Madagascar's Back on Track - Destination Unknown
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Report / Africa 3 minutes

Madagascar : sortir du cycle de crises

Pour mettre un terme à la crise à Madagascar – qui s’est aggravée avec l’expiration d’un ultimatum de l’Union africaine le 16 mars – la médiation devrait cesser d’essayer de mettre en place une transition fondée sur un partage du pouvoir, et tenter plutôt d’obtenir un accord sur la rédaction d’une nouvelle constitution et l’organisation rapide d’élections sous supervision internationale.

Synthèse

Madagascar est en crise depuis les troubles sanglants qui l’ont secoué début 2009. Plusieurs mois de médiation sous l’égide de l’Union africaine (UA), entre autres, n’ont pas permis de débloquer la situation. Malgré la signature de plusieurs documents, et l’annonce de l’Union africaine de sanctions individuelles contre les membres du regime le 17 mars, les négociations n’ont pas abouti, principalement à cause du refus du gouvernement Rajoelina de mettre en œuvre le partage du pouvoir accepté à Maputo en août. Bien que la violence ait été contenue depuis qu’il a pris le pouvoir en mars 2009, la légitimité du régime est remise en question tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, alors qu’une situation économique difficile pèse lourdement sur une population déjà appauvrie. Pour éviter toute escalade, la médiation devrait cesser d’essayer de mettre en place une transition fondée sur un partage du pouvoir, et tenter plutôt d’obtenir un accord sur la rédaction consensuelle d’une nouvelle constitution et l’organisation rapide d’élections sous supervision internationale.

De janvier à mars 2009, Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, Antananarivo, rassemble dans la rue plusieurs dizaines de milliers de personnes et exige la démission du gouvernement du président Marc Ravalomanana. Il forme une alliance de circonstance avec l’opposition politique et une partie de la société civile, et organise de grands rassemblements qui dégénèrent en pillages massifs, dans lesquels au moins 70 personnes perdent la vie. Rajoelina forme un gouvernement parallèle, la Haute autorité de la transition (HAT), et demande le 7 février à ses partisans de prendre le palais présidentiel. Les forces de sécurité ouvrent le feu sur la foule et font près de 30 morts.

Les tentatives de médiation des Eglises et des Nations unies (ONU) échouent alors que les deux protagonistes s’enfoncent dans une logique de provocation. Les manifestations se poursuivent, ponctuées d’arrestations ciblées et de répression par les forces de l’ordre, jusqu’à ce qu’un camp militaire se mutine et rallie Rajoelina. Acculé, Ravalomanana cède le pouvoir à un directoire militaire composé de trois généraux le 17 mars 2009, qui le transfère immédiatement au maire. L’Union africaine et d’autres condamnent cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle.

Les accords de partage du pouvoir signés à Maputo en août et à Addis-Abeba en novembre représentaient une opportunité de mettre en place une transition consensuelle en réunissant au sein du gouvernement les quatre mouvances politiques représentées par Rajoelina, Ravalomanana, et deux anciens présidents, Didier Ratsiraka et Albert Zafy. Mais bien qu’il ait signé les accords, Rajoelina et son entourage ont depuis bloqué leur mise en place, pour conserver tous les postes importants, et menacé d’organiser des élections de manière unilatérale. Le manque de volonté politique de réaliser des compromis de la part de protagonistes qui semblent plus préoccupés par leur rente de situation que par une solution dans l’intérêt de la nation a rendu un authentique partage du pouvoir pratiquement impossible.

L’impasse de 2009 est la responsabilité d’une élite politique qui a constamment sapé la création d’institutions stables et démocratiques au profit de ses propres intérêts politiques et économiques. Ses pratiques sont également à l’origine des autres crises politiques (1972, 1991 et 2002) qui ont déstabilisé Madagascar depuis son indépendance. Ses membres sont chaque fois parvenus à préserver leurs réseaux de pouvoir, rendant inévitable l’apparition de nouvelles crises.

Une nouvelle constitution et des élections constituent la seule option réaliste pour sortir de ce cycle de crises à répétition. Madagascar a besoin de rétablir des institutions légitimes et d’initier des réformes administratives. La priorité de l’équipe de médiation devrait donc être la négociation d’un accord entre les quatre mouvances politiques, qui permettrait la rédaction rapide d’une nouvelle constitution, un référendum constitutionnel et la tenue d’élections libres et équitables, ainsi que la clarification des termes de l’amnistie décidée à Maputo.

L’organisation des élections ne peut pas reposer exclusivement sur la HAT. Les quatre mouvances devraient accepter que le référendum constitutionnel et les élections soient organisés et supervisés par une mission conjointe UA/ONU. Durant cette période, les activités de la HAT devraient être réduites à l’expédition des affaires courantes. Tout membre qui désirerait se présenter aux élections devrait d’abord démissionner. Andry Rajoelina pourrait, lui, garder ses fonctions jusqu’aux élections, auxquelles il pourrait se présenter, comme négocié à Maputo. Cela permettrait de répondre à la fois aux demandes de la HAT, qui insiste sur l’orga­nisation rapide d’élections, et à celles des trois autres mouvances, qui veulent un contrôle impartial du processus électoral. Cela empêcherait également les disputes autour des postes ministériels et permettrait d’éviter une transition trop longue.

Pour que cette solution fonctionne, l’UA et l’ONU devraient nommer un envoyé spécial conjoint chargé de superviser l’élaboration d’une nouvelle constitution, ainsi que l’organisation d’un référendum constitutionnel et d’élections générales. Une mission de police UA/ONU devrait être mise en place et placée sous la responsabilité de l’envoyé spécial. Elle serait chargée de travailler en étroite collaboration avec les forces de sécurité malgaches pour sécuriser le processus électoral. La communauté internationale, déjà représentée dans le Groupe de contact, devrait rester impliquée, et son rôle de garant inscrit dans l’accord politique.

Nairobi/Bruxelles, 18 mars 2010

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