Briefing / Africa 2 minutes

L’Est du Congo : la rébellion perdue des ADF-Nalu

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Synthèse

Les Forces démocratiques alliées-Armée nationale de libération de l’Ouganda (ADF-Nalu) sont un des groupes armés les plus anciens et les moins connus de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et le seul de cette région à être considéré comme une organisation terroriste appartenant à la nébuleuse islamiste d’Afrique de l’Est. S’ils ne constituent pas une menace déstabilisatrice comme le Mouvement du 23 mars (M23), ils tiennent cependant tête à l’armée congolaise depuis 2010. Créé en RDC en 1995 et situé aux confins montagneux de la RDC et de l’Ouganda, ce groupe armé congolo-ougandais fait preuve d’une extraordinaire résilience qui tient à sa position géostratégique, son insertion dans l’économie transfrontalière et la corruption des forces de sécurité. Par conséquent, avant d’envisager toute nouvelle intervention militaire contre les ADF-Nalu, il convient de faire la part du mythe et de la réalité et de réduire sa base socioéconomique tout en proposant une offre de démobilisation et de réinsertion à ses combattants. 

Agrégat de plusieurs mouvements armés soutenus par des acteurs extérieurs – le Zaïre de Mobutu Sese Seko et le Soudan de Hassan al-Tourabi –, les ADF-Nalu luttaient initialement contre le régime ougandais de Yoweri Museveni, mais ils ne sont jamais parvenus à s’y implanter. Mouvement d’origine ougandaise, il s’est enraciné dans l’Est de la RDC et, plus particulièrement, dans des zones montagneuses difficiles d’accès. S’insérant dans la population locale et les circuits du commerce transfrontalier, il a noué des relations avec divers groupes armés de l’Est de la RDC ainsi qu’avec les autorités civiles et militaires ougandaises et congolaises. Cette implantation dans une zone grise a permis aux soldats perdus des ADF-Nalu de survivre sans gagner une bataille depuis plus de quinze ans et d’avoir été vaincus à plusieurs reprises mais jamais neutralisés. 

Grâce à leur dirigeant, Jamil Mukulu, un chrétien converti à l’islam, les ADF-Nalu ont cessé d’être un problème congolo-ougandais pour prendre une dimension régionale en tant qu’élément de la nébuleuse islamiste radicale en Afrique de l’Est. Toutefois, d’une part, il subsiste de nombreuses zones d’ombre sur les liens entre les ADF-Nalu et les organisations islamistes radicales de la région et, d’autre part, l’islamisme de ce groupe armé parait superficiel.

Alors que la lutte contre les groupes armés dans l’Est de la RDC continue à être appréhendée dans une perspective militaire, il convient d’éviter une autre opération inutile. La Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL), les Nations unies, la RDC et l’Ouganda ne doivent pas envisager la lutte contre ce groupe comme une campagne militaire et doivent promouvoir une autre approche qui comprend :

  • L’élaboration d’une stratégie fondée sur le renseignement qui vise à neutraliser les réseaux économiques et logistiques transfrontaliers des ADF-Nalu. Pour ce faire, les officiers du mécanisme de vérification conjoint de la frontière déployés par la CIRGL en 2012 et le groupe des experts des Nations unies doivent travailler de concert pour produire une étude précise de ces réseaux, qui permettra de définir la stratégie adéquate pour saper la base économique et logistique du groupe armé. 
     
  • L’inscription des responsables des réseaux de soutien des ADF-Nalu, aussi bien en RDC qu’à l’extérieur, sur la liste des personnes qui soutiennent les groupes armés et font l’objet de sanctions onusiennes. Les militaires congolais et ougandais complices de ces réseaux ainsi identifiés doivent être sanctionnés par les autorités de leur pays.
     
  • Des rotations régulières des officiers congolais et ougandais déployés dans cette région.
     
  • Un programme de démobilisation et de réinsertion pour les combattants congolais et ougandais prêts à se rendre, après avoir mené des enquêtes sur les éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ces derniers. Pour ce faire, la Monusco devrait lancer un appel aux bailleurs de fonds afin de refinancer son programme de désarmement et réintégration (DDRRR) pour les combattants ADF-Nalu congolais. 
     
  • L’autorisation immédiate pour les villageois des zones d’Erengeti et Oïcha de reprendre les travaux agricoles, suspendus par les autorités militaires.

Nairobi/Bruxelles, 19 décembre 2012

I. Overview

The Allied Democratic Forces-National Army for the Liberation of Uganda (Forces démocratiques alliées-Armée nationale de libération de l’Ouganda, ADF-Nalu) is one of the oldest but least known armed groups in the east of the Democratic Republic of Congo (DRC) and the only one in the area to be considered an east African Islamist terrorist organisation. Although it does not represent the same destabilising threat as the 23 March Movement (M23), it has managed to fend off the Congolese army since 2010. Created in the DRC in 1995 and located in the mountainous DRC-Uganda border area, this Congolese-Ugandan armed group has shown remarkable resilience because of its geostrategic position, its successful integration into the cross-border economy and corruption in the security forces. Before countenancing any further military intervention against the ADF-Nalu, it would be wise to separate legend from fact and weaken its socio-economic means of support while at the same time offering a demobilisation and reintegration program to its combatants. 

An alliance of several armed groups supported by external actors (Mobutu Sese Seko’s Zaire and Hassan al-Turabi’s Sudan), the ADF-Nalu fought the Ugandan government led by Yoweri Museveni, but never managed to gain a foothold in that country. A Ugandan movement in origin, it put down roots in eastern Congo, especially in the remote mountainous border areas. It became integrated into local communities, participated in cross-border trade and established relations with various armed groups in eastern Congo and with Congolese and Ugandan civilian and military authorities. The way the ADF-Nalu blended into this grey area allowed the group to survive without winning a battle for more than fifteen years and to resist several attempts to neutralise it. 

The efforts of its leader, Jamil Mukulu, a Christian converted to Islam, have turned the ADF-Nalu from a purely Congolese-Ugandan problem into a regional problem, because of the links it has formed with radical east African Islamist groups. However, little is known about these links and allegations of the groups’ allegiance to Islamism seem rather superficial.

The fight against armed groups in eastern Congo continues to be viewed through a military lens, but it would be wise to avoid another ineffective military operation. The International Conference on the Great Lakes Region (ICGLR), the UN, the DRC and Uganda should adopt a different approach that seeks to:

  • Formulate an intelligence-based strategy to neutralise the ADF-Nalu’s cross-border economic and logistical networks. The officers of the Joint Verification Mechanism deployed by the ICGLR in 2012 should work with the UN group of experts to produce a detailed study of these networks and use it to define an appropriate strategy for undermining the armed group’s economic and logistical base. 
     
  • Include the leaders of ADF-Nalu’s support networks, inside and outside the DRC, on the list of individuals subject to UN sanctions for their support of armed groups. Congolese and Ugandan military personnel colluding with these networks should be punished by the authorities of their country.
     
  • Rotate on a regular basis Congolese and Ugandan officers deployed in this region.
     
  • Introduce a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for Congolese and Ugandan combatants who after investigation are found not to be responsible for war crimes and crimes against humanity. MONUSCO should appeal to donors to fund the program for Congolese ADF-Nalu combatants. 
     
  • Authorise villagers in the Erengeti and Oïcha areas to resume work on their farms, which was suspended by the military authorities.

Nairobi/Brussels, 19 December 2012

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