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Ultimatum au Darfour: Nouveau plan d’action international

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Synthèse

La réaction internationale à la crise au Darfour, dans l'Ouest du Soudan, demeure à ce jour veule et inappropriée, ses effets restant désespérément minimes. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies doit adopter, à l'échéance du 30 août 2004, un nouveau plan d'action international énonçant des mesures plus rigoureuses à l'égard des autorités de Khartoum, qui ont fait preuve de mauvaise foi tout au long de la crise, et autorisant l'Union Africaine (UA), épaulée par un soutien international renforcé, à intensifier ses efforts pour parvenir à améliorer la situation sur le terrain et à négocier un accord politique.

L'histoire a montré que Khartoum réagit de manière constructive aux pressions directes, mais ces pressions doivent être concertées, cohérentes et sincères. La campagne de purification ethnique de seize mois a donné lieu à une réaction lente dont l'influence favorable est peu significative. En dépit du déplacement à Khartoum et au Darfour de nombreuses personnalités de haut niveau, parmi lesquelles le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan et le Secrétaire d'État américain Colin Powell, le gouvernement soudanais n'a pas encore respecté sa promesse, maintes fois répétée, de neutraliser les milices Janjawids responsables de la plupart des violences. La communauté internationale se doit à présent d'affirmer sans ambiguïté que cette négligence aura un coût substantiel pour le Soudan.

La situation au Darfour fait également peser une menace directe et grandissante sur les perspectives de paix au Soudan au terme d'une guerre civile longue de 21 ans et sur la future cohésion de l'un des pays africains les plus grands et potentiellement les plus riches. Il est urgent d'agir, tant sur le front de l'aide humanitaire que de la paix, faute de quoi non seulement le bilan est voué à s'alourdir de dizaines de milliers de victimes, mais l'instabilité risque également de se propager dans les pays voisins du Soudan.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a finalement adopté le 30 juillet 2004 sa première résolution à la suite des atrocités perpétrées au Darfour, notamment les massacres et les viols systématiques. Cette résolution, dont on retiendra surtout les échecs, a imposé un embargo sur les armes, largement dénué de sens, à la fois aux milices Janjawids, à l'origine des plus terribles ravages, et aux rebelles, mais n'a visé aucune mesure à l'encontre du gouvernement soudanais, pour lequel les Janjawids ont agi par procuration, laissant ainsi croire aux officiels de Khartoum qu'ils pouvaient continuer indéfiniment à détourner les pressions visant à résoudre la crise. Un "Plan d'action" signé quelques jours plus tard entre les Nations Unies et le gouvernement a laissé à ce dernier une marge de manœuvre confortable pour se soustraire à toute action significative dans le délai de 30 jours fixé par la résolution du Conseil de Sécurité.

Plusieurs mois après que Colin Powell ait averti qu'une action internationale conséquente pouvait être déclenchée en quelques jours seulement et que Kofi Annan ait évoqué la possibilité d'une intervention militaire, Khartoum maintient sa politique visant à en dire et en faire juste assez pour échapper à une réaction internationale d'envergure. D'éminents responsables, notamment dans les rangs des renseignements militaires, continuent à miner la voie vers la paix en recherchant l'intégration des Janjawids dans les organes de sécurité officiels tels que la police, l'armée et les forces de défense populaire (un bras paramilitaire du gouvernement) au lieu de les désarmer.

La communauté internationale doit accroître sensiblement son engagement à l'égard des problèmes corrélés de l'aide humanitaire et de la sécurité sur le terrain. Pas moins de deux millions de civils du Darfour nécessitent une aide d'urgence, mais beaucoup en sont privés en raison des goulets créés par le gouvernement et, dans une moindre mesure, par les rebelles. Le nombre de personnes dans le besoin est sous-estimé et il augmentera en flèche dans les prochains mois. La capacité d'aide humanitaire, en termes de logistique, de financement, de personnel et de matériel de transport, est purement et simplement insuffisante pour secourir les populations en danger. Une pression accrue doit également être exercée sur le gouvernement pour qu'il se plie à sa promesse lancinante d'améliorer la sécurité en neutralisant les Janjawids.

L'unique lueur d'espoir réside dans l'attitude de plus en plus ferme de l'UA. Les observateurs de cette organisation régionale au Darfour ont démontré dans leurs rapports que le cessez-le-feu est régulièrement violé de part et d'autre, mais plus spécialement par le gouvernement. Aux quelque 100 observateurs s'ajoute désormais une troupe de 300 soldats nigérians et rwandais, chargés de les protéger, et les planifications s'intensifient pour une force nettement plus substantielle, de quelque 3000 militaires, qui aurait la mission plus ambitieuse de protéger les civils. L'Union Européenne (UE), les États-Unis et les autres acteurs qui se sont montrés prêts à soutenir le déploiement et l'installation d'une telle force, sur le plan logistique et financier, doivent exiger expressément que Khartoum consente à cette présence et à ce mandat.

La situation du Darfour constitue une menace sans cesse plus aiguë pour l'accord de paix, presque finalisé, qui mettrait un terme à la guerre civile plus vaste et plus ancienne entre le gouvernement et l'Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) insurgée. Aussi longtemps que les troubles persistent au Darfour, la possibilité s'offre aux forces politiques de Khartoum opposées aux concessions effectuées dans les négociations de ramener la politique gouvernementale sur le chemin de la guerre. Les perspectives s'amenuisent également qu'un accord final avec l'APLS, fût-il signé, puisse être mis en œuvre ou que le soutien nécessaire puisse être recueilli dans le monde occidental pour procurer aux deux parties l'aide dont elles ont besoin pour le bon fonctionnement de cet accord.

En conséquence, il est également primordial que l'UA redouble d'efforts pour aplanir les problèmes politiques qui sont à l'origine de la crise du Darfour. La communauté internationale doit apporter son plein appui aux pourparlers sur le Darfour parrainés par l'UA, notamment lors de la réunion du 23 août à Abuja, tout en assurant la progression des négociations entre le gouvernement et l'APLS sous l'égide de l'organisation régionale concernée, l'IGAD (Autorité Intergouvernementale pour le Développement) Les deux ensembles de pourparlers de paix sont étroitement imbriqués. Ainsi, l'UA devrait utiliser les modalités de l'accord conclu sur les Monts Nuba et le Nil bleu Sud en tant que point de départ de ses travaux dans les négociations sur le Darfour. La communauté internationale doit soutenir de tout son poids les deux processus, et les équipes de médiation doivent imaginer des méthodes de coordination efficaces. Si un processus global pour une paix nationale avait été amorcé d'emblée, la rébellion du Darfour aurait pu être évitée, mais il faut maintenant maximiser les liens et les pressions.

Nairobi/Bruxelles, le 23 août 2004

Executive Summary

The international response to the crisis in the western Sudanese region of Darfur remains limp and inadequate, its achievements so far desperately slight. The UN Security Council must, by its review deadline of 30 August 2004, endorse a new international action plan -- taking tougher measures against the Khartoum government, which has acted in bad faith throughout the crisis, and authorising the African Union (AU), with stronger international support, to follow up more decisively its efforts to improve the situation on the ground and mediate a political settlement.

History has shown that Khartoum will respond constructively to direct pressure, but this pressure must be concerted, consistent and genuine. Its sixteen-month ethnic cleansing campaign has elicited a slow-motion reaction which is having a negligible positive impact. Despite a series of high-level visitors to Khartoum and Darfur, including UN Secretary General Kofi Annan and U.S. Secretary of State Colin Powell, the Sudanese government has yet to fulfil its repeated commitments to neutralise the Janjaweed militias responsible for much of the violence. The international community has yet to make clear, as it must, that there will be a decisive cost to Sudan for that failure.

The situation in Darfur also constitutes a direct and growing threat to peace prospects in Sudan's 21-year-old civil war and to the chance for one of Africa's largest and potentially richest countries to hold together. Unless much more is done quickly, on both the humanitarian and peace fronts, not only will many tens of thousands more die, but instability will spread, impacting Sudan's neighbours.

On 30 July 2004 the UN Security Council finally passed its first resolution in response to the atrocities, including killings and systematic rape, being committed in Darfur, but that resolution was most notable for what it failed to do. It placed an essentially meaningless arms embargo on the Janjaweed militias who have caused so much havoc and the rebels alike, but directed no measures at the Sudanese government for whom the Janjaweed have acted as a proxy and left officials in Khartoum confident they could continue indefinitely to deflect pressure to resolve the crisis. A "Plan of Action" signed by the UN with the government a few days later left ample room for it to avoid meaningful action within the 30-day deadline set by the Council resolution.

Months after Secretary Powell warned that significant international action could be only days away and Secretary General Annan raised the possibility of military intervention, Khartoum remains adept at saying and doing just enough to avoid a robust international response. Key officials, particularly within military intelligence, continue to undermine avenues toward peace, directing integration of the Janjaweed into official security bodies like the police, army and Popular Defence Forces (a paramilitary arm of the government), rather than disarming them.

The international community must do much more about the interconnected problems of humanitarian relief and security on the ground. As many as two million civilians in Darfur need emergency aid, but many are not receiving it because of bottlenecks created by the government and -- to a lesser extent -- the rebels. The number in need is underreported and will increase significantly in the coming months. The capacity to provide humanitarian assistance in terms of logistics, funding, personnel and transport equipment is simply not adequate to service those at risk. More pressure must also be placed on the government to comply with its repeated commitments to improve security by neutralising the Janjaweed.

The one bright spot is the AU's increasingly energetic response. The regional organisation's observers in Darfur have filed reports that demonstrate the ceasefire is being violated regularly by both sides but particularly by the government. Its some 100 observers are being joined by a force of 300 Nigerian and Rwandan troops who will protect them, and it has intensified planning for a much larger force of some 3,000 troops that it wants to use for the wider purpose of protecting civilians. The European Union (EU), the U.S. and others who have indicated a willingness to support, logistically and financially, the deployment and maintenance of such a force must convincingly demand that Khartoum accept it and its mandate.

The Darfur situation poses an ever greater threat to the nearly finalised peace agreement to end the larger and older civil war between the government and the insurgent Sudan People's Liberation Army (SPLA). As long as Darfur festers, the chance remains for political forces in Khartoum opposed to the concessions that have been made in that negotiation to turn government policy back toward war. There is also less prospect that a final agreement with the SPLA, even if signed, could be implemented, or that there would be the necessary support in the West to provide both sides the help they need to make that agreement work.

It is vital, therefore, for the AU also to enhance its efforts to mediate the political problems at the root of the Darfur crisis. The international community must provide full support to the AU-sponsored Darfur talks, such as those scheduled to begin on 23 August in Abuja, while it helps keep the government/SPLA negotiation under the regional organisation IGAD (Inter-governmental Authority on Development) moving forward. The two sets of peace talks are very much interrelated. For example, the AU should utilise the terms of the deal that has been struck on the Nuba Mountains and Southern Blue Nile as a starting point for its work on the Darfur negotiations. The international community must support both processes robustly, and the mediation teams should find ways to coordinate closely. Had there been a comprehensive national peace process from the outset, the Darfur rebellion might well have been avoided: the need now is to maximise linkages and leverage.

Nairobi/Brussels, 23 August 2004

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