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Burundi : Cent jours pour retrouver le chemin de la paix

Le processus de paix burundais est enfin débloqué. Le 23 juillet à Arusha, le choix du facilitateur Nelson Mandela de confier à Pierre Buyoya et Domitien Ndayizeye la présidence et la vice-présidence de la première moitié de la transition, a été entériné par les chefs d’Etat de la région.

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Synthèse

Le processus de paix burundais est enfin débloqué. Le 23 juillet à Arusha, le choix du facilitateur Nelson Mandela de confier à Pierre Buyoya et Domitien Ndayizeye la présidence et la vice-présidence de la première moitié de la transition, a été entériné par les chefs d’Etat de la région. Les deux hommes se sont également engagés à remplir onze conditions garantissant l’application pleine et entière de l’Accord d’Arusha du 28 août 2000. La transition, qui durera au total trois ans, doit commencer le 1er novembre 2001. En l’absence de cessez-le-feu, l’application de l’Accord d’Arusha ne pourra pas bénéficier de la présence d’une force internationale de maintien de la paix. Mais pour permettre le retour des leaders politiques exilés, une force spéciale burundaise de protection des institutions est prévue. Elle sera composée pour moitié de membres des forces armées burundaises, et pour moitié de soldats et policiers choisis par les partis représentants les intérêts de la population hutu.

L’accord politique entériné à Arusha est le fruit d’un changement d’approche de la facilitation Mandela. Cette fois, priorité a été donnée aux négociations entre l’Union pour le progrès national (UPRONA) de Pierre Buyoya et le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU) de Jean Minani, qui doivent devenir les locomotives du processus de paix. Le cycle d’Arusha reposant sur la fiction de négociations à dix-neuf partenaires égaux est enfin clos, et les deux principaux partenaires de la transition, l’UPRONA et le FRODEBU, sont mis en demeure de prendre leurs responsabilités. Le succès de la transition dépendra de la qualité de leur coopération. La question du leadership de transition étant réglée, les parties au conflit vont également pouvoir se pencher sur l’enjeu central  du processus de paix: la réforme des forces de sécurité.

Cependant, jusqu’à aujourd’hui, malgré la mobilisation internationale et régionale sur la question du cessez-le-feu, les groupes armés n'ont donné aucun signe tangible de leur volonté de négociation dans le cadre d’Arusha. Les dernières consultations sur le cessez-le-feu, tenue à Pretoria le 25 et 26 juillet entre la délégation du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) et celle du gouvernement se sont soldées par un échec. Le CNDD-FDD rejette l’accord d’Arusha, conteste l’impartialité de la médiation sud-africaine, et exige la nomination d’un co-médiateur francophone. L’application de l’accord d’Arusha ne semble pas non plus concerner le Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL), qui ne fait que réitérer ses propres conditions de négociation.

Mais, désormais les négociations sur le cessez-le-feu sont également la responsabilité du FRODEBU. La crédibilité de son leadership sur la famille politique hutu et sa capacité à mener à bien la transition en dépendent. Toute la responsabilité de l’obtention d’un cessez-le-feu ne peut cependant reposer sur le seul FRODEBU. Il est ainsi grand temps de chercher une formule plus adaptée et plus productive pour ces négociations. Leur échec fait peser trop de risques sur l’avenir de la transition. La tentative de coup d’Etat du 22 juillet, la deuxième en un peu plus de trois mois, était un avertissement clair au président Buyoya : alors que le pays est en guerre, les choix politiques faits à Arusha sont contestés par une partie de l’armée et font peur à la communauté tutsi en général, dont certains membres sont prêts à stopper net la relance du processus de paix.

Les cent jours qui séparent le 23 juillet du 1er novembre 2001 sont donc un moment charnière pour le processus de paix burundais. Ces cent jours vont forger la crédibilité politique de la future transition. Ils doivent permettre de rassurer et de recréer une confiance minimale, permettant de vaincre les peurs et les réactions de rejet. A ce stade, il est essentiel que tous les acteurs politiques, nationaux, régionaux et internationaux, manifestent, sans ambiguïté, leur soutien à cette relance du processus de paix. Les tentations putschistes doivent être découragées et les pressions nécessaires doivent être appliquées pour que la rébellion rejoigne la table des négociations. Les bailleurs de fonds du Burundi doivent par ailleurs tenir leurs promesses quant au soutien financier annoncé lors de la conférence de Paris, en décembre 2000. Au premier novembre 2001, l’ensemble de la population burundaise doit pouvoir retrouver l’espoir de la paix, et commencer à sentir les bénéfices économiques et sociaux qu’elle pourra tirer de l’application de l’Accord d’Arusha. Tous les efforts doivent être mis en œuvre pour qu’au terme de ces cent jours, un horizon meilleur se dessine pour le Burundi.

Arusha/Bujumbura/Nairobi/Bruxelles,14 août 2001

Executive Summary

The deadlock in the Burundi peace process has finally been broken. On 23 July in Arusha, Nelson Mandela’s choice of Pierre Buyoya and Domitien Ndayizeye as president and vice-president of Burundi for the first phase of transition was endorsed at a summit of regional heads of state. Buyoya and Ndayizeye also agreed to fulfil eleven conditions guaranteeing the full implementation of the Arusha agreement of 28 August 2000. The three-year transition period will start on 1 November 2001. In the absence of a ceasefire, the implementation of the Arusha agreement will not be backed up by a UN peacekeeping force. However a special Burundian protection force is foreseen to facilitate the return of exiled political leaders.  Half of the force will be picked from members of the Tutsi-dominated army; the parties representing Hutu interests will choose the other half.

The political compromise endorsed in Arusha is the result of a change in approach by the Mandela facilitation team. This time priority was given to the negotiations between Pierre Buyoya’s Union pour le progrès national (Union for national progress, UPRONA) and Jean Minani’s Front pour la démocratie au Burundi (Front for Democracy in Burundi, FRODEBU), which must now become the driving forces of the peace process. The previous cycle of negotiations, based on the fiction of discussions between nineteen equal parties, is finally over. The key transition partners, UPRONA and FRODEBU, must face their responsibilities. The success of the transition will depend on their cooperation. And with the issue of the transitional leadership finally sorted out, the negotiators will have no choice but to focus on the central issue of the peace process: the reform of the armed forces.

Up to now, despite regional and international mobilisation on the issue of a ceasefire, the armed groups have given no tangible sign of willingness to negotiate within the Arusha framework. The latest ceasefire negotiations, which took place in Pretoria on 25 and 26 July between the government and the Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), were a failure. The CNDD-FDD rejected the Arusha agreement, criticised the South African facilitation team for being biased, and demanded the appointment of a French-speaking co-mediator. The Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL) also seems uninterested in the implementation of the Arusha agreement, simply reiterating its own negotiating conditions.

The ceasefire negotiations are also FRODEBU’s responsibility. The credibility of its leadership of the Hutu political family and its capacity to lead the transition successfully are dependent on it. But the burden of obtaining a ceasefire cannot rest on FRODEBU alone.  It is high time to seek a more suitable and productive formula for the negotiations. Failure carries too many risks for the future of the transition. The coup attempt of 22 July, (the second in just over three months), is a clear warning to Pierre Buyoya: in the absence of ceasefire, the political choices made in Arusha frighten the army and the Tutsi community in general. Some of its members are ready to stop the peace process dead.

The hundred days from 23 July to 1 November are therefore pivotal for the Burundi peace process. These hundred days will lay the foundations of the coming transition period. They must produce sufficient confidence in the peace process to ease fears and reduce hostility. At this point, it is crucial that all political actors, national, regional and international, show unambiguous support for putting the peace process back on track. The coup-plotters must be strongly discouraged, and the necessary pressures must be applied to bring the rebels back to the negotiating table. Burundi’s donors must also keep the promises of financial support made at the Paris conference of December 2000. By 1 November 2001, Burundi’s population must have regained hope that peace is possible, and begin to feel the economic and social benefits to be gained from the implementation of the Arusha agreement. All these efforts must get underway now, so that at the end of the hundred days, a brighter future is in sight for Burundi.

Arusha/Bujumbura/Nairobi/Brussels, 14 August 2001

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