Une approche politique nuancée mais ferme pour un automne décisif en RD Congo
Une approche politique nuancée mais ferme pour un automne décisif en RD Congo
Former Togolese Prime Minister Edem Kodjo sits with diplomats during the opening of a Congolese "National Dialogue" in DR Congo's capital Kinshasa on 1 September 2016. AFP/Junior D. Kannah
Former Togolese Prime Minister Edem Kodjo sits with diplomats during the opening of a Congolese "National Dialogue" in DR Congo's capital Kinshasa on 1 September 2016. AFP/Junior D. Kannah
Statement / Africa 5 minutes

Une approche politique nuancée mais ferme pour un automne décisif en RD Congo

Les grandes puissances et l'opposition congolaise perdent patience face à la tentative du régime de la République démocratique du Congo de se maintenir au pouvoir de façon illégitime après décembre. International Crisis Group appelle tous les acteurs à concentrer leurs efforts sur le dialogue, les pressions et les encouragements nécessaires pour une transition non violente. 

La République démocratique du Congo (RDC) traverse une crise qui pourrait avoir de graves conséquences sur le pays, la région et le legs de la communauté internationale en RDC. La volonté du régime de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite prévue par la Constitution risque de mettre à mal les acquis de dix années de paix relative. Le dialogue politique lancé le 1er septembre vise à produire une feuille de route vers des élections, mais ses résultats sont pour l’instant incertains. La communauté internationale doit faire usage de tous les moyens diplomatiques et financiers à sa disposition pour aider les Congolais à trouver une solution avant le 19 décembre, date à laquelle s’achèvera le second et dernier mandat de Kabila autorisé par la Constitution.

Dans l’arène politique à Kinshasa, rares sont ceux qui croient au dialogue dans sa configuration actuelle. Le manque de transparence dans la sélection des participants, l’incertitude sur l’ordre du jour et la mauvaise communication sont les principales préoccupations. Avec moins de 300 participants, le dialogue n’est pas assez large pour servir de tribune aux préoccupations nationales, mais trop large pour permettre aux principaux acteurs de trouver un accord sur les points majeurs. D’importants mouvements d’opposition restent à l’écart. La société civile est divisée sur sa participation, ce qui a mené à des accusations acrimonieuses de trahison ou de blocage d’un dialogue pourtant nécessaire. L’église catholique, que beaucoup voient comme l’arbitre moral le plus crédible, y prend part mais promet de se retirer si les résultats ne respectent pas scrupuleusement la Constitution. Cependant, une déclaration du facilitateur de l’Union africaine, Edem Kodjo, sur Twitter le 14 septembre, évoque un accord sur la tenue simultanée de toutes les élections (provinciales, législatives et présidentielle). Ceci constituerait un accord important pour éviter des retards excessifs, mais ce n’est pas en soi une solution globale.

Derrière ces difficultés se cachent de vrais problèmes de polarisation politique. Les animosités sont exacerbées par la tendance du régime à s’en prendre aux dissidents de son propre camp en manipulant le système judiciaire, comme le soulignait Crisis Group dans son rapport d’août sur les confrontations politiques dans l’ancienne province du Katanga. L’entourage du président, qui a beaucoup à perdre, fait pression sur les membres du régime pour qu’ils conservent le pouvoir à tout prix en dépit des dispositions constitutionnelles sur la tenue d’élections et des clauses qui interdisent clairement au président Kabila de se présenter pour un troisième mandat. Les personnalités de l’opposition sont sous pression, appelées à adopter une position ferme, mais alimentent et exploitent l’insatisfaction populaire à leur propre fin. Le mécontentement profond envers le régime, qui s’est manifesté lors d’un récent match de football à Kinshasa, quand une partie du stade s’est mise à scander « Kabila doit partir », devient rapidement un facteur important dans les négociations.

Pour que le dialogue, qui doit se conclure en fin de semaine prochaine et bien avant le 19 décembre, soit fructueux, les positions maximalistes doivent être modérées et un compromis trouvé. Le risque est double : que les forces en présence campent sur leurs positions, ou que l’opposition, ou des segments qui la composent, entre dans un gouvernement de transition avec des engagements insuffisants concernant l’aboutissement de la transition. Ce dernier scénario pourrait générer une grande colère à la fois contre le gouvernement et contre l’opposition. De même, et de façon plus probable, l’opposition pourrait se diviser, certains cherchant à obtenir des postes, d’autres se tournant vers la rue pour faire pression sur le gouvernement. Cela empêcherait des négociations cohérentes et retarderait une résolution effective.

Tout porte à croire que le régime est déterminé à s’accrocher au pouvoir et à éviter le scrutin. Cependant, si cela se confirme à court terme, les fidèles de Kabila auront très peu d’options quand il s’agira de trouver une issue à la crise qui s’aggrave. A plus long terme, cela conduirait à une impasse qui ne profiterait à personne.

Les enjeux sont de taille. Un arrangement doit être en place d’ici la deuxième moitié de décembre, insistant fermement sur la nécessité d’organiser rapidement des élections, selon un calendrier précis. Dans cette période particulière, ceux qui sont au pouvoir ne devraient pas avoir carte blanche pour agir comme ils l’ont fait jusqu’à présent. Les acteurs internationaux devraient encourager les politiciens congolais à chercher un compromis, mais pas de ceux dont la population paierait le prix, ce qui pourrait déclencher de graves violences urbaines. Cela requiert nuance et flexibilité, nécessite de persuader les acteurs à rejoindre les pourparlers le cas échéant, et d’augmenter la pression si ces pourparlers semblent voués à l’échec.

La communauté internationale doit faire usage de tous les moyens diplomatiques et financiers à sa disposition pour aider les Congolais à trouver une solution avant le 19 décembre, date à laquelle s’achèvera le second et dernier mandat de Kabila autorisé par la Constitution.

S’il est possible que certains politiciens congolais surestiment l’influence étrangère, l’opinion internationale est prise au sérieux. Les pays voisins et les acteurs régionaux tels que l’Afrique du Sud peuvent avoir une grande influence, et les positions de la communauté internationale jouent un rôle dans les manœuvres politiques. La mauvaise gestion économique et la baisse des prix des matières premières ont conduit à une crise des finances publiques et augmenté encore la corruption, mais face à la répression et à l’instabilité politique, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) sont peu disposés à renflouer le pays en lui apportant un soutien budgétaire extraordinaire. Il est peu probable, néanmoins, que ceci suffise à provoquer un réel changement de la part d’une classe politique récalcitrante.

Les sanctions pourraient augmenter la pression. Elles peuvent avoir des rendements décroissants, rien ne garantit qu’elles changent les fondamentaux, comme on peut le voir au Zimbabwe, et risquent d’encourager l’opposition à prendre des positions plus radicales, y compris en organisant des manifestations qui pourraient pousser le régime à faire usage de la force. Cependant, celles qui visent des individus, comme celles prises récemment contre le chef de la police de Kinshasa, le Général Kanyama, peuvent avoir un effet dissuasif et calmer temporairement les agresseurs les plus acharnés. Elles peuvent limiter les options du régime et, par là même, les risques d’escalade si les tensions augmentent et que la confrontation se déplace dans la rue. Parallèlement, comme plusieurs groupes de pression le recommandent, imposer des sanctions financières à des individus qui ont pillé le pays au cours de la dernière décennie et placé leur argent à l’étranger est moralement fondé. Cela pourrait aussi contribuer à lutter contre l’impunité si ces sanctions faisaient partie d’une stratégie cohérente pour faire baisser les tensions.

La présence de la force de maintien de la paix de l’ONU la plus large au monde présente des opportunités mais aussi des défis. Les casques bleus auraient des difficultés à protéger la population si le régime réprimait violemment les opposants ou les manifestants, mais la présence continue de la police et des troupes de l’ONU dans les potentielles zones sensibles pourrait dissuader les forces de sécurité de commettre des exactions contre la population, et les activités de monitoring et les bons offices de la mission demeureront importants. Le président Kabila a constamment joué la carte nationaliste en demandant que l’ONU réduise sa force, mais il n’est pas certain que le retrait, particulièrement de la Brigade d’intervention, soit dans son intérêt. En effet, la menace de retrait pourrait constituer un levier supplémentaire pour les acteurs internationaux.

Après des années de frustration, certaines grandes puissances comme les Etats-Unis semblent perdre patience avec le pouvoir congolais, partageant la colère de la population face à sa détermination à se maintenir au pouvoir de façon illégitime malgré les signes de plus en plus manifestes de son incompétence et de son avidité. C’est compréhensible, mais cela doit être canalisé dans une stratégie globale mettant la pression sur le régime tout en l’encourageant à poursuivre de véritables négociations vers une transition politique, plutôt que vers la confrontation. Les acteurs internationaux, y compris les envoyés spéciaux, ont besoin d’une position commune, solide et cohérente pour pouvoir garder ouverts leurs propres canaux de communication avec le régime, l’opposition ainsi que la société civile, et pour que ces derniers se dirigent ensemble vers des élections et une transition non violente conformément aux valeurs démocratiques fondamentales.

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