Le Burkina doit trouver sa voie entre besoin de justice et réconciliation
Le Burkina doit trouver sa voie entre besoin de justice et réconciliation
Interview / Africa 2 minutes

Le Burkina doit trouver sa voie entre besoin de justice et réconciliation

Le Burkina Faso, où des soldats du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) refusent toujours de désarmer malgré l'échec de leur coup d'Etat, doit, pour sortir durablement de la crise, "trouver sa voie médiane" entre besoins de "justice" et de "réconciliation", estime Cynthia Ohayon, experte de l'ONG International Crisis Group, basée à Dakar.

AFP: La médiation régionale avait proposé une amnistie pour les putschistes, immédiatement rejetée par la société civile. Comment conjuguer justice et volonté de tourner la page ?

Cynthia Ohayon: C'est une des questions les plus difficiles, qui se posait déjà depuis le début de la transition. Il y a une vraie volonté de sanctionner le clan Compaoré pour les crimes à la fois économiques et politiques qui ont été commis. Cette volonté est compréhensible. Il faut qu'il y ait des sanctions, on ne peut pas perpétuer l'impunité. C'est à chaque pays de trouver sa voie médiane entre deux impératifs: le besoin de justice, de punir les crimes passés et en même temps le besoin de dialogue et de réconciliation. L'amnistie qui avait été proposée par la Cédéao était totale. D'un point de vue moral c'est inacceptable, d'un point de vue politique cela ne passe pas chez la société civile et la plupart des partis politiques de l'ancienne opposition.

Et même d'un point de vue stratégique: amnistier complètement les auteurs d'un coup d'Etat va forcément encourager d'autres à se lancer. Une amnistie totale ne rend jamais service à personne mais il ne faut pas tomber non plus dans la chasse aux sorcières.

Le Burkina peut-il s'inspirer d'autres sorties de crises africaines ?

Le Burkina a ses propres spécificités. Contrairement à un certain nombre de pays africains, ce n'est pas une crise qui repose sur une instrumentalisation politique de facteurs ethniques ou religieux. La crise est d'une nature différente et donc les solutions doivent aussi être de nature différente. Le Burkina est un pays où il y a une forte capacité de compromis et une forte culture du dialogue: il faut mettre à profit cette culture pour réussir à éviter l'affrontement.

Il faut si possible ne pas exclure une partie de la classe politique. Le problème c'est qu'une partie du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ex-parti de Compaoré) a soutenu voire activement participé au coup d'Etat. Elle s'est donc complètement +délégalisée+, décrédibilisée. Pourtant c'est difficile de penser l'avenir du pays sans prendre en compte ceux qui l'ont dirigé pendant trente ans.

Sur la question de la dissolution du RSP, le décret a été pris deux jours après la restauration du gouvernement de transition. Il aurait peut-être fallu attendre que les braises s'éteignent un peu plus pour renouer une certaine forme de dialogue.

Pourquoi le Burkina a-t-il replongé dans la crise ?

C'est une crise de long terme. Les racines sont profondes. Il ne fallait pas s'attendre à en sortir rapidement, au contraire (...) Cette crise trouve ses racines dans la chute de Blaise Compaoré (en octobre 2014). Quand un autocrate a dirigé le pays et dominé à ce point la vie politique pendant quasiment trois décennies, forcément, reconstruire le pays, penser l'avenir du pays après sa chute va être difficile. C'est toujours un processus qui est long, laborieux, et qui se fait par à-coups. Avec des pas en avant et des pas en arrière comme ce coup d'Etat. Ce n'est pas parce qu'on a restauré la transition et l'autorité civile qu'on a résolu les racines de cette crise.

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