Briefing / Africa 2 minutes

Réfugiés et Déplacés Burundais (II)

Les réfugiés et déplacés – principales victimes du conflit burundais – attendent, depuis la signature de l’accord d’Arusha du 28 août 2000, les dividendes du processus de paix. L’application de l’Accord global de cessez-le-feu signé le 16 novembre dernier ne doit pas se faire à leurs dépens.

Résumé

Les réfugiés et déplacés – principales victimes du conflit burundais – attendent, depuis la signature de l’accord d’Arusha du 28 août 2000, les dividendes  du processus de paix. L’application de l’Accord global de cessez-le-feu signé le 16 novembre dernier ne doit pas se faire à leurs dépens. Un consensus politique doit être rapidement construit entre le gouvernement de transition, le Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) et le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) pour que la gestion du rapatriement et de la réinstallation ne devienne pas une nouvelle source de conflit, mettant en péril le processus de paix.

Au début de l’année 2003, environ 800 000 réfugiés[fn] burundais étaient présents sur le sol tanzanien. Environ 300 000 civils étaient également déplacés à l’intérieur du Burundi. Paradoxalement, depuis la signature de l’accord d’Arusha en août 2000, la situation des réfugiés et déplacés n’a fait qu’empirer. La réduction de l’aide internationale allouée au Programme alimentaire mondial (PAM) pour les réfugiés burundais a abouti en début d’année 2003 à une diminution de moitié des rations alimentaires distribuées dans les camps de l’Ouest tanzaniens, fragilisant considérablement les conditions de vie des réfugiés. Pour les déplacés, la situation est bien pire. Victimes directes des combats qui se sont poursuivis presque sans interruption depuis trois ans, ils ont très difficilement eu accès à l’aide humanitaire, dont la distribution est souvent limitée aux environs des principales villes du pays.

Le rapatriement et la réinstallation des réfugiés et déplacés burundais a fait l’objet d’une étude détaillée dans l’accord d’Arusha, auquel l’essentiel de son protocole IV est consacré. Il prévoit la mise en place d’un cadre légal indépendant, à travers la création d’une Commission nationale de réhabilitation des sinistrés (CNRS). Celle-ci devait rester autonome du gouvernement et travailler en étroite collaboration avec la Commission de suivi et d’application de l’accord d’Arusha (CSA) et avec les représentants de la communauté internationale (agences des nations unies, ONG internationales, agences de coopération internationales, organisations multilatérales, etc.).

Cependant, la gestion du rapatriement et de la réinstallation des réfugiés et déplacés à fait l’objet depuis la mise en place du gouvernement de transition d’une bataille politique au sein même du gouvernement de transition et entre le gouvernement et la rébellion du CNDD-FDD, aboutissant à des violations répétées de l’accord d’Arusha. Tout d’abord, malgré l’absence de préparations pour le retour des réfugiés et la poursuite des hostilités, le gouvernement de transition a encouragé le rapatriement et la réinstallation des réfugiés dès le début de l’année 2002 pour affaiblir la rébellion. Les camps de réfugiés étant considérés comme des bases arrières de la rébellion, le rapatriement sous contrôle de l’armée était censé la couper de sa base et la pousser à la négociation.

En mai 2001, la commission tripartite mise en place entre les gouvernements burundais et tanzanien et le HCR, lançait un programme de rapatriement des réfugiés burundais en Tanzanie malgré la poursuite des combats. Cette politique fut un échec. Au cours de l’année 2002, environ 50 000 réfugiés[fn]Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), Burundi, tableau récapitulatif des rapatriés  burundais pour l’année 2002.
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 ont été rapatriés. Les prévisions en annonçaient le double.  En raison  de l’intensification  des combats,  29  000 Burundais se sont également réfugiés en Tanzanie la même année. En l’absence de cessation des hostilités et sans la coopération du CNDD-FDD, aucun rapatriement massif ne peut être opéré.

Par ailleurs, la mise en place de la Commission nationale de réhabilitation des sinistrés n’a été effective qu’en mars 2003. La loi qui créa la CNRS la plaça sous tutelle du gouvernement en violation flagrante de l’accord d’Arusha. Le décret d’application de cette loi publié en août 2003 renforça encore cette dépendance administrative et financière. Cette mise sous tutelle de la CNRS est en fait un compromis politique trouvé entre les leaders de la transition du Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU) et de l’Union pour le progrès national (UPRONA) pour pouvoir bénéficier ensemble de la manne financière et des bénéfices politiques liés à la gestion du rapatriement et de la réinstallation. Elle ne sert en aucun cas les intérêts des réfugiés ou des déplacés.

La signature de l’Accord final de cessez-le-feu, entre le gouvernement et le CNDD-FDD de Jean-Pierre Nkurunziza le 16 Novembre dernier doit aboutir à une cessation permanente des hostilités et à la réforme des corps de défense et de sécurité. Un tel scénario est susceptible de provoquer le  retour  massif et spontané des réfugiés alors que rien n’est prêt pour le rapatriement et la réinstallation.

De plus, la question du rapatriement n’a pas été abordée dans les négociations de cessez-le-feu, alors que le retour massif des réfugiés pourrait dangereusement perturber le processus de cantonnement. Les déplacés et réfugiés burundais se trouvent finalement au centre d’une série de batailles politiques et financières où leurs intérêts primordiaux sont bien peu représentés. A l’heure où l’accord final de cessez-le-feu va entrer en application, cette étude de l’ICG propose de donner enfin priorité aux intérêts des réfugiés et déplacés en remettant à plat la question du rapatriement et de la réinstallation, afin de trouver un consensus sur sa gestion et d’éviter qu’elle ne déstabilise la transition.[fn]Pour plus de détails sur la problématique politique et foncière du rapatriement et de la réinstallation voir également: ICG Rapport Afrique N°70, Réfugiés et déplacés au Burundi: Désamorcer la bombe foncière, 7 octobre 2003.Hide Footnote

Nairobi/Bruxelles, 2 décembre 2003

I. Overview

While everyone is hoping for a permanent suspension of hostilities in Burundi, too little consideration is being given to what will happen when peace is reached and over one million uprooted Burundians rush home. The lack of planning for the eventual mass return of refugees and displaced persons, and the land questions it raises, risk destabilising any transition to peace right from the outset.

"A final cease-fire agreement, however elusive it might seem today, carries the risk that a great many people who were uprooted will return to a country not yet prepared to receive them", said Dr François Grignon, Central Africa Project Director for ICG.

The main victims of the war in Burundi, refugees and displaced persons, have been waiting for the dividends of peace ever since the Arusha agreement was signed on 28 August 2000. After ten years of war, over 500,000 are estimated to be in refugee camps in western Tanzania, another 300,000 are thought to be dispersed across Tanzania, and there are approximately 281,000 permanently displaced persons in Burundi itself. Every month, another 100,000 people on average become temporarily displaced as a result of the ongoing violence. To one degree or another, all these refugees and displaced persons have been the victims of land expropriation.

The foreseeable disappointment of a large number of refugees who will be unable to recover their property upon return offers ideal political opportunities for the one rebel group still not involved in the peace process: Agathon Rwasa’s Party for the Liberation of the Hutu People, otherwise known as the National Liberation Forces (PALIPEHUTU-FNL). The transition could likewise be in serious danger if the land question becomes an election issue.

The urgent requirement in this situation is to defuse the land time-bomb through the creation of a transitional judicial process designed exclusively for land management, one that adapts traditional institutions to help implement the resettlement process. Displaced persons should be empowered either to reclaim the entirety of what has been taken from them or to obtain appropriate compensation.

"The Burundi government and the international community have thus far failed to recognise the scale of the problems they will face with the return and resettlement of refugees and displaced persons", said Dr Grignon. "The issue will not only test the administrative capacity of the transitional government and the willingness of the international community to help Burundi’s reconstruction, but will also be an ongoing source of tension during the transition process".

Nairobi / Brussels, 2 December 2003

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