Briefing / Africa 3 minutes

Congo: Le processus électoral vu de l’Est

Les préparatifs techniques des élections présidentielles et législatives prévues le 28 novembre ainsi que le début de la campagne électorale dans l'Est du Congo ont généré une méfiance telle qu’elle risque de se transformer en crise de confiance dans l'ensemble du processus électoral.

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Synthèse

Les opérations nationales d’enregistrement des électeurs qui avaient débuté en avril 2011 ont pris fin le 17 juillet. Cet enregistrement, qui aboutit à une augmentation de l’ensemble du corps électoral de presque 6,3 millions de personnes (24,5 pour cent) par rapport aux élections de 2006, a pu avoir lieu dans les délais prescrits, y compris dans les régions troublées que sont les provinces des Kivus et le district de l’Ituri. Si les enrôlements se sont relativement bien déroulés, cela tient surtout au fait que la carte d’électeur sert aussi de carte d’identité et qu’elle est aussi utile aux miliciens qu’aux citoyens ordinaires. Ni la société civile ni les partis politiques n’ont fondamentalement contesté les opérations d’enregistrement au niveau local mais cela n’est pas synonyme de satisfaction. Les surprenants résultats annoncés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le déficit de dialogue et l’absence de vérification de leur bonne inscription par les électeurs alimentent une suspicion latente mais généralisée dans l’opposition et la société civile. Afin de renforcer la crédibilité du processus électoral, il convient d’amé­liorer sa transparence, de respecter scrupuleusement le code électoral et de mettre en place un dialogue formel entre la CENI, les partis politiques et la société civile.

L’Ituri et les deux provinces des Kivus présentent le double intérêt d’être la seule région de la République Démocratique du Congo (RDC) abritant encore des groupes armés et d’avoir été un réservoir de voix important pour le parti au pouvoir lors des élections de 2006. Avec le Katanga et le Maniema, la Province Orientale (y compris l’Ituri) et les deux Kivus – c’est-à-dire les provinces de l’Est – ont fait élire Joseph Kabila et sa formation, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), en 2006 avec plus de 90 pour cent des voix en leur faveur dans cette partie du pays. Or, la donne politique a changé dans cette région par rapport à 2006: une opposition a émergé à l’Est avec l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe, l’ancien président de l’assemblée nationale, et la popularité du gouvernement semble en baisse en raison de la persistance de l’insécurité.

Dans cette zone stratégique tant au plan électoral que militaire, la campagne électorale vient de débuter dans une ambiance de relative liberté politique qui n’exclut pas quelques blocages et intimidations. L’accès aux médias demeure déséquilibré et des pressions sont exercées sur l’opposition, et notamment sur l’UNC qui est particulièrement active dans cette région. Toutefois, du fait de l’asy­métrie des forces électorales, pour la classe politique locale les élections présidentielles semblent jouées d’avance dans cette région et ce sont les scrutins législatifs et provinciaux qui apparaissent comme les principaux enjeux des scrutins à venir.

Les opérations électorales à l’Est ont généré une suspicion qui a pris une ampleur nationale et risque de se muer en une crise de confiance dans l’ensemble du processus électoral. Sur la base de ce constat régional, il convient de prendre les mesures suivantes valables pour tout le pays :

  • la communauté internationale doit observer dans le détail la suite du processus électoral, notamment en zone rurale;
  • les partis politiques et la société civile doivent se préparer d’ores et déjà pour observer le vote et les premiers doivent pouvoir mener campagne librement;
  • la CENI doit respecter scrupuleusement le code électoral, notamment pour l’accréditation des observateurs, et établir un cadre formel de dialogue avec les partis politiques et la société civile aux niveaux national et provincial;
  • la CENI doit mettre en place une procédure transparente et largement publicisée pour recevoir les doléances de la société civile et des partis politiques pour les opérations électorales à venir;
  • la CENI doit publier le fichier électoral, les résultats de l’enrôlement par district et territoire en 2006 et 2011 et expliquer publiquement sa méthodologie de consolidation des listes électorales;
  • la CENI doit établir une procédure standardisée pour contester les résultats et publier les résultats par centre de vote;
  • le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication doit devenir rapidement opérationnel;
  • tous les acteurs du processus électoral doivent accepter le code de bonne conduite présenté par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies; et la mission des Nations unies au Congo (MONUSCO) doit encourager de manière plus soutenue le respect des libertés politiques et le dialogue entre la CENI, les partis politiques et la société civile aux niveaux national et provincial, ce dialogue étant l’élément fondamental pour instaurer un climat de confiance;
  • la MONUSCO doit continuer à démontrer sa présence sur le terrain dans les zones d’activité des groupes armés;
  • la MONUSCO et la communauté internationale doivent accroître leur effort pour améliorer la formation des policiers congolais au maintien de l’ordre;
  • la MONUSCO doit accroître son appui logistique à la CENI pour que les opérations de distribution du matériel électoral s’effectuent dans les délais impartis; et
  • la majorité et l’opposition doivent négocier, dans l’éven­tualité d’un report des élections, un accord qui établisse une nouvelle échéance pour ces élections et limite l’action du gouvernement à la gestion des affaires courantes jusqu’aux scrutins.

Après avoir analysé les défis du processus électoral dans le rapport Congo: le dilemme électoral, ce nouveau briefing de Crisis Group examine le déroulement de l’enre­gistre­ment électoral et le début de la campagne sur le terrain, dans ces régions de l’Est de la RDC que sont les Nord et Sud Kivus et l’Ituri. Ce faisant, il replace la préparation des scrutins dans leur contexte local et met en relief les enjeux électoraux propres à cette partie du pays qui demeure fondamentale pour une stabilisation durable de la RDC.

I. Overview

Voter registration that began across the Congo in April 2011 concluded on 17 July, on time even in troubled regions such as the Kivu provinces and the Ituri district, and produced a nearly 6.3 million increase in the electorate, 24.5 per cent over the 2006 exercise. If it went relatively well, it was mainly because the voter card also serves as an identity card, so is as useful to militiamen as to ordinary citizens. Neither civil society nor political parties fundamentally challenged the operation at the local level, but this is not synonymous with satisfaction. The surprising results the Independent National Electoral Commission (INEC) announced and lack of dialogue and verification by the voters themselves feed latent but widespread suspicions in the opposition and civil society. To ensure credible elections, it is necessary to improve transparency, respect the electoral law and establish a forum for dialogue between INEC, the parties and civil society.

Ituri and North and South Kivu form a key region for two reasons: they are the sole part of the Democratic Republic of the Congo (DRC) still harbouring armed groups, and they provided an important reservoir of votes for the ruling party in the 2006 elections. With Katanga and Maniema, it was the East – Orientale (including Ituri) and the Kivus – that elected Joseph Kabila and his People’s Party for Reconstruction and Democracy (PPRD), giving it more than 90 per cent support. However, the political landscape has changed in this region: an opposition party has emerged – the Congolese Union for the Nation (UNC) led by Vital Kamerhe, the former chair of the National Assembly – and the popularity of the government is falling due to persistent insecurity.

In an area that is electorally and militarily strategic, the campaign has just begun, in an atmosphere of relative political freedom that does not exclude, however, some restrictions and intimidation. Access to the media remains unbalanced, and there is pressure on the opposition, especially the UNC, because it is very active in this region. Nevertheless, due to the asymmetry of political forces, local politicians regard the presidential election as already decided in the East and the main stakes to be the legislative and provincial elections.

The electoral process in the East has generated suspicion on a national scale that risks developing into a crisis of confidence in the whole electoral process. Based on Crisis Group’s regional observations, the following measures should be taken across the country:

  • the international community should observe the entire electoral process in detail, particularly in rural areas;
     
  • political parties and civil society should prepare now for observing the voting, and the former should be allowed to campaign freely;
     
  • INEC should scrupulously respect the electoral code, especially regarding accreditation of observers, and should establish a formal platform for dialogue with political parties and civil society at both the national and provincial level;
     
  • INEC should establish transparent and widely publicised procedures for receiving grievances from civil society and the political parties regarding the approaching elections;
     
  • INEC should publish the voters list and the breakdown of registration by district and territory in 2006 and 2011, and publicly explain its methodology for finalising the voters roll;
     
  • INEC should establish a standardised procedure for challenging the results and publish those results by each voting station;
     
  • the Superior Audiovisual and Communication Council should quickly become operational;
     
  • all stakeholders in the electoral process should accept the code of conduct introduced by the UN Special Representative of the Secretary-General; and the UN mission in the Congo (MONUSCO) should encourage a more sustained respect for political freedom and dialogue between INEC, the political parties and civil society at both national and provincial level, since dialogue is the key element in building trust;
     
  • MONUSCO should continue to deploy its troops in the areas where armed groups are active;
     
  • MONUSCO and the international community should increase their crowd management training program for the Congolese police;
     
  • MONUSCO should increase its logistical support for the timely distribution of electoral material; and
     
  • the presidential majority and the opposition should, for the contingency that postponement of the elections cannot be avoided, negotiate an agreement that sets a new deadline for the elections and provides that government would limit itself to routine business until they are held.

Having already analysed the main challenges of the electoral process nationally in the report Congo: The Electoral Dilemma, Crisis Group in this briefing examines voter registration and the beginning of the campaign on the ground in the East, putting the preparations for elections in late 2011 in their local context and highlighting the electoral stakes in a region that remains fundamental for durable stability in the country.

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