Report / Africa 2 minutes

La crise centrafricaine : de la prédation à la stabilisation

Pour stabiliser la République centrafricaine (RCA), le gouvernement de transition et ses partenaires internationaux doivent compléter l’approche sécuritaire par la relance de l’économie productive et la lutte contre la corruption et les trafics.

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Synthèse

La crise actuelle en République centrafricaine, qui a débuté en décembre 2012, marque la désagrégation de l’Etat, conséquence de la double prédation des autorités et des groupes armés. La Seleka a amplifié et porté à son paroxysme la mauvaise gouvernance des régimes précédents. Ses dirigeants ont pillé ce qui restait de l’Etat et fait main basse sur l’économie illicite du pays. Afin de rompre avec le cycle des crises qui caractérise la Centrafrique et de favoriser l’émergence d’un Etat fonctionnel capable de protéger ses citoyens, il est impératif de rendre l’intervention internationale plus efficace en y adjoignant comme priorités, en plus de la sécurité, la relance de l’éco­nomie productive et la lutte contre la corruption et les trafics. Seul un partenariat étroit entre le gouvernement de transition, les Nations unies et le groupe des internationaux impliqués dans cette crise (G5) permettra de relever ce défi. Ce partenariat doit notamment comprendre l’affectation de conseillers techniques étrangers au sein des ministères clés.

Le bref passage de la Seleka au pouvoir, entre mars et décembre 2013, a été marqué par une gouvernance en trompe l’œil. Affichant publiquement de bonnes intentions, le régime n’a cessé de commettre des exactions. En digne héritière des régimes précédents, la Seleka s’est adonnée au banditisme d’Etat en vidant le Trésor public et en commettant de nombreux abus de pouvoir pour s’enrichir indûment. Elle s’est également efforcée de faire main basse sur les réseaux de trafic les plus lucratifs (or, diamants et ivoire) dans lesquels certains de ses éléments étaient déjà impliqués avant d’accéder au pouvoir. L’économie de pillage mise en œuvre par la Seleka a achevé ce qui était un Etat fantôme. Par ailleurs, le ciblage systématique par les milices anti-balaka des civils musulmans, dont beaucoup sont commerçants, est venu porter un coup supplémentaire à l’économie.

Bien que l’effondrement de l’économie ait précédé celui de l’Etat, l’intervention internationale actuelle pilotée par le G5 (Union africaine, Nations unies, Union européenne, Etats-Unis et France) pare au plus pressé et continue d’appréhender la crise actuelle à travers un prisme sécuritaire. Cette attitude alimente un effort international de mobilisation de troupes mais condamne la communauté internationale à répéter des interventions superficielles qui ne traitent pas la principale cause de la crise : la prédation structurelle. La protection des civils est certes importante, mais il est également crucial de relancer l’activité économique et d’assainir la gestion des finances publiques afin de construire un système effectif de gouvernance capable de fournir des services à l’ensemble de la population – chrétiens comme musulmans.

L’intervention internationale sera matérialisée en septembre par une nouvelle mission des Nations unies (Minusca). En plus de son mandat actuel de protection des populations, de soutien à la transition, d’assistance humanitaire et de défense des droits de l’homme, elle doit inciter à une meilleure gouvernance en faisant de la reconstruction de l’économie et des fonctions clés de l’appareil d’Etat ainsi que  de la lutte contre certains trafics une priorité. La région et les organisations multilatérales concernées doivent également être impliquées. Les récentes sanctions ciblées adoptées contre plusieurs personnalités en République centrafricaine et à l’étranger doivent s’inscrire dans une stratégie plus large de relance de l’économie.

Ce partenariat étroit entre le gouvernement et la communauté internationale risque de trouver une opposition parmi les politiciens proches des groupes armés et ceux qui ont déjà les yeux rivés sur une hypothétique élection présidentielle. Mais la demande du gouvernement de transition pour un soutien international fort crée l’occasion de nouer un partenariat durable et d’adopter des mesures afin de stabiliser le pays tout en posant les fondations d’un changement de gouvernance.

Executive Summary

The crisis that has plagued the Central African Republic (CAR) since December 2012, particularly predation by both authorities and armed groups, has led to the collapse of the state. Under the Seleka, bad governance inherited from former regimes worsened. Its leaders looted state resources and controlled the country’s illicit economic networks. Ending this cycle of predatory rule and moving peacefully to a state that functions and can protect its citizens requires CAR’s international partners to prioritise, alongside security, economic revival and the fight against corruption and illegal trafficking. Only a close partnership between the government, UN and other inter­national actors, with foreign advisers working alongside civil servants in key ministries, can address these challenges.

Governance under the short Seleka rule (March-December 2013) was deceptive: the regime proclaimed its positive intentions while, like its predecessors, plundering public funds and abusing power for self-enrichment. Though Seleka fighters were involved in illicit activities even before, once in power the movement asserted control of lucrative trafficking networks (gold, diamond and ivory). Their systematic looting destroyed what was already a phantom state. Retaliation by anti-balaka fighters against Muslims – the majority of traders are Muslim – aggravated the economic collapse.

The economy fell apart even before the state; yet the current international intervention spearheaded by the G5 (African Union, UN, European Union, the U.S. and France) focuses for the most part on security. Troops are being mobilised, but if a principal cause of the conflict – entrenched predation – is left unaddressed, the international community will repeat the failures of its past interventions. Protecting citizens is important; but so too is rekindling economic activity and improving financial public management to help build an effective public governance system delivering services for all CAR citizens, both Muslim and Christian.

A new UN mission (MINUSCA) will be deployed in September 2014. In addition to its current mandate – protecting civilians, assisting a political transition, supporting humanitarian work and monitoring human rights – it must change the incentive structure for better governance. It should prioritise rebuilding the economy and public institutions and fighting trafficking. The region and relevant multilateral organisations should be involved too. Targeted sanctions against spoilers in and outside CAR should be embedded in a more comprehensive strategy to revive the economy.

Some politicians with ties to armed groups or who are eying what are for the moment hypothetical presidential elections could resist a tight partnership between the state and international community. But the transitional government’s demand for strong international support offers an opportunity to forge such a partnership and adopt the policies essential to both stabilise the country and promote a change of governance.

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