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Nord de l’Ouganda : une occasion d’instaurer la paix à saisir

Alors que les négociations de paix doivent reprendre le 26 avril dans la ville de Juba, dans le sud du Soudan, on peut encore espérer que le processus de paix qui a débuté il y a dix mois entre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et le gouvernement ougandais mette fin à l’un des conflits les plus longs et les plus brutaux en Afrique.

Synthèse

Alors que les négociations de paix doivent reprendre le 26 avril dans la ville de Juba, dans le sud du Soudan, on peut encore espérer que le processus de paix qui a débuté il y a dix mois entre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et le gouvernement ougandais mette fin à l’un des conflits les plus longs et les plus brutaux en Afrique. Le processus de paix actuel est plus structuré et met en jeu un plus grand nombre d’acteurs qu’aucun des efforts qui ont été entrepris par le passé pour mettre un terme à ce conflit de vingt ans. Il bénéficie d’un plus grand engagement extérieur (même si cet engagement n’est pas encore tout-à-fait approprié) et a déjà donné des résultats considérables, comme le départ de la plupart des combattants de la LRA du nord de l’Ouganda. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’accord qui a mis fin à la guerre civile entre le nord et le sud du Soudan a réduit la marge de manœuvre de la LRA en même temps que celle de l’armée ougandaise.

Mais il est probable que ce contexte politique favorable ne dure pas et se contenter de relancer le processus de paix tel quel serait le condamner à l’échec. Il présente en effet d’importantes faiblesses en termes de représentation, de structure et de contenu qui sont autant de limites à son efficacité. La délégation de la LRA, composée en majorité de membres de la diaspora acholie qui n’ont pas directement pris part au conflit, souffre d’un manque de compétence, de crédibilité et de cohérence. L’ordre du jour des négociations est négocié point par point, aussi les progrès sont-ils contrariés par l’échec à mettre en œuvre pleinement l’accord de cessation des hostilités et par un désaccord fondamental sur les solutions globales à apporter au conflit. De plus, les négociations de Juba ne constituent pas le forum adéquat pour aborder les problèmes sociaux, politiques et économiques sous-jacents dans le nord, dont la résolution serait pourtant d’une importance capitale pour mettre fin à la division nord/sud en Ouganda et pour rompre le cycle de violence qui secoue le pays depuis 1986.

Pour réussir, le processus de paix global devrait être mené sur deux fronts parallèles. D’une part, les négociations de Juba devraient se concentrer sur la fin du conflit militaire et proposer une feuille de route générale pour faire face aux revendications générales qui devront être examinées et qui concernent entre autres la responsabilité des coupables de crimes graves. D’autre part, le gouvernement et les donateurs devraient s’engager à Juba à poursuivre leurs discussions sur l’avenir du pays au sein d’un forum plus large réunissant un plus grand nombre d’acteurs ougandais. Les Ougandais du nord, entre autres les chefs traditionnels acholis et la société civile, notamment les femmes et les jeunes, devront avoir plus de poids au sein de ce forum pour pouvoir orienter les initiatives de développement, de réhabilitation et de réconciliation dans leur communauté.

Le retrait temporaire des rebelles des pourparlers depuis le 12 janvier a fourni une occasion de remodeler les efforts de médiation, d’étendre l’engagement d’acteurs extérieurs et de renforcer le processus de paix, désormais plus solide et plus institutionnalisé. Dans un effort pour ramener la LRA à la table des négociations, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Congo, la Tanzanie et le Mozambique ont accepté de se joindre aux discussions en tant qu’observateurs. Le gouvernement du Sud Soudan, qui est à l’origine de la reprise des négociations à Juba, doit désormais veiller à ce qu’une infrastructure efficace soit mise en place pour gérer les aspects logistiques et techniques de ces discussions. Au sein de la hiérarchie rigide de la LRA, Joseph Kony est le personnage central qui pourrait permettre d’aboutir à un accord de paix et il faut accroître les efforts faits pour l’amener à négocier. Un intermédiaire respecté, probablement le nouvel Envoyé spécial de l’ONU pour les zones où opère la LRA et ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano, devrait lui proposer directement un ensemble de garanties concernant sécurité et moyens d’existence pour lui-même comme pour ses hommes, garanties qui serviraient de base de discussion. Les négociations devraient être réorganisées de façon à ce que des groupes de travail puissent réfléchir en parallèle sur différents thèmes abordés.

Les deux camps doivent être persuadés, grâce à une pression dans les domaines spécifiques appropriés, que la paix est la seule option qui vaille le coup. L’enquête de la CPI, bien que controversée, a fait monter la pression sur la LRA, dont les dirigeants qu’elle a mis en accusation sont ainsi incités à négocier. Cette enquête devrait se poursuivre au moins jusqu’à ce qu’une paix juste soit mise en place dans le pays, notamment de robustes mécanismes garantissant que les coupables de crimes graves devront rendre des comptes.

L’ONU, par le biais d’une commission d’experts, et les pays d’accueil devraient enquêter sur les membres de la diaspora qui font obstacle au processus de paix en apportant un soutien matériel et financier à la LRA et éventuellement leur appliquer des sanctions. Un plan de secours concernant une stratégie sécuritaire régionale contre la LRA pour le cas où les négociations de Juba échouaient doit être envisagé dès maintenant. Il doit s’accompagner d’une initiative visant à assurer la coopération militaire et politique entre l’Ouganda, le gouvernement du Sud Soudan, le Congo et les missions de l’ONU au Soudan (MINUS) et au Congo (MONUC). Les donateurs, qui financent 40 pour cent du budget de l’Ouganda, doivent clairement indiquer au gouvernement qu’ils ne soutiendront aucune action militaire contre la LRA au Congo en cas d’échec des négociations et que le financement du développement dans le nord de l’Ouganda ne se fera que si les dirigeants locaux participent activement à ces négociations.

Kampala/Nairobi/Bruxelles, 26 avril 2007

Executive Summary

With peace negotiations due to restart in the southern Sudanese town of Juba on 26 April, the ten-month-old peace process between the Lord’s Resistance Army (LRA) and the Ugandan government still has a chance of ending one of Africa’s longest, most brutal conflicts. The present process is more structured and inclusive than previous efforts to end the twenty-year-old conflict, benefits from greater – if still inadequate – external involvement, and has made some significant gains, notably removing most LRA fighters from northern Uganda. And the implementation of the agreement to end Sudan’s north-south civil war has reduced both the LRA’s and the Ugandan army’s room for manoeuvre.

But the favourable political constellation is likely to be fleeting, and to simply resume the process as previously constituted would be a recipe for failure. It is hamstrung by major weaknesses in representation, structure and substance. The LRA delegation, mainly diaspora Acholi detached from the conflict, lacks competency, credibility and cohesiveness. The agenda is being negotiated sequentially, so progress has been thwarted by failure to fully implement the cessation of hostilities agreement and fundamental disagreement over the issue of comprehensive solutions to the conflict. And the Juba negotiations are the wrong forum for tackling the underlying economic, political and social problems of northern Uganda, critical in ending the north-south divide in Uganda and breaking the cycle of conflict that has racked the country since 1986.

The comprehensive peace process that is required should proceed along two tracks. One is Juba, which should concentrate on ending the military conflict and providing a general roadmap for handling the broader grievances that need to be addressed, including accountability for serious crimes. The second track is one to which the government and donors should commit at Juba but then pursue subsequently in a broader, more inclusive forum in Uganda. It will need to empower northern Ugandans, involving, among others, Acholi traditional leaders and civil society, including women and youth, to steer redevelopment, rehabilitation and reconciliation initiatives within their community.

The rebels’ temporary withdrawal from the talks on 12 January provided an opening to reshape the mediation efforts, expand external engagement and create a stronger and better institutionalised process. As part of a compromise to bring the LRA back to the table, South Africa, Kenya, Congo, Tanzania and Mozambique agreed to join the talks as observers. The Government of Southern Sudan, whose initiative Juba has been and which has continued to lead it, must now ensure that an effective infrastructure is in place to handle the logistical and technical aspects. In the rigidly hierarchical LRA, Joseph Kony is the key to a peace deal, and efforts to engage him must be enhanced. A respected intermediary, most likely the new UN Special Envoy for LRA-affected areas and former Mozambique president, Joaquim Chissano, should deliver directly to him a security and livelihood package that can be the basis for further discussion. Negotiations should be restructured so that small working groups can pursue all issues in parallel.

Both sides must be persuaded through the use of targeted leverage that peace is their only worthwhile option. The International Criminal Court investigation – although controversial – has increased pressure on the LRA and created an incentive for its indicted leaders to negotiate their safety. It should continue, at least until a just peace with robust accountability mechanisms is in place.

The UN, through a new panel of experts, and host countries should investigate and impose penalties on those in the diaspora who undermine the peace process by giving the LRA financial and material support. Contingency planning on a regional security strategy for use against the LRA if Juba fails should begin now with an initiative for military and political cooperation between Uganda, the Government of Southern Sudan, Congo and the UN missions in Sudan (UNMIS) and Congo (MONUC). Donors, who finance 40 per cent of Uganda’s budget, must make clear to the government that they will not support unilateral military action against the LRA in Congo if talks collapse and that funding of northern Uganda’s redevelopment is conditional on the active participation of local leaders.

Kampala/Nairobi/Brussels, 26 April 2007

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