Briefing / Africa 3 minutes

Burundi : la paix sacrifiée ?

Les conditions pour une confrontation violente au Burundi sont réunies. Le putsch raté du 13 mai a renforcé l’opposition au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Après dix ans de paix, les lignes de fracture qui ont conduit le pays à la guerre civile risquent de réapparaître.

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Synthèse

Malgré l’échec de la tentative de putsch du 13 mai, la mobilisation contre le troisième mandat du président sortant Pierre Nkurunziza n’a pas faibli et la confrontation entre le pouvoir et ceux qui se rallient sous la bannière du mouvement « Halte au troisième mandat » s’intensifie. Plus de 90 000 Burundais ont fui leur pays et une épidémie de choléra vient de se déclarer là où ils sont les plus nombreux, dans l’ouest de la Tanzanie. Alors que le président reste sourd aux pressions internationales et compte organiser des élections municipales et législatives le 5 juin et le scrutin présidentiel le 26 juin, tous les éléments d’un conflit ouvert sont en place. Pour éviter une amplification de la spirale de violence, il ne faut pas seulement retarder les élections ; il faut aussi rétablir un climat politique et sécuritaire qui rende possible un scrutin pluraliste et libre. Le sommet de l’East African Community (EAC) organisé le 31 mai à Dar es Salaam en Tanzanie offre une occasion à saisir pour réfléchir et agir dans ce sens.

La semaine après la tentative de putsch a été marquée par la radicalisation du pouvoir et des tentatives d’arrestation de journalistes et de politiciens. Le 18 mai, le mouvement « Halte au troisième mandat » a lancé un mot d’ordre de reprise des manifestations à Bujumbura et la rue y a répondu avec conviction. De leur côté, les initiatives diplomatiques n’ont permis aucun progrès. Le dialogue entre les représentants du gouvernement et de l’opposition établi par l’envoyé spécial des Nations unies qui a été interrompu quelques jours après l’assassinat ce 23 mai de l’opposant Zedi Feruzi dans le quartier de Ngagara à Bujumbura reste fragile et l’opposition vient d’annoncer qu’elle ne participera pas aux élections.

Dans ce climat de peur et d’incertitude, plusieurs scénarii sont envisageables pour le futur immédiat du Burundi, allant du très improbable retrait de la candidature du président Nkurunziza aux bien plus dangereux chemins menant à un conflit plus ou moins violent et persistant. Toutefois, une issue pacifique est encore possible si les mesures suivantes, visant à apaiser les tensions électorales et améliorer les conditions sécuritaires et politiques, sont prises rapidement :

  • Lors du sommet de l’EAC, les présidents devraient demander au président burundais le report immédiat des scrutins de juin. Ils devraient également préconiser d’élaborer, sous l’égide de l’envoyé spécial des Nations unies, un nouveau calendrier électoral répondant à la fois aux attentes de l’opposition et du pouvoir en place, tout en s’assurant que les conditions sécuritaires et politiques nécessaires pour organiser les élections sont restaurées.
     
  • Parmi ces conditions figurent, entre autres, la libération des personnes arrêtées lors des manifestations, le rétablissement de la liberté d’expression, de réunion pour l’opposition et la liberté d’information pour les médias indépendants, l’accep­tation du déploiement des observateurs des droits de l’homme de l’Union africaine (UA) et l’usage proportionné de la force par les services de sécurité.
     
  • Certains médias ainsi que les discours des hommes politiques devraient faire l’objet d’un suivi précis, notamment par la société civile et par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), en termes d’incitation à la haine ethnique.
     
  • Le screening du personnel burundais envoyé dans les missions de maintien de la paix devrait être renforcé afin d’empêcher la participation des Imbonerakure et des services de sécurité burundais ayant pris part aux violences.
     
  • Enfin, les agences des Nations unies et les humanitaires devraient lancer une opération humanitaire dans l’ouest de la Tanzanie et au sud du Burundi afin d’endiguer l’épidémie de choléra.
     

En cas de refus par le pouvoir burundais de repousser les scrutins et d’un renforcement du climat répressif, les mesures suivantes devraient être prises :

  • Sur le plan de l’aide au développement, les donateurs du Burundi, devraient suivre l’exemple de la Belgique qui a publiquement annoncé le changement des modalités de son aide et envisage de la réorienter vers la société civile burundaise. Les bailleurs du Burundi devraient également suspendre toute aide budgétaire au gouvernement en place et réaffecter une partie de l’aide institutionnelle en aide humanitaire pour les réfugiés burundais.
     
  • L’Union Européenne (UE) devrait sans tarder initier les consultations prévues par l’article 96 de l’accord de Cotonou. Si ces dernières, relatives au respect par le Burundi des clauses prévues par l’article 9, devaient s’avérer peu concluantes, l’UE devrait suspendre son aide institutionnelle, en particulier son contrat d’appui à la consolidation de l’État (143 millions d’euros) qui comprend aide budgétaire et appuis sectoriels (justice, finances publiques et décentralisation). L’UE devrait davantage augmenter son soutien financier à la société civile et son aide humanitaire envers les réfugiés burundais.
     
  • Sur le plan judiciaire, le procureur de la CPI devrait ouvrir une enquête sur les violences et assassinats commis depuis le début des manifestations et établir la responsabilité du commandement des Imbonerakure et des services de sécurité burundais dans ces violences.
     
  • Sur le plan de la participation aux missions de maintien de la paix, l’Union africaine (UA), les Nations unies et les autres partenaires internationaux du Burundi devraient avertir le président Nkurunziza et les responsables des services de sécurité que la participation du Burundi à ces missions sur le continent sera réexaminée.

Bruxelles/Nairobi, 29 mai 2015

I. Overview

Despite the failed coup attempt on 13 May, popular mobilisation against outgoing President Pierre Nkurunziza’s third term has not abated, and confrontation between the government and the “Halte au troisième mandat” (Stop the Third Mandate) street movement is intensifying. Over 90,000 Burundians have fled and a cholera outbreak has been declared in the most populous place of refuge in western Tanzania. As international pressure on the president continues to fall on deaf ears and the government reiterates its intent to hold municipal and legislative polls on 5 June, and the presidential election on 26 June, all elements of an open conflict have fallen into place. Delayed elections are not sufficient to avoid a rapid escalation of violence, a political and security climate conducive to free and peaceful elections must be restored. The East African Community (EAC) summit on 31 May in Dar es Salaam, Tanzania is the perfect opportunity to reflect on, and react to, this reality.

The week following the attempted coup saw the government’s radicalisation and attempted arrests of journalists and politicians. Protesters responded to the “Halte au troisième mandat” movement’s call for a resumption of protests in Bujumbura on 18 May with fervour. Diplomatic initiatives meanwhile have not yielded any progress. The dialogue between the government and the opposition established by the UN special representative, which was suspended a few days after the assassination of opposition figure Zedi Feruzi in the Ngagara neighbourhood of Bujumbura on 23 May, remains fragile. The opposition has just announced that it will not participate in the elections.

In this climate of fear and uncertainty several scenarios are possible for Burundi’s immediate future, ranging from the highly improbable withdrawal of President Nkurunziza’s candidacy, to the significantly more dangerous path toward a more or less violent, and intractable, conflict. Nevertheless, peaceful resolution is still possible if the following measures – aimed at appeasing electoral tensions and improving security and political conditions – are taken as soon as possible:

  • During the EAC summit, the presidents should urge the president of Burundi to postpone the June elections. They should also advocate for the creation, under the guidance of the UN special envoy, of a new electoral calendar that addresses both opposition demands and those of the current government, while ensuring that the security and political conditions necessary to hold elections are restored.
     
  • Those conditions include the release of individuals arrested during protests, the reestablishment of freedom of expression, the right of opposition parties to gather, freedom of information for independent media, the acceptance of the deployment of human rights observers from the African Union (AU) and the proportional use of force by security forces.
     
  • Certain media outlets, as well as speeches by political leaders should be subject to close monitoring, notably by civil society and the International Criminal Court (ICC) prosecutor, in terms of incitement to ethnic hatred.
     
  • Screenings of Burundian personnel sent for peacekeeping missions should be reinforced to prevent the participation by the Imbonerakure and Burundian security forces who took part in recent violence.
  • Finally, UN and humanitarian agencies should launch humanitarian operations in western Tanzania and southern Burundi to end the cholera epidemic.

If Burundian authorities refuse to push back the polls and the climate of repression intensifies, the following measures should be taken:

  • Concerning development aid, Burundi’s donors, should follow Belgium’s example and publicly announce changes to the terms of their development aid and their intention to reorient it toward Burundian civil society. They should also suspend all budgetary aid to the current government and reallocate a portion of institutional aid to humanitarian aid for Burundian refugees.
     
  • The European Union (EU) should, without any further delay, initiate internal consultation relative to stipulations contained in article 96 of the Cotonou Agreement. If these consultations concerning Burundi’s respect of clauses contained in article 9 are inconclusive, the EU should suspend its institutional aid, specifically its state building contract (143 million euros), which includes budgetary aid and sectoral support (judicial, public finance and decentralisation). The EU should further increase its financial support to civil society and its humanitarian aid to Burundian refugees.
     
  • On a judicial level, the ICC prosecutor should open an investigation into the violence and assassinations carried out since the protests began, and establish the responsibility held by the Imbonerakure leadership and Burundi’s security services.
     
  • Concerning participation in peacekeeping missions, the AU, UN and Burundi’s other international partners should warn President Nkurunziza and his military command that the involvement of Burundian troops in these operations across the continent will be under review.

Nairobi/Brussels, 29 May 2015

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