Burundi: Garantir un processus électoral crédible
Burundi: Garantir un processus électoral crédible
Table des matières
  1. Synthèse
Report / Africa 3 minutes

Burundi: Garantir un processus électoral crédible

Le Burundi a fait de grands pas pour tourner la page de la guerre civile, mais la tension politique monte dangereusement à l’approche des élections. Ces tensions pourraient dégénérer violemment dans les prochains mois, ruinant la crédibilité du processus électoral et mettant en péril une démocratie fragile et les nombreux acquis du processus de paix.

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Synthèse

Le Burundi a fait de grands pas pour tourner la page de la guerre civile, mais la tension politique monte dangereusement à l’approche des élections. Ces tensions pourraient dégénérer violemment dans les prochains mois, ruinant la crédibilité du processus électoral et mettant en péril une démocratie fragile et les nombreux acquis du processus de paix. Après la forte pression internationale exercée sur le parti au pouvoir, un consensus a été atteint sur la création d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) et, en septembre 2009, sur un nouveau code électoral. Les scrutins communaux, présidentiels et législatifs sont programmés entre mai et septembre prochain.

Les partis d’opposition sont déjà victimes de harcèlements et d’intimidation de la part de la police et du mouvement de jeunesse du parti au pouvoir, et semblent vouloir répondre à la violence par la violence. Les institutions régionales ainsi que les autres partenaires du Burundi devraient renforcer les mécanismes de surveillance de la violence électorale, soutenir le déploiement d’une mission de police régionale, et créer une facilitation politique de haut niveau pour aider au règlement des différends. Les dirigeants de tous les partis devraient également être avertis qu’ils risquent des sanctions personnelles s’ils cherchent à truquer les élections, et seront passibles de poursuites internationales s’ils commettent des actes de violence graves.

Bien qu’un cadre électoral approuvé par la majorité de la classe politique soit en place, les partis d’opposition ne peuvent toujours pas opérer librement. Dans plusieurs régions du pays, les administrations locales contrôlées par le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), actuellement au pouvoir ordonnent à la police d’inter­rom­pre les rassemblements des partis d’opposition ainsi que de les empêcher d’ouvrir des bureaux locaux. Dans le même temps, des organisations de la société civile et certains médias sont harcelés pour avoir dénoncé les dérives autoritaires du parti au pouvoir.

L’entraînement physique, les chants guerriers et l’orga­nisation quasi militaire du mouvement de jeunesse du CNDD-FDD font craindre également le retour des violences miliciennes et une campagne d’intimidation à grande échelle. Pour s’opposer à ces tactiques d’inti­mi­dation, les autres ex-rebelles, les Forces nationales de libération (FNL) et le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU), mobilisent également leurs propres groupes de jeunes. La police étant souvent restée passive voire même complice des abus du parti au pouvoir, il est légitime de craindre qu’elle ne se politise plus encore, et devienne semblable au Service national de renseignement (SNR), qui a déjà tenté de déstabiliser l’oppo­sition. En attendant, les principales stratégies électorales des partis d’opposition, à l’exception de celles de quelques nouveaux acteurs, n’offrent pas davantage de vision politique alternative, et se complaisent souvent dans la provocation. La plupart des partis se contentent en effet de critiquer les dirigeants du CNDD-FDD en les accusant de corruption ou de pratiques autoritaires, mais sans rien proposer de crédible.

Étant donné la popularité du président Nkurunziza dans les zones rurales et les avantages financiers et logistiques qui découlent du contrôle des institutions étatiques, il est probable que le CNDD-FDD conserve la présidence de la République. Ce parti pourrait cependant perdre la majorité au parlement et le contrôle des administrations provinciales, se voyant ainsi obligé de former un gouvernement de coalition – scénario que les durs du parti, notamment les chefs militaires, souhaitent vivement éviter. Cette perspective et le harcèlement des partis d’opposition suggèrent que le CNDD-FDD cherche à rem­­porter les élections locales et législatives à tout prix.

S’il n’est guère probable que les tensions actuelles ne provoquent un retour à la guerre civile, les partenaires régionaux et internationaux du Burundi doivent rapidement soutenir des politiques de prévention du risque d’escalade violente. L’escalade de la violence pourrait en effet plonger le pays dans une nouvelle crise politique et mettre en péril une grande partie des récents progrès du processus de paix. Les organisations de la société civile et les média devraient aussi apporter leur soutien à la création de mécanismes efficaces de surveillance des violences électorales et documenter et dénoncer ces incidents. Les pays de l’Initiative régionale sur le Burundi (l’Ouganda, la Tanzanie, et le Rwanda en particulier) devraient, par ailleurs, appuyer leurs efforts pour améliorer la formation et les opérations de la police nationale, en proposant une mission de police régionale. Incorporées dans chaque province au sein des forces burundaises, plusieurs petites équipes, dotées par les donateurs de leurs propres moyens logistiques et de communication, pourraient alors soutenir la préparation de la sécurisation des élections et conseiller et surveiller sa mise en place.

Cette mission de police régionale devrait être dirigée par un commissaire travaillant directement avec le directeur  general de la police burundaise, et placé sous l’autorité d’un envoyé spécial de haut niveau mandaté par l’Initiative régionale et l’Union africaine. Le rôle de ce dernier serait d’aider à résoudre les principaux conflits politiques résultant d’in­ci­dents de sécurité graves et les allégations de fraude électorale. L’envoyé spécial coordonnerait aussi l’effort international qui s’est sensiblement affaibli depuis la dissolution du partenariat pour la paix au Burundi et l’expulsion du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies à la fin de 2009. Un chef d’Etat à la retraite de la région, connaissant bien la politique burundaise et respecté par toutes les parties, serait bien placé pour jouer ce rôle.

Nairobi/Bruxelles, 12 février 2010

Synthèse

Le Burundi a fait de grands pas pour tourner la page de la guerre civile, mais la tension politique monte dangereusement à l’approche des élections. Ces tensions pourraient dégénérer violemment dans les prochains mois, ruinant la crédibilité du processus électoral et mettant en péril une démocratie fragile et les nombreux acquis du processus de paix. Après la forte pression internationale exercée sur le parti au pouvoir, un consensus a été atteint sur la création d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) et, en septembre 2009, sur un nouveau code électoral. Les scrutins communaux, présidentiels et législatifs sont programmés entre mai et septembre prochain.

Les partis d’opposition sont déjà victimes de harcèlements et d’intimidation de la part de la police et du mouvement de jeunesse du parti au pouvoir, et semblent vouloir répondre à la violence par la violence. Les institutions régionales ainsi que les autres partenaires du Burundi devraient renforcer les mécanismes de surveillance de la violence électorale, soutenir le déploiement d’une mission de police régionale, et créer une facilitation politique de haut niveau pour aider au règlement des différends. Les dirigeants de tous les partis devraient également être avertis qu’ils risquent des sanctions personnelles s’ils cherchent à truquer les élections, et seront passibles de poursuites internationales s’ils commettent des actes de violence graves.

Bien qu’un cadre électoral approuvé par la majorité de la classe politique soit en place, les partis d’opposition ne peuvent toujours pas opérer librement. Dans plusieurs régions du pays, les administrations locales contrôlées par le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), actuellement au pouvoir ordonnent à la police d’inter­rom­pre les rassemblements des partis d’opposition ainsi que de les empêcher d’ouvrir des bureaux locaux. Dans le même temps, des organisations de la société civile et certains médias sont harcelés pour avoir dénoncé les dérives autoritaires du parti au pouvoir.

L’entraînement physique, les chants guerriers et l’orga­nisation quasi militaire du mouvement de jeunesse du CNDD-FDD font craindre également le retour des violences miliciennes et une campagne d’intimidation à grande échelle. Pour s’opposer à ces tactiques d’inti­mi­dation, les autres ex-rebelles, les Forces nationales de libération (FNL) et le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU), mobilisent également leurs propres groupes de jeunes. La police étant souvent restée passive voire même complice des abus du parti au pouvoir, il est légitime de craindre qu’elle ne se politise plus encore, et devienne semblable au Service national de renseignement (SNR), qui a déjà tenté de déstabiliser l’oppo­sition. En attendant, les principales stratégies électorales des partis d’opposition, à l’exception de celles de quelques nouveaux acteurs, n’offrent pas davantage de vision politique alternative, et se complaisent souvent dans la provocation. La plupart des partis se contentent en effet de critiquer les dirigeants du CNDD-FDD en les accusant de corruption ou de pratiques autoritaires, mais sans rien proposer de crédible.

Étant donné la popularité du président Nkurunziza dans les zones rurales et les avantages financiers et logistiques qui découlent du contrôle des institutions étatiques, il est probable que le CNDD-FDD conserve la présidence de la République. Ce parti pourrait cependant perdre la majorité au parlement et le contrôle des administrations provinciales, se voyant ainsi obligé de former un gouvernement de coalition – scénario que les durs du parti, notamment les chefs militaires, souhaitent vivement éviter. Cette perspective et le harcèlement des partis d’opposition suggèrent que le CNDD-FDD cherche à rem­­porter les élections locales et législatives à tout prix.

S’il n’est guère probable que les tensions actuelles ne provoquent un retour à la guerre civile, les partenaires régionaux et internationaux du Burundi doivent rapidement soutenir des politiques de prévention du risque d’escalade violente. L’escalade de la violence pourrait en effet plonger le pays dans une nouvelle crise politique et mettre en péril une grande partie des récents progrès du processus de paix. Les organisations de la société civile et les média devraient aussi apporter leur soutien à la création de mécanismes efficaces de surveillance des violences électorales et documenter et dénoncer ces incidents. Les pays de l’Initiative régionale sur le Burundi (l’Ouganda, la Tanzanie, et le Rwanda en particulier) devraient, par ailleurs, appuyer leurs efforts pour améliorer la formation et les opérations de la police nationale, en proposant une mission de police régionale. Incorporées dans chaque province au sein des forces burundaises, plusieurs petites équipes, dotées par les donateurs de leurs propres moyens logistiques et de communication, pourraient alors soutenir la préparation de la sécurisation des élections et conseiller et surveiller sa mise en place.

Cette mission de police régionale devrait être dirigée par un commissaire travaillant directement avec le directeur  general de la police burundaise, et placé sous l’autorité d’un envoyé spécial de haut niveau mandaté par l’Initiative régionale et l’Union africaine. Le rôle de ce dernier serait d’aider à résoudre les principaux conflits politiques résultant d’in­ci­dents de sécurité graves et les allégations de fraude électorale. L’envoyé spécial coordonnerait aussi l’effort international qui s’est sensiblement affaibli depuis la dissolution du partenariat pour la paix au Burundi et l’expulsion du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies à la fin de 2009. Un chef d’Etat à la retraite de la région, connaissant bien la politique burundaise et respecté par toutes les parties, serait bien placé pour jouer ce rôle.

Nairobi/Bruxelles, 12 février 2010

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