Briefing / Africa 4 minutes

Burundi : réussir l’intégration des FNL

Resume

Le processus de paix burundais a fait ces derniers mois des progrès considérables. La dernière rébellion en armes, le Parti pour la libération du peuple hutu – Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL), a été enfin agréé comme parti politique après avoir renoncé à la lutte armée et s’être conformée à l’inter­diction de porter un nom à consonance ethnique. Elle est devenue « Forces nationales de libération » (FNL). Une partie de ses combattants a été intégrée dans les forces de sécurité et plusieurs de ses cadres nommés à des positions dans la haute fonction publique. Cependant, les FNL n’ont pas rendu toutes leurs armes. A l’instar du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), elles semblent aussi prêtes à utiliser tous les moyens, dont la force, pour gagner les élections prévues pour l’été 2010.

Le partenariat pour la paix au Burundi, nouvelle instance internationale de soutien au processus de paix, devrait s’impliquer dans une surveillance étroite du comportement des acteurs politiques et le cas échéant prendre des mesures dissuasives à leur encontre pour éviter de nouveaux dérapages.

Les développements positifs récents du processus de paix sont en grande partie liés à l’implication de la sous-région et de la communauté internationale. C’est à l’issue d’un sommet régional sur le Burundi en décembre 2008 que le Palipehutu-FNL s’est résolu à changer de nom et à procéder au cantonnement de ses combattants. Cette réunion est aussi à l’origine de la décision du gouvernement de procéder à la libération de 247 prisonniers membres du mouvement rebelle au début du mois de janvier 2009. Dans le même temps, la rébellion a officialisé son changement de nom et a levé ainsi l’un des principaux points de blocage dans la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu du 7 septembre 2006.

Par la suite, au cours d’une réunion du directoire politique de la facilitation internationale du 8 avril 2009 à Pretoria, en Afrique du Sud, il a été décidé que 3 500 combattants des FNL seraient intégrés dans les forces de sécurité et 5 000 autres démobilisés. La même réunion a engagé le gouvernement à accélérer la libération des prisonniers de guerre membres des FNL et à procéder à l’agrément immédiat du mouvement rebelle et aux nominations aux 33 postes prévus pour les cadres de la rébellion, dès que la facilitation aurait confirmé son désarmement.

Suite à cette réunion, les combattants ont commencé leur processus de démobilisation et d’intégration dans les forces de sécurité. Le 18 avril, Agathon Rwasa, le président du mouvement rebelle, a été le premier combattant à être officiellement démobilisé. Le 20 mai, le Sénat a approuvé la nomination d’ambassadeurs et de gouverneurs de province en provenance de l’ancienne rébellion. A partir du même jour cent treize autres prisonniers de guerre membres des FNL ont été libérés. Le 4 juin, le président de la République Nkurunziza a signé plusieurs décrets nommant à divers postes des responsables des FNL.

En dépit des progrès enregistrés au niveau du processus de paix, les sources de préoccupation ne manquent cependant pas. L’ancien mouvement rebelle n’a pas totalement désarmé, et n’a rendu que 633 armes – fusils, mortiers et mitrailleuses – au cours de la cérémonie officielle de remise de son arsenal militaire à la Force de défense nationale (FDN) le 30 avril 2009. Les FNL reprochent régulièrement au gouvernement de continuer à arrêter et persécuter leurs militants. De leur part, les autorités burundaises accusent l’ancienne rébellion d’exactions contre les populations.

De surcroît, dans les deux camps, qui sont l’un comme l’autre principalement hutu, la perspective des prochaines élections crispe les acteurs et ravive les tensions. Le CNDD-FDD s’inquiète de l’irruption des FNL sur la scène politique. Il les considère comme l’un de ses principaux rivaux. Le parti au pouvoir redoute de voir se créer une coalition de partis politiques d’obédience hutu autour des FNL en vue des échéances électorales. Une perspective qui pourrait compromettre ses chances de succès.

Pour favoriser la transformation des FNL en un parti politique et leur pleine intégration dans les institutions civiles et sécuritaires et éviter tout dérapage dans l’achèvement du processus de paix, la facilitation internationale, qui est présidée par l’Afrique du Sud, a mis en place un partenariat pour la paix au Burundi qui inclut des représentants des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda et de la Tanzanie. Ce partenariat est un organe qui pourrait jouer un rôle clef dans la consolidation du processus de paix. Il lui incomberait de mobiliser en urgence la sous-région et la communauté internationale en cas de menaces et problèmes majeurs tout en suggérant des mesures et des sanctions pour les éviter ou les atténuer. Afin d’assurer la consolidation du processus de paix et d’éviter tout retour en arrière, le gouvernement, les FNL et le partenariat pour la paix devraient prendre les mesures suivantes :

  • Le gouvernement et les autorités locales doivent mettre un terme aux arrestations arbitraires, détentions prolongées et mauvais traitements contre des sympathisants et/ou militants des FNL sous couvert de leur implication dans des actions de propagande politique ou de la perturbation de l’ordre et de la sécurité publics, et mettre fin à la violence et répression politique contre les partisans des FNL tout en instruisant le parquet burundais de faire la lumière sur les responsabilités dans les assassinats récents ayant ciblé des membres des FNL.
     
  • Les FNL doivent cesser au plus vite la perception de taxes et cotisations forcées et les mauvais traitements contre les populations civiles, les violences contre les responsables locaux, et les interférences et l’usage de la violence dans la gestion des conflits fonciers de voisinage.
     
  • Les membres du partenariat pour la paix au Burundi devraient commander à un pool d’ONG locales et internationales de défense des droits de l’Homme une enquête sur l’existence éventuelle de milices armées et, le cas échéant, exiger leur démantèlement. Ils devraient également maintenir un dialogue permanent avec les partis et personnalités politiques qui pourraient être tentés de recourir à la violence en prévision des élections, et prévoir un régime de sanctions à l’encontre des leaders et formations politiques qui s’adonneraient à la violence.

Un groupe de travail destiné à inventorier et documenter toutes les violations des engagements pris par les parties dans l’accord de cessez-le-feu du 7 septembre 2006 devrait être mis en place, et chargé de proposer un régime de sanctions graduelles pour y faire face. Enfin, les membres du partenariat devraient soutenir la transformation de l’ancienne rébellion en parti politique et solliciter les pays donateurs pour financer l’organisation de formations au leadership, management, gestion et résolution pacifique des conflits, au bénéfice des cadres nationaux et locaux des FNL et du CNDD-FDD.

  • Les membres du partenariat pour la paix au Burundi devraient enfin s’assurer de la mise en œuvre de stratégies appropriées pour la réintégration socio-économique des démobilisés FNL et de la mobilisation de fonds importants pour ce programme auprès des donateurs du Burundi pour notamment permettre d’éviter les risques de manipulation et d’instrumentalisation de groupes importants d’anciens combattants.

I. Overview

The Burundi peace process has made much progress in recent months. The last rebel group, the Party for the Liberation of the Hutu People – National Forces of Liberation (Palipehutu-FNL), has renounced the use of arms and been registered as a political party. It has also changed its name, in accordance with the law prohibiting party names with an ethnic connotation, to the National Forces of Liberation (FNL). Part of it has been integrated into the security forces, and some of its officials have received high public positions. But the FNL has not turned in all weapons and, like the CNDD-FDD, the party in power, seems ready to use even violence to win the 2010 elections. The Partnership for Peace in Burundi, a new international mechanism, should closely monitor the main political actors and be ready to step in to prevent the peace process from going off track.

The recent positive developments are in large part linked to the involvement of regional governments and the broader international community. A meeting of regional heads of state in December 2008 began a chain of events that saw Palipehutu-FNL combatants move into government-prepared camps and Bujumbura free 247 rebel prisoners. It also led to the rebel movement’s change of name, thus removing one of the major obstacles to implementation of the 7 September 2006 ceasefire agreement.

The political directorate of the international facilitation decided on 8 April 2009 that 3,500 FNL combatants would be integrated into the security forces and 5,000 others demobilised. It also decided that as soon as the facilitation confirmed the rebels’ disarmament, the government would accelerate the release of their prisoners of war, immediately register the FNL as a political party and name 33 of its officials to public positions.

After that meeting in Pretoria, the rebels began to demobilise and join the security forces. On 18 April, their leader, Agathon Rwasa, was the first combatant to officially demobilise. A month later the Senate approved the appointment of a number of FNL officials as ambassadors and provincial governors, and the government freed 113 additional FNL prisoners. On 4 June President Pierre Nkurunziza signed decrees appointing FNL officials to various positions.

Despite this progress in the peace process, however, there are still reasons for concern. The former rebels have not completely disarmed. During the ceremony on 30 April marking the official surrender of their weapons to the army, they turned in only 633 rifles, mortars and machine guns. The FNL accuses the authorities of arresting and persecuting its members, while the government charges it with abusing the population.

The prospect of elections in 2010 has made political actors more nervous and rekindled tensions on the ground. The CNDD-FDD, which like the FNL is mainly Hutu, is alarmed by the FNL’s sudden emergence on the political scene. The party in power fears above all that its chances of winning the elections could be jeopardised by the creation of a coalition around the FNL of Hutu-based parties.

The Partnership for Peace that the international facilitation, chaired by South Africa, has put in place includes the UN, the African Union (AU), Uganda and Tanzania. It seeks to keep the peace process on track and to help foster the FNL’s transformation into a political party and full integration into civilian and security institutions.

The Partnership for Peace should play a key role in consolidation of the peace process. If problems arise, it should mobilise regional states and the wider international community and propose sanctions or other corrective measures.

To assure consolidation of the peace process, the Burundian government, the FNL, and the Partnership for Peace need to take the following steps:

  • The government and local authorities must end the violence and political repression directed at the FNL, including arbitrary arrest, prolonged detention and inhumane treatment, and the government must instruct the state prosecutor’s office to investigate the recent assassinations of FNL members.
     
  • The FNL must immediately stop the levying of taxes and forced contributions, the mistreatment of civilians and violence against local officials, as well as interference and violence in the management of land conflicts.
     
  • The Partnership for Peace should commission local and international human rights NGOs to investigate the possible existence of armed militias and, if necessary, demand their dismantlement; maintain a dialogue with political parties and individuals who might be tempted to resort to violence and prepare sanctions against leaders of political organisations that do use violence; and for a working group to document violations of the 7 September 2006 ceasefire and propose gradual sanctions to deal with them. It should also support the FNL’s transformation into a political party and ask donors to finance training for FNL and CNDD-FDD officials in leadership, management and the peaceful resolution of conflicts.
     
  • The Partnership for Peace should ensure that appropriate strategies and donor funding are in place for reintegrating ex-combatants into civilian life, so as to reduce the risk they will be manipulated by political factions.

Nairobi/Brussels, 30 July 2009

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