Report / Africa 2 minutes

Le dialogue intercongolais: Poker menteur ou négociation politique?

Plus de deux ans après la signature de l'accord de cessez le feu de Lusaka, s'est ouvert officiellement le 15 octobre 2001 à Addis Abeba le dialogue intercongolais (DIC), sous les auspices de l’ancien Président du Botswana, Sir Ketumile Masire.

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Synthèse

Plus de deux ans après la signature de l'accord de cessez le feu de Lusaka, s'est ouvert officiellement le 15 octobre 2001 à Addis Abeba le dialogue intercongolais (DIC), sous les auspices de l’ancien Président du Botswana, Sir Ketumile Masire. D’entrée de jeu, le gouvernement congolais a bloqué les débats, prétextant de l’absence de nombreux délégués pour exiger un report de la réunion. Cette rencontre, initialement prévue pour une durée de 45 jours, s'est soldée par un échec et a été reportée à une date ultérieure en Afrique du Sud.

Dans le contexte actuel de continuation de la guerre à l’Est, cet échec était prévisible. Si une solution globale n'est pas négociée pour arrêter la guerre, les dés du dialogue resteront pipés. Le dialogue intercongolais était initialement perçu comme le moyen pour la coalition rebelle d’arriver à ses fins et pour forcer le président d’alors, Laurent-Désiré Kabila, à accepter un partage du pouvoir. Mais aujourd’hui, comme aucune des parties n’est suffisamment forte, politiquement et militairement, pour obtenir gain de cause, le dialogue est dans l'impasse.

Dans le cadre des accords de Lusaka, le dialogue intercongolais était destiné à préparer la mise en place d’un nouvel ordre politique qui émancipe les Congolais de l'occupation leurs alliés et de leurs ennemis respectifs. Mais ni le Rwanda, l’Ouganda, le Zimbabwe ou l’Angola ne veut véritablement voir installé à Kinshasa un régime échappant à son contrôle. Le président Kabila et ses parrains refuse le partage du pouvoir avec les rebelles sans garantie de retrait total  des troupes rwandaises et ougandaises, tandis que les rebelles et leurs sponsors refuse le retrait de ces mêmes troupes tant qu'un gouvernement de transition ne sera pas installé et leur sécurité garantie. En conséquence, un conflit de basse intensité reste donc l’option la plus séduisante pour certains acteurs étrangers, et  la guerre continue derrière les lignes de front, au Kivu, par groupes armés rwandais et burundais interposés.

Les Etats qui sont intervenus en RDC n'ont pas encore satisfait leur shopping list politique et sécuritaire et veulent garder un accès privilégié aux ressources naturelles du pays. Cet accès permet à chacun de se renforcer intérieurement au moment où ils connaissent des successions politiques difficiles ou des fins de transition.

Enfin, depuis la disparition de Kabila père, le dialogue a perdu en partie sa raison d’être pour la communauté internationale, qui parie sur Kabila fils, le pousse à reprendre le processus démocratique abandonné sous Mobutu et l’incite à négocier directement avec l'Ouganda et le Rwanda, plutôt qu'avec les mouvements rebelles. Mais le gouvernement de Kinshasa est aujourd’hui trop faible pour pouvoir répondre aux attentes internationales.

Pour que les négociations de paix réussissent, la communauté internationale doit se montrer beaucoup plus active et soutenir le dialogue direct entre les gouvernements du Rwanda et de la RDC  demandé par la résolution 1376 du Conseil de sécurité du 9 novembre 2001. La résolution soutient la création d'un mécanisme de coordination sur le désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation, réinsertion (DDRRR). Sans une implication active sur ce dossier, le dialogue intercongolais restera un poker menteur.

Le dialogue intercongolais doit se donner comme objectif prioritaire la fin de la guerre et la reconstruction des institutions nationales. La discrimination contre les communautés rwandophones du Kivu notamment, le poison semé par Mobutu pour diviser et régner, est une autre question à régler en priorité. La résolution du conflit passera nécessairement par la réconciliation des populations du Kivu, la fin définitive de la remise en cause de la nationalité des populations rwandophones du Congo et l’établissement de garanties institutionnelles et politiques pour la sécurité des minorités sur l’ensemble du territoire.

C'est avant tout la reconstruction d'institutions nationales, la réconciliation et l'émergence d'un leadership congolais autonome et responsable qui créeront les conditions de la restauration de la souveraineté congolaise et de son intégrité territoriale. Ces objectifs et les moyens de les atteindre doivent être clairement compris avant qu'une autre réunion du dialogue intercongolais ne soit convoquée.

Bruxelles/Nairobi/Kinshasa, 16 novembre 2001

Executive Summary

More than two years after the signing of the  Lusaka Ceasefire Agreement, the Inter-Congolese Dialogue officially opened in Addis Ababa on 15 October 2001, under the facilitation of Sir  Ketumile Masire, the former President of Botswana. But the government of Joseph Kabila stonewalled, insisting that the absence of many delegates necessitated postponement. The meeting, scheduled to last 45 days, quickly deadlocked and was postponed to an unspecified date in South Africa.

In the context of ongoing war, the failure was foreseeable. Should nothing change, the dice will remain loaded against the Dialogue. It was originally perceived as a way for the anti- government coalition to achieve its objectives. The rebels imposed the concept on then-President Laurent-Desire Kabila to force him to accept power-sharing, but now neither side is strong enough to gain the upper hand either militarily or politically.

In the Lusaka Agreement framework, the Dialogue is supposed to prepare for a new political dispensation that liberates the Congolese from external occupation and interference. But neither Rwanda, Uganda, Zimbabwe nor Angola want to see in Kinshasa a regime not under their control. President Kabila and his backers refuse to consider power-sharing through the Dialogue with anti-government rebels without guarantees of Rwanda and Uganda's full withdrawal. At the same time   the rebels and their sponsors, including Rwanda and Uganda, refuse to consider withdrawal until a transition government is established through the Dialogue and their security is guaranteed. As a result of this deadlock, low-intensity conflict remains the most attractive option to most of the external actors, and war grinds on in the Kivus thanks to continued support from Kinshasa and Harare to the Rwandan and Burundian Hutu militias.

The states that have intervened in the Congo all have unsatisfied political and security "shopping lists" and want to retain access to the country's resources. This access enables the governments of Zimbabwe, Angola, Uganda, and Rwanda to reinforce themselves internally at a time of domestic succession or political transition.

Since the death of the elder Kabila, the Dialogue has lost much of its attraction for the international community, which strongly supports the son and wishes to push him to resume the democratisation process Mobutu abandoned, negotiating directly with Uganda and Rwanda, rather than with the rebels. But the Kinshasa government is too weak to meet international expectations without an external mediator or guarantor.

In order for the peace negotiations to succeed, the international community should more actively support direct dialogue between the governments of the DRC and Rwanda, as demanded by UN Security Council Resolution 1376 of 9 November 2001. The resolution calls for the establishment of a joint co-ordination mechanism on disarmament, demobilisation, repatriation, resettlement and reintegration (DDRRR). Without this the Inter- Congolese Dialogue will remain a game of bluff rather than a transparent political negotiation.

The Inter-Congolese Dialogue must set as its primary objectives ending the war and rebuilding national Congolese institutions. The international community should also urge the Dialogue to come to grips with ethnic discrimination against the rwandophone communities of the Kivus, a poison sowed by Mobutu that is a major cause of ongoing fighting. Resolution of the conflict must include reconciliation, acceptance of the minorities' Congolese citizenship, and institutional and political guarantees for their security.

More than anything, reconstruction of national institutions, reconciliation and the emergence of an autonomous and responsible Congolese leadership would create the conditions for restoration of full Congolese sovereignty and  territorial  integrity. But a careful review of objectives and what is needed to achieve them is required before another meeting is held to pick up the pieces from the failure at Addis Ababa.

Brussels, Nairobi, Kinshasa, 16 November 2001

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