Une résolution qui laisse le Darfour en sursis
Une résolution qui laisse le Darfour en sursis
What’s Left of Sudan After a Year At War?
What’s Left of Sudan After a Year At War?
Op-Ed / Africa 3 minutes

Une résolution qui laisse le Darfour en sursis

Après des mois de marchandage diplomatique à New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a finalement adopté une résolution indispensable fixant l'envoi d'une mission de maintien de la paix au Darfour. Bien que terriblement tardif, c'est un pas très attendu vers la résolution d'une des crises les plus odieuses de ces derniers siècles. Une crise qui a été engendrée par la campagne anti-insurrectionnelle menée par un gouvernement soudanais brutal et qui a entraîné la mort de plus de 200 000 civils et le déplacement de deux millions d'autres. Mais la fin de cette tragédie semble encore bien lointaine, et le chemin à parcourir sera très long avant que les populations du Darfour puissent même commencer à imaginer reconstruire leur vie. Au-delà des douze résolutions largement inefficaces du Conseil de sécurité sur le Darfour ces trois dernières années, ce dernier effort, s'il est mis en action, jouit d'une force quelque peu surprenante. Il est vrai que le texte a été édulcoré de manière à contenter tous les membres du Conseil de sécurité, mais la résolution finale qui en découle a été adoptée à l'unanimité, bénéficiant dès lors d'un poids plus important que les précédentes. Lesquelles appelaient, déjà en août 2006, à l'élargissement et au renforcement de la mission de maintien de la paix. La communauté internationale a finalement accepté d'endosser sa responsabilité collective dans la recherche d'une solution au conflit du Darfour, et ça, c'est déjà tout un exploit.

La nouvelle résolution donne à la force hybride ONU-Union africaine un mandat raisonnablement plus solide pour assurer la protection des civils. Et contrairement à la mission précédemment assurée par l'Union africaine, cette force bénéficiera des structures administratives, de commandement et de contrôle de l'ONU. Néanmoins, il s'agit là du mandat inscrit sur le papier : tout dépendra de la manière dont la nouvelle force hybride l'interprétera et l'appliquera une fois sur le terrain.

Le gouvernement soudanais a accepté la résolution, mais Khartoum a déjà montré par le passé sa réticence à autoriser une présence onusienne au Darfour. L'accomplissement d'une mission de maintien de la paix robuste sera un défi à la fois opérationnel et politique. La résolution contient des dispositions du chapitre VII de la charte de l'ONU, autorisant la nouvelle force ONU-Union africaine à « entreprendre les actions nécessaires » pour protéger les civils, mais elle s'accompagne de restrictions géographiques que Khartoum pourrait facilement exploiter.

Le calendrier de la nouvelle mission prévoit que la force soit déployée et opérationnelle d'ici à la fin de l'année. Bien que cet effort d'échéance très courte soit louable et reflète un sens de l'urgence appréciable au sein du Conseil, d'autres missions de maintien de la paix nous ont appris par le passé que cela sera très difficile, voire impossible, à mettre en oeuvre.

Le prix de l'unanimité au Conseil de sécurité résulte de plusieurs compromis à différents niveaux. Premièrement, la force hybride ne sera pas autorisée à saisir les armes illégales, simplement à les surveiller - une faiblesse significative par rapport aux premières ébauches de texte et à la résolution de l'ONU datant de l'année dernière. C'est tout particulièrement regrettable étant donné la prolifération des armes et des groupes armés au Darfour. Deuxièmement, le texte de l'ONU n'envisage aucune suite à donner en cas de non-conformité. Aucune action punitive n'y est mentionnée au cas où Khartoum échouerait à satisfaire les exigences et les demandes de la communauté internationale.

La faille la plus significative de cette résolution réside sans doute dans le fait qu'elle est basée, tout comme les précédentes et les plus récentes, sur l'accord de paix au Darfour, un accord désormais largement enterré et signé entre le gouvernement et un seul groupe rebelle à Abuja en mai 2006. Il doit être renégocié de manière à contenter toutes les factions belligérantes et à refléter la situation qui n'a cessé d'évoluer sur le terrain.

La refonte de l'accord de paix au Darfour doit faire plus largement partie d'une approche internationale plus globale du Soudan. Une paix durable ne peut être conclue que dans le contexte d'une solution politique qui s'attaquerait aux problèmes de l'équilibre du pouvoir entre le centre et la périphérie, et qui est au coeur de presque toutes les nombreuses questions conflictuelles au Soudan - notamment en ce qui concerne les nouvelles querelles inquiétantes au sujet des politiques de barrage dans le nord. Plus spécifiquement, la crise du Darfour ne peut être résolue sans un effort de remise en route du désormais très fragile accord de paix globale de 2005. Un accord qui a mis fin à 20 ans de guerre civile entre le nord et le sud du Soudan et qui aura coûté la vie à quelque deux millions de personnes.

Le message clef qui doit être adressé ici est que le gouvernement soudanais et les différentes factions rebelles doivent s'engager fermement dans une solution politique et agir en conséquence. S'ils échouent à démontrer leur engagement en vue de la paix, il n'y aura pas d'autre alternative pour la communauté internationale que d'imposer des mesures plus fortes.

La nouvelle résolution de l'ONU vis-à-vis du Darfour est un premier pas encourageant, mais la réalité reste malheureusement que le chemin vers la paix au Soudan s'étend encore à perte de vue.

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