L’Armée de la résistance du Seigneur en sommeil au Congo ?
L’Armée de la résistance du Seigneur en sommeil au Congo ?
Commentary / Africa 4 minutes

L’Armée de la résistance du Seigneur en sommeil au Congo ?

Dans le Nord-Est de la RDC, comment en finir avec une menace résiduelle

« Avec 200 hommes, nous pourrions venir à bout d’une grande partie de la LRA en RDC », m’a confié un des acteurs du dispositif anti-LRA lors de mon voyage dans les Uélé, à l’extrême Nord-Est de la RDC, au mois d’août de cette année. L’Armée de la résistance du Seigneur sévit dans la région depuis bientôt 2008. Cette confidence illustre la situation de la lutte contre la LRA en RDC : une lutte au point mort. Celle-ci a besoin d’un nouveau souffle face à un groupe qui a démontré à plusieurs reprises qu’il pouvait disparraitre puis réapparaitre de manière encore plus violente.

Après 2008, la LRA s’est fragmentée entre la RDC, la Centrafrique et le Sud-Soudan. Désormais, sa réalité opérationnelle est celle de petits groupes de combattants, localisés essentiellement dans le parc de la Garamba. Installés dans cette zone depuis plusieurs années, ils survivent dans la brousse en cultivant des champs et en s’adonnant au braconnage, notamment au trafic d’ivoire. Confirmé par la société civile locale et les services de sécurité, cet affaiblissement se traduit dans le Nord-Est de la RDC par une diminution des attaques qui sont dorénavant commises à des fins essentiellement alimentaires. Dans les Uélé, de nombreux combattants disent avoir faim et même la moelle épinière du groupe armé composée de combattants ougandais est en proie au découragement. Selon des témoignages d’otages relâchés par la LRA, certains combattants songent à se rendre mais voudraient le faire en Ouganda et aux autorités locales.

Paradoxalement, si l’épuisement de la LRA au Congo est évident, cela ne se manifeste ni par des succès militaires de l’armée congolaise et de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Congo (Monusco), ni par des défections au sein du noyau dur de la LRA dans cette région. A cet égard, les statistiques des Nations unies et des ONG parlent d’elles-mêmes : un seul combattant ougandais a quitté la LRA en RDC en 2012-2013 et aucun combattant ougandais n’a été capturé en RDC au cours de cette même période. Cette situation contraste avec celle de la Centrafrique où 31 combattants ougandais ont fait défection depuis un an et demi.

Pourquoi la lutte contre la LRA dans le Nord-Est de la RDC est-elle aussi faible ? Actuellement, les patrouilles conjointes de la Monusco et de l’armée congolaise contribuent à sécuriser les axes routiers mais cette force régionale d’intervention créée en 2011 sous la conduite de l’Union africaine n’existe que sur le papier. Les 500 soldats congolais qui la composent dans les Uélé sont en formation à Dungu et dépourvus de la logistique nécessaire à leur déploiement.

La campagne d’incitation à la défection menée par des organisations non gouvernementales locales et internationales et la Monusco n’est guère efficace. Des prospectus sont largués par voie aérienne au-dessus des zones occupées par la LRA, des émissions de sensibilisation sont diffusées sur les radios FM et, depuis le 31 juillet 2013, les militaires américains ont l’autorisation de survoler le territoire afin de transmettre, au moyen de haut-parleurs, des messages d’incitation à la défection. Ces mesures sont cependant incapables de neutraliser ou réduire un groupe résiduel composé d’à peine 250 combattants.

Pour quelles raisons ? Premièrement, la pression militaire sur la LRA est proche de zéro : la Monusco et l’armée congolaise sécurisent les voies de communication mais n’exercent aucune pression tactique sur la LRA. Deuxièmement, l’efficacité de la force régionale de l’UA repose sur la détermination des pays où se trouvent les combattants de la LRA à sécuriser leur territoire – détermination qui a fait défaut aussi bien en RDC qu’en Centrafrique où il n’y a actuellement plus d’Etat depuis le coup d’Etat de mars 2013. La campagne d’incitation à la défection est également contrecarrée par la peur de la vengeance populaire (par les villageois ou les soldats congolais) et le saut dans l’inconnu que représente un retour en Ouganda. Alors que la LRA s’est installée dans la brousse de l’extrême Nord-Est de la RDC depuis plusieurs années, les efforts anti-LRA se sont progressivement essoufflés et les bailleurs occidentaux, notamment les Etats-Unis et l’Union européenne, n’en font pas une priorité.

La LRA étant réduite à l’état de guérilla résiduelle dans les Uélé, il est possible d’en venir à bout en :

  • installant une petite base de la Monusco à proximité du Parc national de Garamba afin de pouvoir mener des opérations dans le parc ;
  • exerçant une véritable une pression militaire. Grâce au travail de renseignement des conseillers militaires américains, l’armée congolaise et la Monusco devraient pouvoir localiser et démanteler les villages de la LRA, notamment dans le Parc national de Garamba ;
  • expliquant clairement les options qui s’offrent aux déserteurs de la LRA et les rassurant sur leurs conditions de retour en Ouganda. Kampala offre l’amnistie à tous les rebelles qui se rendent à l’exception de trois « haut commandants » inculpés par la Cour pénale internationale (Joseph Kony, Dominic Ongwen et Okot Odhiambo). Les messages de défection doivent indiquer clairement aux rebelles qu’ils doivent se rendre aux forces de la Monusco et qu’ils seront traités conformément au droit humanitaire. Si nécessaire, les responsables civils ougandais devraient être amenés dans cette zone afin de faciliter le dialogue avec les membres de la LRA.

Pour être efficace, la lutte contre la LRA doit inclure une pression militaire sur les combattants restants, améliorer la coordination et augmenter l’intensité des campagnes de défections et clarifier les explications sur la manière dont les déserteurs congolais et ougandais peuvent bénéficier de l’amnistie et d’un programme de réintégration. Alors que le gouvernement congolais et la Monusco sont absorbés par la lutte contre le M23 au Nord Kivu, la tentation est grande de se contenter de contenir la menace LRA mais, à l’avenir, grâce à d’éventuels renforts venus de Centrafrique, le groupe qui opère au Nord-Est de la RDC pourrait se restructurer et lancer de nouvelles attaques contre des villages.

En 2011, le rapport de l’International Crisis Group intitulé L’Armée de résistance du seigneur : échec et mat ?  soulignait déjà que le plus grand problème de la Force régionale d’intervention était le manque d’engagement de la part des pays censés y contribuer. Deux ans plus tard, ce manque d’engagement est confirmé et constitue la principale raison de la survie de la LRA.

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