Difficile transition vers la démocratie et la paix au Congo
Difficile transition vers la démocratie et la paix au Congo
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
Op-Ed / Africa 3 minutes

Difficile transition vers la démocratie et la paix au Congo

Le bilan des six premiers mois du nouveau gouvernement de la République démocratique du Congo est inquiétant. Il est marqué par l'usage disproportionné de la force contre des opposants, le recours à la corruption pour parvenir à ses fins et un dangereux regain de tensions dans les provinces de l'Est. Si le gouvernement congolais ne convainc pas la population de sa détermination à vouloir reconstruire le pays ravagé par la guerre, poursuivre les réformes institutionnelles et consolider le processus de paix par des méthodes démocratiques, il sera de nouveau considéré comme une nuisance plutôt qu'une autorité légitime, et échouera certainement à restaurer l'autorité de l'Etat.

La transition issue du dialogue inter-congolais et des accords de Pretoria fut, par certains aspects, un remarquable succès. Elle a permis de réunifier le pays et d'améliorer la situation sécuritaire sur une grande partie du territoire. Les troupes des principaux mouvements rebelles ont pu être intégrées dans l'armée nationale et aucune force militaire, nationale ou régionale ne menace aujourd'hui le gouvernement élu. Une commission électorale indépendante a organisé un référendum constitutionnel en décembre 2005, puis des élections nationales entre juin et novembre 2006, considérées par les observateurs comme relativement libres et crédibles.

Le gouvernement ne pourra cependant pas relever les défis auxquels il est confronté en ayant recours aux techniques de domination mobutiste ou en opposant aux critiques extérieures sa sacro-sainte souveraineté. Pour garder sa crédibilité, tant sur le plan national qu'international, il devra montrer l'exemple et prouver au quotidien qu'un nouveau système de gouvernance est en train d'être installé.

Les tenants des nouvelles institutions du pays ont reçu du peuple congolais un mandat très clair pour agir. Toutefois, les méthodes employées et l'immobilisme du Parlement inquiètent. Le premier ministre, Antoine Gizenga, ne semble pas avoir de véritable stratégie pour sortir le pays de la misère et mener à bien sa reconstruction. L'opposition, qui a recueilli plus du tiers des voix de l'électorat, fait également preuve d'un manque dramatique de vision politique. Elle invoque le recours répété à la force contre ses partisans et le départ en exil de Jean-Pierre Bemba, le candidat perdant du second tour de l'élections présidentielle, pour expliquer sa faiblesse. La répression des manifestants en janvier à Matadi, l'assaut sanglant donné contre la résidence de Bemba en mars à Kinshasa et l'utilisation assumée de la corruption par la majorité présidentielle pour mettre l'opposition à l'écart des postes de gouverneur de province sont des signes évidents de retour aux pratiques mobutistes.

La situation sécuritaire dans des zones telles que l'Ituri, à l'est du pays, s'est améliorée, mais une nouvelle crise se profile dans la province du nord du Kivu. Les outils nécessaires à la résolution de ce conflit existent : nouvelle loi sur la nationalité, nouvelle Constitution prévoyant une large décentralisation, processus en cours de réforme des forces de sécurité. Mais la méthode fait pour le moment défaut, avec, à nouveau, la tentation du recours à la force contre les soldats dissidents au lieu de la mise en place d'un processus de négociation politique crédible, destiné à retirer toute légitimité aux revendications des insurgés à résoudre une fois pour toutes ce conflit.

La priorité doit donc être donnée à la négociation d'une solution durable à ce conflit, traitant de ses racines économiques, sécuritaires et régionales, et menant implicitement à l'élimination des militaires renégats. Pour éviter tout problème sécuritaire à l'Ouest, le gouvernement doit aussi combattre le sentiment d'exclusion des populations lingalaphones, singulièrement renforcé pendant les élections où elles ont soutenu majoritairement Jean-Pierre Bemba.

Enfin, un nouveau partenariat oeuvrant à la reconstruction du pays et à la consolidation du processus de paix doit être établi avec la communauté internationale. Celle-ci a énormément investi pour sortir le Congo de la guerre. Son rôle ne doit pas se limiter au soutien technique et financier de projets de développement. Un nouveau forum politique doit être créé entre ses principaux membres et le gouvernement, pour traiter des grands dossiers inachevés pendant la transition et soutenir la reconstruction : décentralisation, élections locales, renforcement de l'indépendance de la justice, réforme du secteur de la sécurité et gestion transparente des ressources naturelles. L'aide internationale devrait être conditionnée à sa création, si besoin est.

La France a un rôle particulier à jouer au sein de l'Union européenne et avec le gouvernement congolais pour fonder ce nouveau partenariat, répondant aux exigences d'une nouvelle politique africaine, libérée des relations personnalisées et des compromissions du précédent gouvernement. L'enjeu est de taille. Si aucun signe politique de mise en place d'une autre gouvernance n'est donné d'ici à la fin de l'année, le soutien des bailleurs de fonds et des Nations unies pourrait se déplacer vers d'autres théâtres post-conflits. Le Congo risque également de perdre les bénéfices du travail accompli ces cinq dernières années, et de voir se multiplier les conflits locaux, qui pourraient l'amener une nouvelle fois vers l'implosion.

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