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Côte d’Ivoire: garantir un processus électoral crédible

La Côte d’Ivoire reste sur la voie de la paix un an après la désignation du chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro au poste de Premier ministre par son adversaire d’alors, le président Laurent Gbagbo, mais on ne peut nullement exclure un retour à la violence.

Synthèse

La Côte d’Ivoire reste sur la voie de la paix un an après la désignation du chef de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro au poste de Premier ministre par son adversaire d’alors, le président Laurent Gbagbo, mais on ne peut nullement exclure un retour à la violence. Tous les efforts doivent viser à créer les conditions politiques et sécuritaires pour des élections présidentielles et législatives qui, pour la première fois depuis le début du long processus de paix ivoirien, paraissent envisageables en moins d’un an. La convoitise du fauteuil présidentiel, pour lequel certains acteurs semblent prêts à tout, combinée à la présence de groupes armés et à l’impunité qui a prospéré au cours des dernières années, constituent un environnement potentiellement explosif. Le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, facilitateur et arbitre du processus de paix, ainsi que le Conseil de sécurité de l’ONU, doivent assumer leurs responsabilités pour préserver ce pays clé d’Afrique de l’ouest d’une grave rechute. 

Le 14 avril dernier, le gouvernement ivoirien annonça que le premier tour de l’élection présidentielle aurait lieu le 30 novembre 2008. Après des mois de négociations, des textes cruciaux pour définir les modalités de l’identification des électeurs et amender le code électoral ont également été adoptés par le gouvernement. Ces annonces, quoique salutaires et accueillies avec enthousiasme, ne changent rien au bilan mitigé de la mise en œuvre de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) signé le 4 mars 2007. La situation sécuritaire générale s’est améliorée et la « zone de confiance » qui représentait la barrière physique et symbolique de la partition du territoire a été démantelée. Mais le retard dans l’application de l’accord est considérable et aucun progrès décisif n’a été réalisé dans l’exécution des deux volets essentiels : l’identification et le recensement électoral d’une part, – les audiences foraines ne constituant que l’étape préliminaire de cette identification – et d’autre part le désarmement des ex-rebelles et des miliciens, et leur réinsertion ou leur intégration dans la vie civile ou militaire. Sans être totalement irréaliste, la date du 30 novembre 2008 désormais fixée pour le scrutin présidentiel sera extrêmement difficile à tenir.

Après un an, on a fini de faire tout ce qui pouvait l’être sans mettre en péril les perspectives de la conservation du pouvoir par le président Gbagbo et les chances de survie politique de Soro. Il faut maintenant s’atteler aux tâches les plus risquées  et politiquement sensibles : identifier et inscrire les citoyens sur les listes électorales selon des modalités consensuelles et transparentes ; et regrouper tous les ex-combattants, procéder à leur désarmement, les orienter dans les programmes de réinsertion économique et d’apprentissage, et affecter ceux qui doivent rejoindre les forces de défense et de sécurité ivoiriennes au Centre de commandement intégré (CCI) qui associe l’état-major loyaliste et celui des ex-rebelles. Davantage que dans les discours et les effets d’annonce, c’est à l’aune de la réalisation de ces opérations sur le terrain que l’on saura si les leaders ivoiriens ont enfin décidé de mettre fin aux souffrances de leurs concitoyens.   

Les contraintes financières et techniques sont une réalité mais elles sont aussi un argument facile utilisé par le gouvernement pour justifier l’accumulation des retards. Ce sont bien les manœuvres des acteurs ivoiriens dans la perspective des élections qui menacent l’ensemble du processus de paix. Si toutes les étapes du processus électoral sont inclusives et à peu près transparentes, aucun des « grands candidats », Gbagbo, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR) et l’ancien président Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ne sera à l’abri de la défaite. Amener tous les acteurs politiques – ceux qui veulent des élections, ceux qui n’en veulent pas, ceux qui n’en veulent que s’ils sont sûrs de gagner – à accepter que l’on crée toutes les conditions d’un vote démocratique sera difficile. Le climat politique apaisé observé depuis un an est réel mais il ne doit tromper personne : la bataille pour influencer le processus électoral et la campagne présidentielle sera rude, risquant de faire retomber le pays dans une crise aigüe.

Afin d’éviter des élections encore plus désastreuses que celles d’octobre 2000, et pour faire en sorte que les scrutins présidentiel et législatif représentent la première étape d’une reconstitution du tissu social, trois exigences sont fondamentales : le respect à la lettre de l’APO par ses signataires, la mise en place d’un plan de sécurisation consensuel des opérations d’identification et des élections et la définition d’une stratégie de prévention des violences par la facilitation du président burkinabè et l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).

Compaoré a une responsabilité particulière dans l’aboutissement du processus initié par l’APO. Si ses bons offices ne suffisent plus à forcer les acteurs ivoiriens à respecter leurs engagements, il devra exposer la mauvaise foi des fautifs et recommander des sanctions individuelles du Conseil de sécurité des Nations unies, dont le Burkina est actuellement membre. Si les élections ivoiriennes venaient à se dérouler dans la violence ou si ses résultats étaient contestés, tous les efforts régionaux et internationaux pour résoudre le conflit depuis six ans seraient réduits à néant. L’enjeu est crucial pour la stabilité et l’avenir économique de toute l’Afrique de l’Ouest.

Dakar/Bruxelles, 22 avril 2008

Executive Summary

Côte d’Ivoire continues towards peace one year after the ex-Forces Nouvelles (FN) rebellion leader Guillaume Soro was appointed prime minister by his former adversary, President Laurent Gbagbo, but violence could still return. All actors must focus on creating the political and security conditions necessary for the free and fair elections that, for the first time in the drawn-out peace process, appear possible within less than a year. However, the competition for the presidency, for which certain politicians appear ready to go to extremes, combined with the proliferation of armed groups and growth of impunity in recent years, present a potentially explosive environment. Burkina Faso President Blaise Compaoré, who is the facilitator and arbitrator of the peace process, as well as the UN Security Council, must assume their responsibilities to avert another descent into violence in this pivotal West African state.

On 14 April the government announced that the first round of the presidential elections will take place on 30 November 2008. After months of negotiations, crucial texts defining voter identification procedures and amendments to the electoral code were also adopted by the government. These announcements, though very welcome, do not alter the fact that the Ouagadougou Peace Accord (OPA), signed on 4 March 2007, has produced mixed results. There has been a general improvement in the security environment, and the so-called zone of confidence, which amounted to a physical and symbolic partition of the country, has been dismantled.

However, overall implementation is far behind schedule, and there has been no decisive progress on two critical issues: “identification” of the population – the work of the mobile courts has been but a first step towards determining who is a citizen and who may vote –and the disarmament of former rebels and militias, and their reinsertion or reintegration into civilian life or the military. While not wholly unrealistic, the 30 November date for the presidential election will be extremely difficult to attain.

Nothing has been done in the past year that would jeopardise the continuation of Gbagbo’s power and Soro’s political survival. But the most politically sensitive and risky tasks need to be undertaken now, including: identification of the population and electors on a consensual and transparent basis; and regrouping all ex-combatants, proceeding with their disarmament, providing programs to further their learning and economic reintegration, and assigning those who are to join the new Ivorian Defence and Security Forces to the Integrated Command Centre (ICC), which combines ex-rebel and loyalist military headquarters. It will be the progress of these operations on the ground, not the political speeches and pageantry, which will show the real will of Ivorian leaders to finally end the suffering of their fellow citizens.

Technical and financial constraints are real, but the government also used them as excuses to justify delays. The real problems, which threaten the entire peace process, come from the political manoeuvrings of Ivorian leaders in the lead-up to the elections. If all the steps of the electoral process are followed in a transparent manner, none of the main candidates – Gbagbo, former Prime Minister Alassane Ouattara of the Rassemblement des républicains (RDR) and former President  Henri Konan Bédié of the Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) – can be certain of victory.

Getting all political actors – those who want elections, those who do not and those who only want them if they are assured of winning – to agree to create the conditions for transparent democratic polls will be difficult. The calm political climate since the signing of the OPA, though genuine, should not fool anyone: the struggle to influence the electoral process and the presidential campaign will be harsh and divisive, with the risk of returning the country to turmoil.

To avoid elections even more disastrous than those of October 2000 and to ensure that they contribute to mending the torn social fabric, three things are critical: strict adherence to the OPA by the signatories; implementation of a consensual security plan for the identification operations and the elections; and a conflict prevention strategy with the facilitation of President Compaoré and the UN mission (ONUCI).

Compaoré has a specific responsibility for the OPA. If his good offices are not sufficient to force the actors to respect their commitments, he should expose the spoilers and recommend individual sanctions to the Security Council, of which Burkina Faso is currently a member. If the Ivorian elections occur in a violent setting or the results are contested, regional and wider international efforts to resolve the crisis over the past six years will have been in vain. A successful outcome to the peace process is critical for the stability and economic future of all West Africa.

Dakar/Brussels, 22 April 2008

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