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Zimbabwe : quel futur après des élections imparfaites ?

La médiation régionale qui offrait la meilleure chance de mettre un terme à la crise que connaît le Zimbabwe depuis huit ans a échoué. Le président sud-africain Thabo Mbeki s’était fixé pour objectif vis-à-vis des pourparlers entre le parti de la ZANU-PF au pouvoir et le Mouvement pour le changement démocratique (MCD) d’opposition de réunir les conditions nécessaires à la tenue d’élections justes et libres dont les résultats ne seraient pas contestés.

Executive Summary

La médiation régionale qui offrait la meilleure chance de mettre un terme à la crise que connaît le Zimbabwe depuis huit ans a échoué. Le président sud-africain Thabo Mbeki s’était fixé pour objectif vis-à-vis des pourparlers entre le parti de la ZANU-PF au pouvoir et le Mouvement pour le changement démocratique (MCD) d’opposition de réunir les conditions nécessaires à la tenue d’élections justes et libres dont les résultats ne seraient pas contestés. Mais les élections prévues pour le 29 mars prochain sont déjà entachées avant même que le scrutin ait eu lieu et le resteront quelle que soit la tournure que prendront les événements le jour du vote et les suivants. Il est probable que les résultats seront âprement contestés. Bien que les acteurs en présence soient loin d’être égaux et que les efforts pour créer une opposition unie aient échoué, l’ancien membre du bureau politique de la ZANU-PF Simba Makoni est un rival sérieux à la réélection de Robert Mugabe. Le président, âgé de 84 ans, dispose probablement des moyens de manipuler ces élections suffisamment pour pouvoir conserver son poste, même si cela implique d’avoir recours à la violence au second tour, mais les perspectives qu’émerge un gouvernement capable de mettre fin à la crise sont minces. En cas de détérioration de la situation, l’Union africaine (UA) devra se tenir prête à offrir rapidement sa médiation en vue d’une part de la signature d’un accord de partage du pouvoir entre les candidats présidentiels et d’autre part de la formation d’un gouvernement de transition doté d’un programme de réforme.

Le principal responsable de l’échec de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) est Mugabe. Lui et son parti ont concédé certaines modifications de la législation relative à la sécurité, aux médias et au processus électoral pour obtenir en échange du MCD qu’il accepte un amendement constitutionnel ouvrant la voie à l’organisation simultanée d’élections présidentielles, parlementaires et locales, lui offrant ainsi l’occasion de se servir du parlement pour choisir lui-même son éventuel successeur. Mais, à la fin du mois de janvier 2008, Mugabe a décidé unilatéralement de convoquer des élections à une date très rapprochée, évacuant ainsi la possibilité d’adopter avant le scrutin la nouvelle constitution, qui devait pourtant être le résultat le plus important des négociations. La ZANU-PF a alors utilisé tous les moyens en son pouvoir pour maintenir un avantage injuste. L’opposition, extrêmement divisée, porte elle aussi une part de responsabilité : elle a acquis une certaine importance dans le cadre de la médiation mais a été incapable de se mettre d’accord sur une stratégie électorale dans une période de grave crise nationale, révélant ainsi de sérieux problèmes parmi ses dirigeants. Morgan Tsvangirai, du MCD, conserve un certain soutien et serait susceptible de disputer le second tour contre Mugabe mais ses chances d’être élu semblent limitées.

Makoni, ancien ministre des Finances et ancien dirigeant de la SADC, a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle le 5 février. Ce premier défi direct à Mugabe de l’intérieur même du parti au pouvoir depuis l’indépendance de 1980 est organisé par certains poids lourds de la ZANU-PF, notamment le général en retraite Solomon Mujuru à l’arrière-plan et l’ancien commandant de la guerre de libération Dumiso Dabengwa au premier. Certains des fidèles de Makoni sont mus par des intérêts économiques tandis que d’autres attendent un véritable changement et ont multiplié les ouvertures envers le MCD en faveur d’un gouvernement d’unité nationale ; Arthur Mutambara a rallié la faction dissidente du MCD qu’il dirige à Makoni. La candidature de ce dernier est vue d’un œil favorable par les gouvernements de la région, qui voient depuis longtemps en une ZANU-PF réformée et capable de contrôler l’appareil sécuritaire du Zimbabwe la meilleure option pour une transition réussie.

L’entrée en lice tardive de Makoni et le soutien limité dont il bénéficie dans les classes populaires de même que la nature opaque du soutien que lui apporte l’establishment ne jouent pas en sa faveur mais sa candidature a plongé la ZANU-PF dans la confusion et semé le doute sur les relations de confiance entre Mugabe et ses alliés. Des acteurs influents au sein de l’appareil de sécurité s’alignent discrètement derrière Makoni.  Cependant, Mugabe se prépare sans doute à faire tout ce qui sera nécessaire pour vaincre celui-ci, y compris si cela implique de recourir à une escalade de violence dans l’éventualité d’un second tour, même au risque de déclencher des combats sanglants entre les différentes factions de la ZANU-PF.

Seuls les institutions et pays « amis » ont été invités à observer les élections à venir et il est essentiel que l’UA et la SADC fondent leur évaluation de la préparation des élections et de l’environnement électoral en général (et pas seulement la conduite du scrutin le jour de l’élection même) sur le strict respect des principes reconnus dans leur propre région. Dans l’hypothèse où la Commission électorale du Zimbabwe, sur laquelle Mugabe semble exercer une certaine domination, déclarait celui-ci vainqueur en dépit d’abus massifs et de manipulations du processus électoral, ces résultats ne seraient pas acceptables. Bien que les circonstances nationales soient ici différentes, si la situation venait à se détériorer au Zimbabwe l’UA devrait se tenir prête à proposer aux parties une assistance diplomatique d’urgence comme elle l’a fait récemment lors de la crise kenyane.

Un règlement négocié ne doit pas nécessairement inclure le départ de Mugabe. Celui-ci pourrait, par exemple, occuper un poste de chef d’État dénué de fonctions exécutives pendant une période transitoire jusqu’à ce que de nouvelles élections puissent avoir lieu. Ce qui compte pour le moment est que la région soit prête à agir promptement au cas où – et la probabilité de cette éventualité est élevée – les élections ne permettaient pas de former un gouvernement légitime qui puisse faire face à une crise nationale dont les conséquences se ressentent de plus en plus au-delà des frontières du Zimbabwe, particulièrement en termes de pression migratoire. Compte tenu que l’Afrique du Sud et la SADC accusent une certaine perte de crédibilité, c’est à l’Union africaine qu’il reviendrait de prendre l’initiative le cas échéant.

Les événements au Zimbabwe évoluent plus vite que la politique internationale. Si les élections se passaient mal, entraînant une escalade de la violence, une aggravation de la situation humanitaire et un exode de la population qui menace la stabilité des pays voisins, le Conseil de sécurité devrait sans doute se saisir du problème. Pour le moment, la communauté internationale au sens large doit se préparer à apporter le moment venu un soutien concerté à un effort de médiation de la part de l’UA, notamment en proposant un programme de redressement économique et politique qui reposerait sur les principes de la bonne gouvernance et qui mettrait en avant la réforme des institutions et du secteur de la sécurité. L’Union européenne et les États-Unis sont peu enclins à reprendre le dialogue avec un gouvernement dominé par la ZANU-PF, en particulier si Mugabe y joue toujours un rôle, mais si un tel gouvernement est issu d’un accord négocié de bonne foi dont l’objectif est la réconciliation et le renouveau, ils ne devraient pas hésiter.

Pretoria/Bruxelles, 20 mars 2008

Executive Summary

The regional mediation offering the most realistic chance to resolve Zimbabwe’s eight-year crisis has failed. South African President Thabo Mbeki’s stated objective in talks between the ruling ZANU-PF party and the opposition Movement for Democratic Change (MDC) was to secure conditions for free and fair elections that would produce an undisputed outcome. But on 29 March 2008, Zimbabwe will hold elections already flawed by pre-poll misbehaviour, notwithstanding what may occur on polling day and thereafter. The results are likely to be heatedly disputed. Though the playing field is far from even, and efforts to create a united opposition have failed, ex-ZANU-PF politburo member Simba Makoni is seriously challenging Robert Mugabe’s re-election. The 84-year-old president probably has the means to manipulate the process sufficiently to retain his office, though possibly only after a violent run-off, but there is little prospect of a government emerging that is capable of ending the crisis. If the situation deteriorates, the African Union (AU) needs to be ready to offer prompt mediation for a power-sharing agreement between presidential contenders and creation of a transitional government with a reform agenda.

Primary responsibility for the failure of the Southern African Development Community (SADC) initiative lies with Mugabe. He and his party conceded changes to security, media and election laws, while obtaining MDC acceptance of a constitutional amendment that paved the way for simultaneous presidential, parliamentary and local government elections and facilitated his opportunity to use the parliament to select his own eventual successor. But at the end of January 2008, Mugabe unilaterally called snap elections and ruled out passage before the polls of the new constitution that was supposed to be the single most important product of the negotiations. ZANU-PF has subsequently been using all the extensive means at its disposal to maintain an unfair advantage. The bitterly divided opposition must also share blame: it gained relevancy from the mediation but was unable to agree on an electoral strategy at a time of acute national crisis, thus exposing a serious failure of leadership. The MDC’s Morgan Tsvangirai retains a following and may reach a run-off against Mugabe but appears to have little chance of election.

Makoni, who is also a former finance minister and head of SADC, announced his presidential candidacy on 5 February. This first open challenge to Mugabe from within the ruling party since independence in 1980 is engineered by some ZANU-PF heavyweights, notably retired General Solomon Mujuru in the background and former liberation war commander Dumiso Dabengwa in public. While some of Makoni’s backers are driven by economic self-interest, others want genuine change and have made overtures to the MDC for a government of national unity; Arthur Mutambara has put his breakaway MDC faction behind the ruling party renegade. Makoni’s candidacy is viewed favourably by regional governments, who have long considered a reformed ZANU-PF able to control the security apparatus the most desirable transition option.

Makoni’s late entry and limited grassroots support, as well as the opaque nature of his establishment backing work against him, but his challenge has thrown ZANU-PF into turmoil and left Mugabe unsure of his allies. Influential actors within the security apparatus are quietly lining up behind Makoni. Mugabe, however, is likely prepared to do whatever is necessary to defeat him, quite possibly including escalation of violence in the event of a run-off, even at the risk of sparking bloody factional fighting within ZANU-PF.

Only “friendly” countries and institutions have been invited to observe the polls, and it is critical that the AU and SADC judge the overall electoral environment and preparations, not just conduct on election day itself, in strict accordance with their regional principles. In the event the Zimbabwe Electoral Commission, which he appears to dominate, declares Mugabe the winner in the face of massive abuse and manipulation of the overall process, the outcome should be rejected. While the national circumstances are different, if the situation deteriorates the AU should have contingency plans in place to offer emergency diplomatic assistance to the parties as it did recently to defuse the Kenya crisis. 

A negotiated settlement need not necessarily remove Mugabe. He might, for example, serve as a non-executive head of state during a transitional period until new elections can be held. The important point at this stage is for the region to be prepared to act quickly if, as is likely, the elections do not produce a clearly legitimate government that can deal with a national crisis whose consequences are increasingly being felt beyond Zimbabwe’s borders, especially in terms of migrant pressures. With South Africa and SADC having lost some credibility, the AU needs to take the lead.  

Events in Zimbabwe are outrunning international policy. If the elections go badly, so that violence increases, the humanitarian crisis grows worse, and the population exodus puts the stability of regional neighbours under greater pressure, the Security Council may yet need to take up the deteriorating situation. For now, the wider international community must be ready to provide concerted backing to an AU-led mediation, including by offering an economic and political recovery program guided by principles of good governance and designed to promote institutional and security sector reform. The EU and U.S. have little appetite to re-engage with a ZANU-PF dominated government, particularly if there is still a place in it for Mugabe, but if that is the result of a genuinely negotiated agreement that aims at reconciliation and renewal, they should not hold back.

Pretoria/Brussels, 20 March 2008

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