Report / Africa 2 minutes

République centrafricaine : les urgences de la transition

L’effondrement de l’Etat centrafricain et la disparition des forces de sécurité d’une grande partie du territoire risquent de transformer la République centrafricaine (RCA) en un foyer d’insécurité au cœur du continent.

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Synthèse

La prise de pouvoir par la coalition rebelle de la Seleka en mars 2013 a mis un terme au régime de François Bozizé et a plongé le pays dans une nouvelle crise à la fois sécuritaire, politique et humanitaire. Face à ce changement de pouvoir inconstitutionnel, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et d’autres partenaires de la Centrafrique ont opté pour le compromis habituel : une reconnaissance de fait du nouveau pouvoir dans le cadre d’une transition sous contrôle international. Cependant, l’absence d’Etat, le changement de paradigme politique, la fragilité de la Seleka et le ressentiment religieux rendent cette transition incertaine. Afin d’éviter que la Centrafrique ne devienne un territoire ingouvernable au cœur de l’Afrique, le nouveau gouvernement d’union nationale doit très rapidement prendre des mesures d’urgence sécuritaires, humanitaires, politiques et budgétaires qui permettront le retour de la sécurité et la relance de l’économie. Actuellement attentistes, les partenaires internationaux doivent s’engager davantage aux plans politique et financier pour encadrer et financer la nouvelle transition.

L’offensive fulgurante de la Seleka menée en décembre 2012 a conduit le groupe rebelle aux portes de la capitale, mais l’intervention de l’armée tchadienne et de la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (Micopax) envoyée par la CEEAC, les a forcés à marquer un temps d’arrêt et à négocier avec le pouvoir en place. Signé le 11 janvier 2013 et imposé par la CEEAC, l’accord de Libreville sur la résolution de la crise en République centrafricaine (RCA) devait permettre d’éviter une nouvelle prise de pouvoir par la force et d’ouvrir une période de pouvoir partagé de trois ans. L’obstination du régime de Bozizé qui a privilégié l’épreuve de force permanente à une transition politique concertée et apaisée, le désengagement progressif de la CEEAC qui n’a pas assuré le suivi de l’accord de Libreville et un rapport de forces favorable à la Seleka ont fourni tous les ingrédients pour l’échec de la première transition. Finalement, lors d’une offensive éclair qui a coûté la vie à plusieurs soldats sud-africains, la Seleka s’est emparée de Bangui le 24 mars.

Les défis à relever pour les nouvelles autorités, dont l’unité est loin d’être acquise, sont évidents et considérables. La sécurisation du pays, l’organisation des élections, la restauration de l’administration ou encore les réformes judiciaires, économiques et sociales faisaient déjà partie de la feuille de route définie à Libreville. Ces impératifs sont toujours d’actualité alors que la population aborde la saison des pluies dans un état de dénuement complet, et que la situation humanitaire, déjà critique, s’est encore détériorée, comme en témoigne le nombre important de déplacés internes qui oscille entre 150 000 et 180 000 personnes. Les dissensions au sein de l’ancienne coalition rebelle, la prolifération des armes à Bangui, la dégradation du climat social pourraient compromettre le bon déroulement de la transition. Face à l’avalanche de problèmes, le nouveau gouvernement va devoir définir des priorités en matière sécuritaire, humanitaire, budgétaire et politique.

Pour réussir à stabiliser et pacifier le pays, là où les gouvernements précédents ont constamment échoué, il doit réinventer un nouveau programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et repenser la réforme du secteur de la sécurité (RSS) car la sécurité est la clé de voûte de la nouvelle transition et le besoin d’approches innovantes adaptées aux réalités centrafricaines n’a jamais été aussi fort.

Le gouvernement centrafricain ne parviendra pas à surmonter ces défis sans une double aide. Celle financière et technique des donateurs qui doivent accompagner cette nouvelle transition en fournissant un appui budgétaire d’urgence et en mettant leurs compétences à disposition avec le déploiement de trois missions (DDR, RSS et gestion des fonds de reconstruction). Celle politique et militaire de la CEEAC qui, avec l’appui des Nations unies et de la France, doit assurer, dans le cadre du comité de suivi de l’accord de Libreville, un suivi scrupuleux des engagements pris à N’Djamena en avril 2013 et être l’arbitre d’une transition qui s’annonce difficile.

Un échec de la nouvelle transition rendra la RCA impossible à gouverner et donnera naissance à une zone grise au cœur du continent. Plusieurs groupes armés étrangers sont déjà installés en République centrafricaine. Les combattants de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) sont présents au Sud-Est du pays depuis 2008 et la région de la Vakaga est traversée par de nombreux trafiquants et braconniers originaires des pays voisins, dont le Soudan. Si l’Etat centrafricain s’effondre, de nouveaux réseaux criminels pourraient s’implanter dans le pays et déstabiliser la région.

Dans la mesure où ni les voisins ni les autres partenaires n’ont intérêt à ce que cela se produise, ils doivent aller au-delà des réponses à minima et des engagements en demi-teinte qui caractérisent trop souvent l’encadrement international des transitions politiques.

Nairobi/Bruxelles, 11 juin 2013

Executive Summary

The coup by the Seleka rebel coalition in March 2013 that ended François Bozizé’s decade-old rule plunged the Central African Republic into a new and dangerous crisis. In response, the Economic Community of Central African States (ECCAS) and other partners of the Central African Republic (CAR) offered an all-too-common compromise: a de facto recognition of the new power and a transition framework under international supervision. However, uncertainty remains due to the absence of the state, Seleka’s fragility and tensions between Christians and Muslims. To avoid having an ungovernable territory in the heart of Africa, the new government of national unity must quickly adopt emergency security, humanitarian, political and economic measures to restore security and revive the economy. For their part, international partners must replace their “wait-and-see” policy with more robust political and financial engagement to supervise and support the transition.

Seleka’s swift offensive in December 2012 brought the rebellion to the door-step of the capital, Bangui. The intervention by Chad and ECCAS’s Mission for the Consolidation of Peace in CAR (MICOPAX) forced them to stop and negotiate with the Bozizé government. The 11 January 2013 Libreville Agreement, imposed by ECCAS, temporarily prevented a coup and initiated a three-year power-sharing arrangement. However, this transition plan failed due to Bozizé’s refusal to engage in a concerted and peaceful transition; failure by ECCAS to monitor the agreement; and Seleka’s tactical advantage on the ground. Eventually, the Seleka took over Bangui on 24 March during an attack that claimed the lives of several South African soldiers.

The new government of national unity is fragile and faces considerable challenges. Securing the country, organising elections, restoring public services and implementing judicial, economic and social reforms, were agreed to in Libreville and remain on the agenda. But dissension within Seleka, the proliferation of weapons in Bangui and the deterioration of the social environment could jeopardise the very fragile transition. The humanitarian situation is deteriorating: the population is suffering from deprivation, which will be compounded by the rainy season, and there are some 150,000-180,000 internally displaced people. Faced with multiple problems, the new government will have to define security, humanitarian, budgetary and political priorities. To secure the peace and stability that previous governments failed to achieve, it must develop a new disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program and rethink security sector reform (SSR). Restoring security and promoting innovative approaches tailored to the country’s needs are key to ensuring the success of the transition.

To overcome these challenges, the government will need two types of assistance: funding and experts from donors for three important initiatives – DDR, SSR and the management of reconstruction funds; and political and military support from ECCAS. With the help of the UN and France, the regional organisation should ensure rigorous monitoring of the Libreville Agreement and the decisions taken at its April 2013 heads of state summit in N’Djamena. It should also act as a mediator to mitigate political and military tensions that may arise. Should the transition fail, it will be impossible to govern the country and this will create a “grey zone” at the heart of the continent. CAR is already a haven for various armed groups; combatants from the Lord’s Resistance Army have been present in the south east of the country since 2008 and the Vakaga region is a transit route for poachers and traffickers from neighbouring countries, including Sudan. State collapse could pave the way for new criminal networks to establish themselves in the country and further undermine regional stability.

To prevent the country’s further decline, international partners must go beyond their “wait-and-see” attitude and mixed commitments that have too often characterised international supervision of political transitions.

Nairobi/Brussels, 11 June 2013

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