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Côte d’Ivoire : La paix comme option

Pour la première fois depuis près de quatre ans, les acteurs politiques ivoiriens paraissent tentés par la paix. L’intervention internationale, la lassitude d’une population excédée par la mauvaise foi de ses chefs et les bons débuts du Premier ministre Charles Konan Banny se sont conjugués pour créer un contexte plus favorable à l’organisation des élections présidentielles qui doivent se tenir avant le 31 octobre 2006.

Synthèse

Pour la première fois depuis près de quatre ans, les acteurs politiques ivoiriens paraissent tentés par la paix. L’intervention internationale, la lassitude d’une population excédée par la mauvaise foi de ses chefs et les bons débuts du Premier ministre Charles Konan Banny se sont conjugués pour créer un contexte plus favorable à l’organisation des élections présidentielles qui doivent se tenir avant le 31 octobre 2006. Les progrès sont cependant loin d’être irréversibles. Des actions simultanées doivent être engagées pour redéployer l’administration sur tout le territoire aujourd’hui divisé, pour commencer le processus qui permettra d’identifier les citoyens ivoiriens et de recenser les électeurs, pour lancer le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) des ex-combattants, et pour démanteler les milices. Les efforts de la communauté internationale, souvent handicapés par les querelles entre la France et l’Afrique du Sud, exigent une meilleure coordination.

Aucune des tâches que doivent accomplir les Ivoiriens ne sera aisée et susceptible d’être expédiée à peu de frais. L’historique de cette crise ne plaide pas en faveur d’un optimisme excessif. Les protagonistes se livrent déjà à une guerre de tranchées pour infléchir le processus électoral en leur faveur et ne donnent pas le sentiment d’être disposés à risquer leur pouvoir et leur protection dans une élection qu’ils pourraient perdre. Les raisons et les possibilités pour les ennemis de la paix de faire avorter le processus laborieusement relancé restent nombreuses. Le Président Laurent Gbagbo et son parti, le FPI (Front populaire ivoirien), les ex-rebelles des Forces Nouvelles (FN) qui contrôlent le nord du pays et les radicaux des divers groupes qui soutiennent l’un ou l’autre camp, gardent intacte leur capacité à renouer avec la violence.

Les derniers mois ont montré à quel point la situation demeurait volatile. Les manifestations violentes des 16-19 janvier 2006 visaient directement le personnel de l’Opération de maintien de la paix des Nations Unies (ONUCI) et tous les symboles d’une communauté internationale accusée de vouloir “recoloniser” la Côte d’Ivoire. Les organisations humanitaires indépendantes de l’ONU n’avaient pas été épargnées dans l’ouest du pays. Mais la volonté des planificateurs de ces violences et des partisans du Président Gbagbo qui les ont saluées et encouragées était également d’étouffer dans l’œuf toute velléité du Premier ministre Banny d’exercer l’intégralité des pouvoirs que lui a confiés le Conseil de sécurité dans la résolution 1633 du 21 octobre 2005. Des manifestations similaires avaient sapé l’autorité du gouvernement de l’ancien Premier ministre Seydou Diarra dès sa nomination en 2003. Banny a su reprendre la main en alliant dialogue et détermination.

Certains résultats sont pourtant loin d’être négligeables. Le gouvernement a organisé les examens scolaires reportés depuis deux ans dans le nord. Le dialogue politique a été relancé par le sommet du 28 février 2006 qui a réuni les quatre acteurs majeurs du conflit autour du premier ministre. La Commission électorale indépendante (CEI) a débuté ses activités. Guillaume Soro, le leader des FN, est revenu à Abidjan pour assumer ses responsabilités ministérielles. Les partis politiques se préparent en vue d’une élection dont beaucoup doutent qu’elle puisse se tenir à bonne date. Et le dialogue militaire a finalement repris entre les forces belligérantes, avant d’être à nouveau suspendu.

Les prochains mois seront déterminants. Si le gouvernement réussit à afficher des résultats dans la mise en œuvre des processus parallèles d’identification et de DDR, la dynamique de paix sera plus difficile à enrayer. Il est important de maintenir une bonne relation de travail avec le Président Gbagbo qui pourrait être tenté de retarder les élections pour conserver son pouvoir mais les qualités personnelles du Premier ministre Banny ne suffiront pas. Le Groupe de travail international (GTI), qui comprend les pays et les principales organisations internationales et institutions financières impliqués dans la résolution de la crise, a l’occasion d’agir de manière préventive en décourageant ceux qui souhaitent voir échouer le processus de sortie de crise. Elle devra faire taire ses propres luttes d’influence et appuyer le gouvernement ivoirien de tout son poids financier et politique.

Dakar/Bruxelles, le 17 mai 2006

Executive Summary

For the first time in nearly four years, Ivorian political actors seem tempted by peace. International intervention, the exhaustion of a population overwhelmed by its leaders’ bad faith, and a good start by Prime Minister Charles Konan Banny have primed the country for presidential elections, meant to be held before 31 October 2006. However, progress is far from irreversible. Simultaneous steps must be taken to restore the government’s presence throughout the divided country; launch a process to identify who is an Ivorian citizen and so entitled to vote; start disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) of ex-combatants; and dismantle militias. International efforts, frequently hampered by squabbles between France and South Africa, need better coordination.

None of what the Ivorians must do will be easy or cheap, and the history of the crisis cautions against too much optimism. The protagonists are engaging in trench warfare to get the upper hand in the electoral process, and there is little indication that any of them are actually prepared to risk their power and protection in an election they might lose. There remain plenty of reasons and opportunities for spoilers to sabotage the painstakingly resuscitated peace process. President Laurent Gbagbo and his FPI party (Front Populaire Ivoirien), the Forces Nouvelles (FN) former rebels who control the north of the country, and hard liners in other groupings all retain their capacity to resort again to violence.

The last few months have shown how volatile the situation remains. The violent outbreak of 16-19 January 2006 targeted the UN peacekeeping operation (ONUCI) for the first time, along with all other symbols of an international community accused of trying to “recolonise” the country. In the west, even humanitarian organisations independent of the UN were not spared. Those who planned the violence and those around President Gbagbo who welcomed and supported it sought to destroy, at the start of his term, any possibility that Bannycould exercise effectively the powers the Security Council conferred on him in Resolution 1633 of 21 October 2005. Similar events hobbled former Prime Minister Seydou Diarra’s government from the beginning in 2003, but Banny has recovered by combining dialogue and determination.

The results so far are largely symbolic but nevertheless significant. The government organised school exams, which had been delayed for two years in the North. Political dialogue resumed with the 28 February summit, which brought the four key figures of the conflict together with the prime minister. The Independent Electoral Commission (CEI) began its work. Guillaume Soro, the FN chief, returned to Abidjan and to his work as a government minister. Political parties are preparing for an election many still doubt can be held on schedule. The belligerent forces restarted military dialogue, although it was suspended shortly thereafter.

The next several months are crucial. If the government can achieve concrete results in the parallel processes of identifying who has citizenship and DDR, the momentum toward peace and reunification may become harder to stop. Maintaining a working relationship with Gbagbo, who is likely to try to delay elections in order to prolong his stay in office, is important, but Banny’s personal qualities will not be sufficient to guarantee a positive outcome. The International Working Group (IWG), which includes the key states, international organisations and international financial institutions, has a chance to be proactive in discouraging those who still want the process to fail. It needs to resolve its internal power struggles and weigh in with strong financial and political support for the government.

Dakar/Brussels, 17 May 2006

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