persistants entre Kinshasa et les bailleurs de fonds. La stratégie de stabilisation des provinces de l’Est est ainsi entièrement compromise.

 L’échec de la lutte contre les groupes armés entraine la poursuite d'exactions intolérables commises contre les populations civiles, en particulier dans les régions de l’Est de la RDC (Ituri, Nord et Sud-Kivu et le Nord de la province du Katanga). Cela contribue également aux tensions régionales et sape la crédibilité de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), en particulier en matière de protection des populations civiles.

Afin de mettre un terme à l’impasse actuelle avant la date limite du 2 janvier 2015 et de donner un second souffle à la mise en œuvre de l’ACPSC, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands Lacs et le Conseil de sécurité devraient en urgence :

  • promouvoir un consensus autour d’une stratégie globale de lutte contre les groupes armés, en tirant les enseignements des opérations précédentes. Cette stratégie devrait comprendre une pression militaire effective qui combine opérations de renseignement et envoi de troupes pour entraver le système de financement des groupes armés, ainsi que des solutions pour éviter les pertes civiles ; un programme de DDR ; un accord relatif au traitement judiciaire réservé aux chefs des groupes ; des actions policières contre les réseaux de soutien locaux et internationaux ; et des possibilités de réinstallation dans des pays tiers.

Les gouvernements du Rwanda et de la RDC devraient :

  • indiquer clairement aux anciens combattants de retour au Rwanda qu’ils bénéficieront d’un traitement juste et transparent, tout en leur faisant comprendre qu'il ne peut y avoir de dialogue politique avec les « génocidaires ». Un mécanisme de suivi, similaire à celui mis en place pour les rapatriés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), devrait être établi pour favoriser la confiance parmi les anciens combattants de retour. 

La Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) devraient:

  • entreprendre en janvier une évaluation rigoureuse du processus de désarmement volontaire et s’abstenir de le prolonger.

Conseil de sécurité des Nations unies et les principaux bailleurs de la Monusco devraient :

  • faire pression sur les pays qui fournissent des troupes à la FIB, en particulier l'Afrique du Sud et la Tanzanie, afin qu'ils respectent leurs engagements à mener des opérations ciblées contre les groupes armés ;
     
  • convoquer une réunion spéciale de haut niveau rassemblant les autres acteurs clés régionaux – Afrique du Sud, Angola, Burundi, Malawi, Ouganda, Rwanda, Tanzanie – et les acteurs internationaux incluant la Banque mondiale, la SADC, la CIRGL, l'Union européenne (UE), les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et la France, si aucune action n'est prise contre les FDLR en janvier. La réunion devrait établir les causes de l’impasse actuelle et mettre en évidence les coûts humanitaires, politiques et économiques du maintien du statuquo et le risque de compromettre des investissements futurs ; et
     
  • envisager de mettre un terme au mandat de la FIB si le gouvernement congolais et les pays qui fournissent des troupes à la FIB restent réticents à agir, en plus des mesures définies ci-dessus, pour aider à la démobilisation des groupes armés, en particulier les FDLR.

Nairobi/Bruxelles, 17 décembre 2014

I. Overview

The November 2013 defeat of the M23 armed group raised the hope that, after almost two decades of conflict, fundamental change and stabilisation were possible in the Democratic Republic of Congo (DRC) and the region. This was the result of a rare convergence of interests between Kinshasa and major international and regional actors. However, the unity of vision and action that materialised in the February 2013 signing of the Peace, Security and Cooperation Framework (PSCF) agreement has now dissolved. It needs to be restored, if necessary through the UN Security Council (UNSC) convening a high-level meeting of DRC government, other key regional players and international actors to develop a shared and comprehensive strategy to deal with the armed groups still operating in eastern DRC. Failure to do so will prolong the tragic status quo of attacks and pillaging by armed groups against an already brutalised civilian population.

The dismantling of armed groups, the raison d’être of the UN mission’s Intervention Brigade (FIB), as well as the DRC government’s national reform agenda, have both stalled. The handling of the Democratic Forces for the Liberation of Rwanda (FDLR) has become the PSCF’s symbolic stumbling block. As the region’s 2 January 2015 deadline for their demobilisation nears, views between some of the regional stakeholders (including the main troop contributors to the UN’s Intervention Brigade, South Africa and Tanzania), the DRC and the UN on what to do next clearly diverge. The failure to complete the demobilisation of the M23, which remains cantoned in Uganda and Rwanda, also demonstrates the disagreement and distrust among the PSCF signatories, and partly results from Rwanda’s irritation that the Congolese army and UN are not putting military pressure on the FDLR. Initiatives to tackle other armed groups are piecemeal and opportunities for disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) lost because Kinshasa and donors disagree. The entire stabilisation agenda for the eastern provinces is at risk.

The failure to deal with armed groups means continued, unacceptable exactions against the civilian population, in particular in large parts of eastern DRC (Ituri, North and South Kivu and Northern Katanga Province). It also contributes to regional tensions and undermines the credibility of the UN Organization Stabilization Mission in the DRC (MONUSCO), in particular regarding civilian protection.

To end the present stalemate and drift to the 2 January 2015 deadline, as well as to revive PSCF implementation, MONUSCO, the UN’s envoy to the Great Lakes region and the UN Security Council (UNSC) should urgently:

  • build consensus around a clear and comprehensive strategy to deal with the armed groups, based on lessons learned from earlier operations, with effective military pressure, built on intelligence-led operations including deployments of troops to disrupt the capacity of armed groups to collect revenue, as well as contingency plans to avoid civilian casualties; DDR; agreement about judicial treatment of groups’ leaders; police action against local and international support networks; and third-country settlement options.

The governments of Rwanda and the DRC should:

  • send a clear signal to returning former combatants that they will receive a fair and transparent treatment, while there should be full understanding that there cannot be political dialogue with “genocidaires”. A monitoring mechanism, such as that established by the UN High Commissioner for Refugees (UNHCR) for returnees, could be established to build confidence among returning former combatants.

The Southern African Development Community (SADC) and International Confer-ence on the Great Lakes Region (ICGLR) should:

  • make a thorough and fair assessment of the progress in the voluntary disarmament process of the FDLR in January and abstain from a further extension.

The UN Security Council and the main funders of MONUSCO should:

  • press the FIB troop contributors, in particular South Africa and Tanzania to make good on their commitment to carry out targeted operations against armed groups;
     
  • if no action is taken against the FDLR in January, convene a special high-level meeting bringing together the DRC government, other key regional players – Angola, Burundi, Malawi, Rwanda, South Africa, Tanzania, Uganda – and international actors including the World Bank, SADC, ICGLR, European Union (EU), U.S., UK, Belgium and France to forge a new way forward. The meeting should focus on the causes of the present stalemate and outline the humanitarian, political and economic cost of the status quo and the risk of compromising future investment in the region as long as instability prevails; and
     
  • consider ending the mandate of the FIB if the Congolese government and the troop contributors remain unwilling to take action, based on the measures outlined above, to help demobilise armed groups, particularly the FDLR.

Nairobi /Brussels, 17 December 2014

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