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Tribunal Pénal International pour le Rwanda: Pragmatisme de Rigueur

Il y a un an, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) traversait une période de grande tension.

Synthèse

Il y a un an, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) traversait une période de grande tension. En même temps que s’imposaient à lui des échéances claires quant à la fin de son mandat, le TPIR faisait face à trois défis essentiels: fixer un programme réaliste des poursuites lui permettant d’achever ses travaux d’ici 2008, date fixée pour l’achèvement des procès en première instance, établir un calendrier judiciaire reflétant ses priorités et la nécessité d’améliorer sa productivité, résister à la pression d’un gouvernement rwandais déterminé à empêcher toute poursuite contre des membres de son armée. Sur ces trois fronts, l’année qui vient de s’écouler aura marqué l’entrée du TPIR dans une phase de pragmatisme.

L’engorgement fatal du TPIR a été, à ce jour, évité. La cascade annoncée des actes d’accusation et des arrestations s’est brutalement tarie. Il est désormais nécessaire d’aller jusqu’au bout de cette démarche réaliste et de courageusement mettre un terme immédiat aux nouvelles mises en accusation. A ce jour, 82 personnes ont été mises en accusation pour génocide: le TPIR n’a tout simplement pas la capacité d’en juger davantage. De plus, les principaux suspects figurent clairement parmi les individus déjà accusés. Le départ forcé de Carla del Ponte du poste de procureur général du TPIR, décidé par le Conseil de sécurité le 28 août 2003, et son remplacement par le juge gambien Hassan Jallow, ne changent pas les autres priorités du parquet: compléter rapidement les dossiers existants et relancer les enquêtes sur l’Armée patriotique rwandaise (APR), suspendues depuis plus d’un an.

Sur le plan des procès également, le TPIR est contraint de se plier dans l’avenir à un devoir froid de productivité. En outre, il doit toujours faire face à la priorité de juger les principaux suspects de l’armée et du gouvernement de 1994 dont les procès sont enfin fixés au calendrier de l’automne 2003. Seule la combinaison d’une réforme vigoureuse de la façon dont les juges mènent les procès et d’un arrêt immédiat des nouvelles enquêtes pour génocide permet d’envisager l’achèvement des procédures en première instance d’ici quatre ou cinq ans. La volonté du nouveau président de l’institution, le juge Erik Mose, qui a présenté en juillet 2003 à l’Assemblée générale de l’Onu, pour la première fois, un calendrier final sur quatre ans, reflète un sens louable des responsabilités. Les juges et le parquet doivent faire preuve d’un engagement total dans cette direction. Quant au greffe, la réforme de sa gestion des coûts de la défense est devenue impérative.

Enfin, il y a un an, le gouvernement rwandais provoquait une grave crise avec le Tribunal d’Arusha en empêchant les procès de se tenir par le blocage du transport des témoins du Rwanda en raison des enquêtes menées par le bureau du procureur sur les crimes de guerre présumés de l’APR en 1994. La suspension formelle des enquêtes par Carla del Ponte en septembre 2002 et l’établissement d’un accord entre le bureau du procureur du TPIR et les autorités rwandaises sous l’égide du gouvernement américain ont permis semble-t-il de débloquer la situation. Lors d’une réunion tripartite à Washington, en mai 2003, un accord de principe a été passé selon lequel Kigali prendrait la responsabilité de ces procès, le TPIR n’intervenant, théoriquement, que si le Rwanda échouait à les mener de façon satisfaisante. Mais l’éviction de Carla del Ponte du poste de procureur général du TPIR consécutif à la décision, en août 2003, du Conseil de sécurité de l’Onu de séparer les parquets du TPIR et du TPIY aura pour conséquence probable qu’aucun procès contre l’APR ne se tiendra jamais devant le Tribunal d’Arusha. Ce triomphe du pragmatisme, s’il devait être entériné, n’absout cependant pas le bureau du procureur de ses responsabilités.

Le gouvernement rwandais n’offre, en effet, aucune garantie que justice soit rendue sur les crimes présumés de l’APR. Il est par conséquent impératif que le parquet du TPIR reprenne au moins à l’étranger ses enquêtes sur l’APR et qu’aucune date limite pour la fin de celles-ci ne soit fixée. Ces enquêtes n’ont en aucun cas besoin de faire l’objet d’annonce publique. Sans cet engagement minimal qui seul peut permettre au TPIR, le cas échéant, de reprendre ses responsabilités, «l’accord» de Washington constituera un abandon pur et simple de toute poursuite contre l’APR et ceux qui l’ont promu, accepté ou mis en œuvre porteront la très lourde responsabilité de cet abandon partiel du mandat du TPIR et de ses conséquences sur les chances de réconciliation au Rwanda.

Nairobi/Bruxelles, 26 septembre 2003

Executive Summary

One year ago, the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) was mired in trouble, under serious time constraint because of the firm date by which its work had to be finished. It faced three challenges. First, to organise a program of investigations that would give it a realistic chance to finish all its initial proceedings by 2008. Secondly, to set up a time-table for cases that reflected its priorities, including the need for greater efficiency. Thirdly, to resist pressure from the Rwandan government, which was attempting to stymie any possibility that members of the Rwandan patriotic army (RPA) would be tried. With respect to all three challenges, the ICTR has become more pragmatic.

A deadly overburdening of the tribunal’s workload has been avoided. The flood of arrests and charges has been decisively dried up. However, there is still room for this realistic approach to be carried to its logical conclusion – namely for the court to show the courage to put a stop to new cases. It has charged 82 persons with genocide. Quite simply, the ICTR does not have the capacity to deal with any more cases. More importantly, the main suspected perpetrators have already been indicted. The departure of Carla del Ponte as prosecutor, forced by the United Nations Security Council on 28 August 2003, and her replacement by the Gambian judge Hassan Jallow do not change the court’s priorities. It needs to complete the outstanding cases and re-launch its enquiries into the war crimes presumed to have been committed by the RPA, which have been suspended for more than a year.

The cold reality is that the ICTR needs to be a good deal more efficient in handling trials. Among other things, it should maintain its priority of judging the main suspects from the army and 1994 government, whose trials have been set to begin in the last three months of 2003. It will only be possible to wrap up the initial proceedings within four to five years if the court vigorously reforms how its judges conduct the trials and if it refuses to start any new genocide investigations. The new president judge, Erik Mose, who presented a final four-year trial calendar to the UN General Assembly for the first time, shows a welcome sense of responsibility. The judges and the court must prove their total commitment to this process. Reform of the registry’s management of defence costs has also become vital.

There is one further issue. A year ago, the Rwandan government provoked a serious crisis in its difficult relationship with the court when it prevented the travel of witnesses whose presence was required for cases to proceed because it objected to the prosecutor’s inquiries into war crimes presumed to have been committed by the RPA in 1994. The formal suspension of Carla del Ponte’s investigations in September 2002 and the establishment of a U.S.-sponsored deal between the prosecutor’s office and the Rwandan authorities seemed to have improved the situation. At a tripartite meeting in Washington in May 2003 an agreement was reached in principle whereby Kigali would take responsibility for the trials, and the ICTR would only intervene if Rwanda was unable to carry them out satisfactorily. However, the ejection of Carla del Ponte from the prosecutor’s seat following the Security Council decision to separate the ICTR and the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia (ICTY) means that there will probably never be a trial of the RPA in Arusha. This triumph of pragmatism, however, does not absolve the prosecutor’s office of its responsibilities.

The Rwandan government is offering, in effect, no guarantee that justice will be rendered for crimes committed by the RPA. It is of the highest importance, therefore, that the ICTR resumes outside the country its investigation into the crimes allegedly committed by the RPA and does not set an end date to this investigation. The reopening of the investigation need not be done publicly but this is the minimum that would allow the tribunal to reclaim these cases should the Rwandan authorities fail to prosecute them adequately. Otherwise, the Washington “agreement” will be a total failure and bear heavy responsibility for the negative consequences with respect to reconciliation in Rwanda that would result from the ICTR’s inability to complete part of its mandate.

Nairobi/Brussels, 26 September 2003

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