Briefing / Africa 3 minutes

Burundi: renouer le dialogue politique

En dépit des progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’accord de paix avec le Parti pour la libération du peuple hutu – Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL), dernier mouvement rebelle en activité dans le pays, le Burundi traverse une crise politique dangereuse qui risque de compromettre la tenue d’élections libres et démocratiques en 2010 et d’affecter la stabilité du pays.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

I. Synthèse

En dépit des progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’accord de paix avec le Parti pour la libération du peuple hutu – Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL), dernier mouvement rebelle en activité dans le pays, le Burundi traverse une crise politique dangereuse qui risque de compromettre la tenue d’élections libres et démocratiques en 2010 et d’affecter la stabilité du pays. Le retour du chef rebelle Agathon Rwasa à Bujumbura, et la signature de l’accord politique de Magaliesburg le 11 juin 2008 sont des pas importants pour le processus de paix burundais. Toutefois, le processus de désarmement commence à peine, et la question de l’intégration du mouvement rebelle dans les institutions politiques et les corps de défense et
de sécurité n’est toujours pas réglée. Dans ce contexte, l’absence de dialogue avec les partis politiques d’opposi­tion est dommageable à la bonne gestion
du pays. Il est urgent que les acteurs politiques locaux et les partenaires extérieurs du Burundi prennent la
mesure de ces risques et s’efforcent de les conjurer par un renouveau du dialogue national.

L’impasse politique actuelle trouve son origine dans la crise qui a frappé la direction du Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) début 2007 et le refus du président Nkurunziza de conclure un accord de gouvernement avec les leaders du Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu) et de l’Union pour le progrès national (Uprona). Suite à la mise à l’écart d’Hussein Radjabu de la tête du parti, le CNDD-
FDD s’est divisé et le camp resté fidèle au président
Nkurunziza a perdu sa majorité à la chambre basse.

Le remaniement ministériel de novembre 2007, avec l’entrée de membres du Frodebu et de l’Uprona dans le gouvernement, n’a pas permis de régler durablement la crise. A l’Assemblée nationale, les tensions entre partis politiques se sont aggravées sur fond d’insécurité grandissante dans la capitale, d’attaques à la grenade contre des parlementaires de l’opposition et de recrutement continu du Palipehutu-FNL.

Début juin 2008, le CNDD-FDD a fait pression sur
la Cour constitutionnelle pour qu’elle l’autorise, en violation de la Constitution, à remplacer 22 députés dissidents par des éléments fidèles à la direction du parti. La Cour ayant cédé le 5 juin, le CNDD-FDD et ses alliés ont retrouvé une majorité des deux tiers à l’Assemblée nationale. Toutefois, ce passage en force ne règle pas durablement la crise. Au contraire, il
illustre une volonté de mise au pas de l’ensemble des contrepouvoirs au gouvernement qui s’étend également aux médias et organisations non-gouverne­men­tales de droits de l’homme et de lutte contre la corruption. Cette ambition autoritaire pourrait provoquer une
radicalisation des partis d’opposition, tentés alors de chercher des alliances avec le Palipehutu-FNL.

Alors que la participation du Palipehutu-FNL aux
futurs scrutins pourrait déboucher sur une nouvelle ethnicisation du discours politique, que l’unité au sein des corps de défense et de sécurité demeure fragile et que l’autorité de la loi fondamentale et celle de la Cour constitutionnelle sont atteintes, la rupture du dialogue politique interne fait courir le risque d’une perte
prématurée de crédibilité et de légitimité du scrutin, menant à des débordements violents pendant la campagne électorale. Afin d’éviter un tel scénario, il faut renouer le dialogue politique interne, préparer de manière consensuelle les évolutions constitutionnelles nécessaires à la poursuite du processus de paix, et mettre en place un cadre adapté à la tenue d’élections libres, crédibles et démocratiques en 2010.

Pour ce faire, il est essentiel que les partenaires régionaux et financiers du Burundi fassent pression sur l’ensemble de la classe politique afin que :

  • Un dialogue politique interne constructif et orienté vers le compromis reprenne. Le CNDD-FDD, le Frodebu et l’Uprona doivent notamment trouver un accord politique sur 1) la résolution des conflits de compétence entre ministres et vice-ministres ; 2) la représentation du Frodebu et de l’Uprona dans l’administration et la haute fonction publique et parapublique ; et 3) un programme minimal de réformes économiques, fiscales et législatives à engager d’urgence afin de rattraper le temps perdu depuis trois ans et pouvoir enfin apporter à la population les dividendes de la paix. Les pressions, tentatives d’intimidation et tracasseries judiciaires exercées contre les médias et la société civile doivent également prendre fin, et l’exercice des libertés individuelles et publiques doit être garanti.
     
  • Un Comité national de réflexion sur la réforme des institutions soit créé. Rassemblant l’ensemble des sensibilités politiques et des réalités ethnico-régionales du pays, ce comité devrait auditionner les différentes parties prenantes ainsi que des experts nationaux et internationaux afin de dégager une série de propositions en vue d’une éventuelle révision de la loi fondamentale.
     
  • Des consultations politiques soient ouvertes afin de parvenir à un consensus national sur la composition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la révision du code électoral et la rédaction d’un code de bonne conduite entre les partis politiques et les forces de sécurité.
     
  • Le bureau de l’Ombudsman, prévu par les accords d’Arusha et par la Constitution soit créé. Dirigé par une personnalité burundaise choisie par consensus et d’une autorité morale irréprochable, l’Ombudsman, destiné à recueillir les doléances des citoyens contre les agents de l’Etat, pourrait voir son mandat élargi à la recherche d’arbitrages et de compromis, en cas de crise politique au sein des institutions.
     
  • Une consultation soit ouverte avec les partenaires extérieurs du Burundi et les Nations unies sur les possibilités d’appui international à l’organisation du scrutin et la présence d’unités de police internationales, aux côtés des forces de sécurité locales, et, également, l’accélération de la réforme du service national de renseignement soutenue par le Bureau intégré des Nations unies au Burundi (BINUB). Par ailleurs, les partenaires financiers du Burundi et les pays garants du processus de paix pourraient également mettre en place un groupe de contact afin de mieux coordonner et concerter l’action internationale vis-à-vis du gouvernement.

Nairobi/Bruxelles, 19 août 2008

I. Overview

Despite progress in implementing a peace agreement with the Party for the Liberation of the Hutu People – National Forces of Liberation (Palipehutu-FNL), the last active rebel movement, Burundi is going through a dangerous political crisis which could compromise the holding of free and fair elections in 2010 and the country’s future stability. The return of rebel leader Agathon Rwasa to Bujumbura and the 11 June 2008 signing of the Magaliesburg agreement are important steps forward in the Burundian peace process. However, FNL disarmament has barely started and the issue of the integration of former rebels into state institutions and security forces remains unresolved. In this context, the absence of dialogue between the government and the main opposition parties is harmful to the country’s governance. Local political actors and international partners of Burundi urgently need to assess these risks and revive the national political dialogue.

The current political deadlock stems from the crisis within the leadership of the National Council for the Defence of Democracy-Forces for the Defence of Democracy (CNDD-FDD) in early 2007 and from President Nkurunziza’s refusal to conclude a power-sharing agreement with the leaders of the Front for Democracy in Burundi (Frodebu) and Union for National Progress (Uprona). Following Hussein Radjabu’s removal from the head of the CNDD-FDD, the party split and the faction loyal to President Nkurunziza lost its majority in the National Assembly.

The November 2007 cabinet reshuffle that brought members of Frodebu and Uprona into the government failed to provide a lasting solution to the crisis. In the National Assembly, tensions between political parties have heightened amid mounting insecurity in the capital, grenade attacks against opposition members of parliament (MPs) and continuing recruitment by the Palipehutu-FNL.

In early June 2008, the CNDD-FDD pressured the Constitutional Court to authorise the replacement of 22 dissident MPs with loyal supporters of the party’s leadership. The Court ruled favourably on this request on 5 June and the CNDD-FDD and its allies regained a two-thirds majority in the National Assembly. However, this move will not resolve the crisis in the long term. On the contrary, it illustrates a clear desire to limit all checks on its power, including the media as well as human rights and anti-corruption non-governmental organisations. This authoritarian ambition could lead to a radicalisation of opposition parties which could be tempted to look for alliances with the Palipehutu-FNL.

Participation of the Palipehutu-FNL in future elections could lead to a re-introduction of ethnic dimensions to the political discourse while unity within defence and security bodies remains fragile and the authority of the fundamental law and Constitutional Court is damaged. In this context, lack of an internal political dialogue runs the risk of a premature loss of credibility and legitimacy for these polls, leading to violent clashes during the electoral campaign. All parties must promote, in a consensual way, constitutional reforms necessary to the peace process and to set up an adequate framework for the organisation of free, credible and democratic elections in 2010.

For that purpose, it is essential that Burundi’s regional partners and donors pressure all political parties to:

  • Resume a constructive internal political dialogue oriented towards compromise. CNDD-FDD, Frodebu and Uprona must reach a political agreement on: 1)  the resolution of conflicts of competence between ministers and vice-ministers; 2)  the representation of Frodebu and Uprona within the administration and in senior civil service and semi-public positions; and 3)  a minimal program of economic, fiscal and legislative reforms to be launched urgently so as to finally bring peace dividends to the population. Pressures, intimidation attempts and judiciary harassment against media and civil society must stop and individual and public freedoms must be guaranteed.
     
  • Create a national reflection committee on institutional reforms. The committee’s membership should reflect all political sensitivities and ethno-regional realities. It should consider the view of all stakeholders as well as national and international experts to prepare a set of proposals in advance of a possible review of the fundamental law.
     
  • Open political consultations to reach a national consensus on the make-up of the Independent National Electoral Commission (CENI), the review of the electoral code and the drafting of a code of good conduct between political parties and security forces.
     
  • Create the office of the Ombudsman, as envisioned in the Arusha Agreement and the Constitution. The Ombudsman should be led by a Burundian person chosen by consensus and with irreproachable moral authority. The office should gather citizens’ complaints against government agents and could see its mandate expanded to arbitration and securing compromises in the case of a political crisis within the institutions.
     
  • Open a consultation with Burundi’s international partners and the United Nations on the possibilities of international support for organisation of elections and the presence of international police units, alongside local security forces, as well as for the acceleration of the national intelligence services reform supported by the United Nations Integrated Office in Burundi (BINUB). Moreover, Burundi’s financial partners and guarantors for the peace process could set up a contact group in order to better coordinate international action vis-à-vis the government.

Nairobi/Brussels, 19 August 2008

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.