The Fallout in Chad from the Fighting in Darfur
The Fallout in Chad from the Fighting in Darfur
Report / Africa 3 minutes

Tchad: au-delà de l’apaisement

Les prochaines élections au Tchad pourraient s’avérer une étape importante pour la relance du projet démocratique à condition qu’elles soient précédées d’une ouverture de l’espace politique.

Synthèse

En cette veille d’élections, le Tchad a enfin une opportunité de sortir de la crise politico-militaire dans laquelle il s’est retrouvé depuis plus de cinq ans. L’apaisement perceptible des tensions avec le Soudan depuis le début de l’année 2010 ainsi qu’une relative accalmie dans les affrontements entre l’armée gouvernementale et les groupes rebelles augurent d’un possible retour progressif à la normale. Cependant, le contrôle rigide de l’espace politique national par le président Déby et les problèmes récurrents du processus électoral pourraient replonger le pays dans de nouveaux troubles. Le gouvernement tchadien doit profiter de l’accalmie actuelle pour poursuivre la normalisation avec le Soudan, garantir la sécurité des populations ainsi que des opérateurs humanitaires dans l’Est comme stipulé par la résolution du Conseil de Sécurité 1923 (2010), réaliser les réformes intérieures qu’il s’est engagé à mener et proposer aux opposants armés et leurs combattants une paix honorable et durable.

L’espoir d’une sortie de crise qui avait paru s’évanouir au moment du déclenchement de l’offensive de l’Union des forces de la résistance (UFR, coalition des groupes armés tchadiens) en mai 2009, renaît timidement. Au cours des mois qui ont suivi cette offensive, trois facteurs déterminants pour une éventuelle amélioration de la situation se sont révélés au grand jour.

En premier lieu, en utilisant une grande partie des revenus pétroliers du Tchad pour équiper, réorganiser et remotiver son armée, Idriss Déby avait fait, et en partie réussi, le pari de l’option militaire contre ses opposants. L’arsenal militaire et l’organisation tactique utilisés par les forces gouvernementales au cours des combats de mai 2009 ont infléchi le rapport de forces en leur faveur. Le deuxième facteur est la division qui s’est accrue au sein de la coalition rebelle à la suite de son échec militaire. Certaines factions de l’opposition armée ont prôné l’ouverture de négociations avec le gouvernement tandis que d’autres groupes ont réaffirmé la nécessité de poursuivre la lutte jusqu’à la chute du régime de N’Djamena. Les tenants de ces deux positions se sont mutuellement accusé de trahison et le président Déby en a profité pour débaucher certains membres de la rébellion.

Le troisième facteur a trait au changement d’attitude adopté par le Soudan. Après l’offensive de l’UFR en mai 2009, certains cercles influents à Khartoum ont commencé à afficher leur scepticisme quant à l’intérêt de l’alliance avec l’opposition armée tchadienne et ont envisagé un rapprochement avec N’Djamena. Dans la perspective de l’élection présidentielle qui a eu lieu en avril 2010 et le referendum programmé en janvier 2011 au Sud Soudan, l’apaisement des tensions avec le Tchad s’imposait comme une option pragmatique pour le gouvernement soudanais.

De son côté, craignant que la victoire militaire de ses troupes en mai 2009 ne soit que temporaire, Idriss Déby veut, à tout prix, réduire la marge de manœuvre de la rébellion et l’empêcher de trouver un sanctuaire extérieur lui permettant de se reformer. Un apaisement des relations avec Khartoum est aussi fortement désiré afin de permettre aux autorités tchadiennes de réorienter une partie des moyens financiers affectés à la défense pour l’organisation des rendez-vous électoraux nationaux. Reportées à maintes reprises à cause de la guerre dans le pays, les élections législatives et locales sont programmées au mois de novembre 2010 et l’élection présidentielle au mois d’avril 2011.

L’accord du 15 janvier ainsi que les visites successives du président Déby à Khartoum, en février et mai, et celle d’Omar Al Bachir à N’Djamena en juillet donnent des raisons de croire à une normalisation des rapports tchado-soudanais. Cependant, les obstacles résiduels subsistants pourraient compromettre les avancées constatées depuis le début de l’année. Chacun des deux présidents voudrait se servir du rapprochement tchado-soudanais pour renforcer ses pouvoirs: vis-à-vis de l’opposition intérieure pour l’un et de la Cour pénale internationale pour l’autre. De même, les ambigüités qui entourent la reprise des négociations entre N’Djamena et la rébellion tchadienne, d’une part, et entre Khartoum et le MJE, d’autre part, laissent planer un doute sur un retour définitif à la normale.

Sur le plan intérieur, après plus de cinq années de contestation, le gouvernement tchadien tente actuellement de réaffirmer l’autorité de l’Etat, de redonner un élan à son mode de gouvernance et d’obtenir l’adhésion de la population à un nouveau pacte national fondé sur le rejet de la lutte armée. Cependant, des calculs électoralistes confèrent à ce processus l’aspect d’une consolidation du pouvoir du président Déby. Des manœuvres politiques mettent aussi en lumière le clientélisme au sein des classes dirigeantes, les tendances autocratiques et claniques du régime et la marge de manœuvre étroite de l’opposition.

Seules, les prochaines élections ne sauraient imprimer un changement de cap démocratique. Pour ce faire, elles doivent être précédées d’une amélioration de l’environ­nement politique global, le contrôle de l’espace politique par le président Déby, les divergences entre le pouvoir et l’opposition armée, les tensions récurrentes entre les élites dirigeantes ainsi que les problèmes du processus électoral, pourraient compromettre ce processus. Néanmoins, il n’en demeure pas moins que des fenêtres d’oppor­tunité existent. Elles pourraient permettre au gouvernement d’avancer vers une véritable normalisation intérieure et extérieure. De façon primordiale, le gouvernement tchadien doit donner la preuve de sa volonté politique en adoptant et appliquant l’ensemble des mesures préconisées par l’accord du 13 août 2007 pour favoriser un environnement participatif et des élections crédibles. Dans un tel contexte d’incertitudes, le retrait programmé de la MINURCAT (la mission des Nations-Unies déployée au Tchad et en Centrafrique), apparaît pour le moins prématuré.

Nairobi/Bruxelles, 17 août 2010

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