Francophonie : aller ou ne pas aller à Kinshasa
Francophonie : aller ou ne pas aller à Kinshasa
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
DR Congo: A Full Plate of Challenges after a Turbulent Vote
Op-Ed / Africa 2 minutes

Francophonie : aller ou ne pas aller à Kinshasa

François Hollande semble hésiter à se rendre à Kinshasa en octobre pour le sommet de la francophonie. Il serait bien inspiré de ne pas offrir au président, Joseph Kabila, une telle occasion de s’afficher réconcilié avec les démocraties après les élections présidentielle et législative calamiteuses en République démocratique du Congo (RDC) qui privent le régime d’une véritable légitimité démocratique. En se rendant à Kinshasa, François Hollande enverrait un message plus que trouble aux pays d’Afrique où la démocratisation est encore une lutte quotidienne que l’on paie au prix du sang.

Le choix de Kinshasa n’aurait jamais dû être entériné après l’élection présidentielle de l’an dernier dans ce pays. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) place, en effet, dans sa déclaration de Bamako, au premier plan de ses priorités l’établissement de vrais régimes démocratiques parmi ses membres, le respect des droits de l’homme et celui de la bonne gouvernance. Tous ces principes sont bafoués en RDC. Les fraudes et le chaos dans l’organisation de l’élection présidentielle de l’an dernier ont abouti, selon les observateurs, à des résultats peu crédibles. Malgré l’ampleur internationale des condamnations et la mobilisation de la diaspora congolaise, le régime du président Kabila refuse de prendre en compte les améliorations à apporter au système électoral préconisées par l’Union européenne et entend organiser des élections provinciales avec la même commission électorale.

Le choix de Kinshasa contredit aussi l’affirmation de la défense des droits de l’homme comme une priorité de l’OIF. Outre les fraudes, ces élections ont été marquées par de graves restrictions à la liberté de la presse et des violations des droits de l’homme perpétrées par les forces de sécurité et documentées en détail par les Nations unies. Ces restrictions et ces violences n’ont surpris personne et surtout pas le Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies et les organisations de journalistes, comme Reporters sans frontières. Le refus de diffuser au Congo le film sur Floribert Chebeya, un activiste des droits de l’homme assassiné par les forces de sécurité en 2010, est une nouvelle confirmation du manque de transparence dans lequel s’enfonce le gouvernement de la RDC.

Ce choix fait également fi des préoccupations de bonne gouvernance affichées par l’OIF. Joseph Kabila est de plus en plus affublé du surnom peu flatteur de «Mobutu light», tant il réplique avec fidélité le mode de gouvernance du maréchal. Comme aux temps maudits de Mobutu, le régime congolais d’aujourd’hui puise ses ressources financières dans sa supervision de l’exploitation sauvage des ressources naturelles. L’armée continue de se financer grâce «aux minerais du sang» dans l’Est du pays tandis que le régime brade les biens publics mondiaux du pays que représentent la forêt du bassin du Congo et le parc des Virunga classé au patrimoine mondial par l’Unesco.

Le choix de Kinshasa pour ce sommet contrevient également au bon sens diplomatique. Loin d’être un exemple de sortie de conflit réussie, la RDC n’arrive toujours pas à juguler la violence contre les civils, et plus particulièrement contre les femmes dans l’Est du pays. Les Kivu semblent voués à des conflits interminables et ce n’est pas l’autoritarisme croissant de Kabila qui va permettre des solutions négociées. Alors, pourquoi le deuxième président socialiste de la Ve République devrait-il se rendre à Kinshasa ? Pour redresser l’image internationale du président Kabila et une cérémonie d’investiture boudée par tous les chefs d’Etat, à l’exception sans surprise du président zimbabwéen Robert Mugabe ? Pour signer quelques contrats qui feront long feu comme celui d’Areva en 2009 ? François Hollande tient là une occasion d’affirmer une «présidence normale» face à une Afrique francophone dont la jeunesse rêve de voir en la France une alliée de ses aspirations au changement plutôt que la discrète protectrice de ses autocrates.
 

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