Briefing / Africa 4 minutes

Centrafrique : l’intervention de la dernière chance

Alors que la République centrafricaine (RCA) fait face à une crise qui pourrait prendre des proportions dramatiques, la communauté internationale doit trouver le moyen le plus rapide et le plus efficace d’assurer la sécurité de la population.

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Synthèse

Durant les neuf derniers mois, ce qui restait de l’Etat centrafricain s’est effondré avec de graves conséquences humanitaires (400 000 personnes sont déplacées et presque la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire). Le gouvernement de transition et la force de sécurité régionale ont été incapables de freiner la chute dans l’anarchie aussi bien en zone rurale qu’en zone urbaine et notamment à Bangui. Après plusieurs mois de passivité et à la suite de tueries, la communauté internationale a pris conscience des conséquences de la faillite de la RCA. Malheureusement, la détérioration de la situation est bien plus rapide que la mobilisation internationale et Bangui est au bord de l’explosion. Dans l’immédiat, le Conseil de sécurité devrait fournir un mandat sous chapitre 7 à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca) épaulée par les forces françaises pour rétablir l’ordre dans Bangui dans un premier temps puis se déployer dans d’autres villes. Par la suite, la réconciliation religieuse devrait être privilégiée et des mesures de stabilisation devraient être appliquées. 

En juin 2013, l’International Crisis Group mettait en avant le risque que la République centrafricaine (RCA) devienne ingouvernable. Ce risque est dorénavant réalité. La Seleka, une coalition armée très hétéroclite composée de combattants musulmans et qui a pris le pouvoir en mars 2013, s’est disloquée en une multitude de groupes armés qui commettent de nombreuses exactions et provoquent la réaction de milices d’autodéfense et un conflit confessionnel.

La Centrafrique est aujourd’hui confrontée à trois défis : à court terme, restaurer la sécurité et l’ordre public et fournir une aide humanitaire d’urgence ; à moyen terme, mener à bien la transition politique qui doit durer dix-huit mois ; à long terme, rebâtir l’Etat. La transition et la reconstruction de l’Etat ont pour préalable le retour d’une sécurité minimale. Tandis que l’instabilité a déjà atteint la frontière camerounaise, la combinaison du ressentiment religieux et de l’impuissance des autorités de la transition est la parfaite recette pour des affrontements meurtriers entre la population et les groupes de la Seleka, notamment dans la capitale. 
L’option de stabilisation choisie (le déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine, Misca, qui repose sur les troupes d’une mission présente depuis 2008) n’est actuellement pas efficace et, après la mission d’évaluation technique des Nations unies menée en octobre 2013 et la décision française de renforcer sa présence militaire sur place, il y a un consensus général sur la nécessité d’une réponse sécuritaire d’urgence. Le Conseil de sécurité prépare actuellement une résolution qui doit être adoptée très rapidement.

Dans l’immédiat, les mesures suivantes devraient être adoptées :

  •  Le Conseil de sécurité devrait autoriser, grâce à un mandat sous chapitre 7, la Misca, soutenue par les forces françaises, à utiliser tous les moyens nécessaires pour stabiliser le pays. La mission devrait avoir pour priorité la restauration de l’ordre public, la protection des civils, la fourniture d’aide humanitaire et la surveillance des violations des droits de l’homme. D’autres pays devraient également fournir des appuis logistiques (notamment des moyens de transports) ainsi qu’un soutien en matière de renseignement, en coordonnant leur action avec la France et l’Union africaine.
     
  •  Les forces disponibles sur place (Misca et troupes françaises) devraient être renforcées et engagées pour rétablir l’ordre dans la capitale en appui des forces de sécurité nationale résiduelles, en quadrillant la capitale et en contrôlant les entrées et les sorties de Bangui et en favorisant le redéploiement des forces de police et de gendarmerie nationales qui ont déjà repris possession de certains commissariats occupés auparavant par les éléments de la Seleka.
     
  • Une fois Bangui sécurisée, les forces de l’Union africaine de la Misca et les troupes françaises devraient étendre l’opération de sécurisation aux villes déjà victimes d’affrontements entre la Seleka et les groupes d’autodéfense et où les tensions entre chrétiens et musulmans sont vives ainsi qu’aux axes principaux, notamment celui qui relie la capitale à la frontière camerounaise. 
     
  • Le Conseil de sécurité, après avoir adopté la résolution sous chapitre 7, doit garantir la fourniture rapide de ressources supplémentaires, notamment en matière logistique et pour conduire des patrouilles nocturnes, afin d’assurer le déploiement rapide et complet de cette mission. Au même moment, l’UE et l’UA devraient rapidement trouver un accord pour financer les troupes de la Misca. 


A moyen terme, il est nécessaire de :

  • Mettre en œuvre, sous l’égide des Nations unies et avec l’appui financier des bailleurs, des initiatives de dialogue interreligieux et des projets de reconstruction urgents dans les zones d’affrontement et plus particulièrement dans les villes où les chrétiens et les musulmans vivent maintenant séparément.
     
  • Lancer sans tarder la première phase du programme de désarmement, démobilisation et réintégration (cantonnement et désarmement) pour les combattants de la Seleka, établir une équipe d’enquêteurs chargés de mener des investigations sur le pillage des ressources naturelles du pays, soutenir la commission mixte d’enquête et déployer rapidement des équipes de reconstruction locale.


Le Conseil de sécurité devrait continuer de suivre la situation centrafricaine et considérer sérieusement la transformation de la Misca en une force de maintien de la paix des Nations unies si cela s’avère nécessaire. Une baisse de la tension sécuritaire dans la capitale, un retour à la normale dans certaines agglomérations de province et la reprise du trafic routier et des échanges économiques entre la capitale et des provinces devraient permettre d’envisager le défi de moyen terme, c’est-à-dire mener à bien la transition. Pour ce faire, les recommandations politiques du précédent rapport de Crisis Group relatives à la conduite de cette transition parmi les-quelles l’envoi d’une mission électorale exploratoire des Nations unies, la mise en œuvre d’une réforme du secteur de la sécurité et d’une réforme des finances publiques restent pertinentes. Mais alors que la RCA est aujourd’hui au bord du gouffre, il faut en priorité mettre tout en œuvre pour restaurer la sécurité. 

Nairobi/Bruxelles, 2 décembre 2013

I. Overview

Over nine months, the weak Central African Republic (CAR) state has collapsed, triggering a serious humanitarian crisis, with 400,000 displaced and nearly half the population in need of assistance. The transitional government and the regional security force have failed to prevent a descent into chaos in urban areas, in particular Bangui, as well as in the countryside. After months of “wait-and-see” and following deadly clashes, the international community now realises it cannot afford another collapsed state in Africa. Unfortunately, the situation on the ground is deteriorating at a much faster pace than the international response is mobilising, and Bangui is vulnerable to a total breakdown in law and order. The UN Security Council should immediately provide a Chapter VII mandate to the new African-led International Support Mission in the CAR (MISCA), supported by French troops, to launch an operation to secure Bangui that should then be extended to other cities. Subsequently, religious reconciliation should be prioritised and stabilisation measures adopted.

The risk of the CAR becoming ungovernable that Crisis Group highlighted in June 2013 is now real. The Seleka, a loose coalition of armed groups that took power in a March 2013 coup, has splintered into multiple armed factions, whose thuggery has triggered violent reactions among the population. Further, the conflict has taken on a religious undercurrent between the predominantly Muslim Seleka and Christian self-defence groups.

The CAR faces a number of major challenges: in the short term, restoring law and order and providing immediate humanitarian aid; in the medium term, ensuring that the eighteen-month transition agreed to by the Seleka leaders and other political actors is managed in an effective and sustainable manner; and in the long term, rebuilding the state. Successful transition and reconstruction can only be achieved if minimum security conditions are met. Instability has already spilled over the Cameroon border, and the combination of religious tensions and powerless transitional authorities is the perfect recipe for further deadly clashes between local populations and the various Seleka factions, especially in Bangui.

The current stabilisation effort (deployment of an African Union peacekeeping mission, made up of troops from a 2008 mission) is not working. Following the UN’s technical assessment mission in October 2013 and France’s recent decision to increase its troops in Bangui, there is a growing consensus that a more robust, better-resourced emergency response is needed. The UN Security Council is preparing a resolution that needs to be adopted promptly.

Concurrently, the following short-term measures are required:

  • The Security Council should authorise, under a UN Chapter VII (obligatory on all member states) resolution, MISCA, supported by French forces, to take all necessary means to help stabilise the situation. Its immediate and primary focus should be on restoring law and order, protecting civilians, providing humanitarian relief and documenting human rights abuses. Other countries should also provide logistical (including transportation) and intelligence support in coordination with France and the African Union.
     
  • The AU-led forces under MISCA and French forces already on the ground should be reinforced immediately, and together with the very few effective national security forces, should restore law and order in Bangui, including by establishing control of all roads into and out of the city; and helping elements of the national police that have already returned to some police stations previously occupied by Seleka fighters.
     
  • Once Bangui is secured, the AU-led forces under MISCA and the French should deploy to where fighting between Seleka and self-defence groups is occurring and where tension between Christians and Muslims is high. They should also secure the major routes, such as that connecting Bangui with the Cameroon border.
     
  • The Security Council, after adopting the Chapter VII resolution, should work to ensure the rapid provision of additional resources – including logistics and the requisite capabilities to conduct night patrols – to ensure MISCA has full operational capacity. Simultaneously, the AU and EU should quickly agree on funding for the salaries of MISCA troops.

The following mid-term measures are then required:

  • The UN and donors should support inter-religious dialogue and implement urgent reconstruction projects, particularly in cities where fighting has occurred and where Christians and Muslims are living separately. 
     
  • Other priorities are to launch the first phase – gathering and disarming – of the disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for Seleka combatants; to establish a team to investigate the plundering of natural resources; to support the mixed commission of inquiry set up by the transitional authorities; and to quickly deploy local reconstruction teams.

The Security Council should continue to follow the CAR situation closely, and give serious consideration to transition MISCA into an enhanced UN-led multi-dimensional peacekeeping operation when necessary and appropriate. Improving security in the capital and in the worst-affected provinces, returning to normalcy in the main cities and resuming road traffic and trade between Bangui and the provinces could pave the way for a successful transition in the medium term. For this to happen, as Crisis Group’s June report recommended, a number of other steps remain relevant, among them the dispatch of a UN electoral assessment mission, security sector reform and public finance reform. But this is not today’s concern: as CAR stares into an abyss of potentially appalling proportions, the focus must remain squarely on the quickest, most decisive means of restoring security.

Nairobi/Brussels, 2 December 2013

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