Crisis Group tient à préciser sa neutralité concernant la Côte d’Ivoire
Crisis Group tient à préciser sa neutralité concernant la Côte d’Ivoire
Nord de la Côte d’Ivoire : comment éradiquer la menace jihadiste ? (événement en ligne, 23 novembre 2023)
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Media Release / Africa 3 minutes

Crisis Group tient à préciser sa neutralité concernant la Côte d’Ivoire

Dans son briefing « Huit priorités pour l’Union Africaine en 2020 » de février 2020, Crisis Group consacre plusieurs paragraphes à la situation politique en Côte d’Ivoire et s’inquiète des tensions qui subsistent dans ce pays à la veille de l’élection présidentielle du mois d’octobre prochain. Suite à la publication de ce texte, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo nous a adressé, par l’intermédiaire de son porte-parole, un droit de réponse. Selon lui, les propos de Crisis Group porteraient « atteinte aux intérêts du président Laurent Gbagbo ». Ce droit de réponse a été suivi de l’envoi à notre siège belge de plusieurs courriers électroniques de protestation par ses partisans. La plateforme des organisations ivoiriennes du Benelux a, en outre, appelé à manifester devant nos locaux bruxellois le 28 février. En réponse aux propos formulés dans ce droit de réponse, Crisis Group tient à clarifier les trois points suivants :

  • Ce droit de réponse reproche à Crisis Group un « parti pris inacceptable » ainsi que « la coïncidence de [son] opinion avec celle de monsieur Ouattara ». Notre texte n’est pas partisan. Il ne prend pas le parti du président Ouattara, adversaire de Laurent Gbagbo à la présidentielle de 2010 et actuel chef de l’Etat ivoirien. Dans notre briefing, nous mettons même en garde le président Ouattara contre la recherche d’un troisième mandat et appelons les institutions internationales dont l’Union africaine à le convaincre, par les moyens de la diplomatie, de respecter la Constitution actuelle, qui fixe à deux la limite des mandats effectués par le président de la république de Côte d’Ivoire. 
     
  • Nous répondons par la négative à la question : « Insinuez-vous que le président Gbagbo devrait rester un apatride juste parce que l’actuel chef de l’Etat le redoute comme opposant ? » Notre briefing n’appelle pas le président Laurent Gbagbo à rester en exil et à éviter de revenir dans son pays. Il avertit simplement que son retour pourrait rendre une situation politique et sociale déjà incertaine encore plus tendue, en particulier à la veille d’une élection présidentielle particulièrement disputée et incertaine. Cette observation a déjà été établie par le United State Holocaust Memorial Museum dans son rapport de juillet 2019 sur la Côte d’Ivoire, intitulé « Des incertitudes électorales. Prévenir les atrocités criminelles en Côte d’Ivoire ». Effectuées sur des bases juridiques fragiles, les arrestations d’opposants dans l’entourage immédiat de Guillaume Soro et de Henri Konan Bédié, deux prétendant sérieux à la prochaine élection présidentielle, donnent une indication de la lourdeur du climat qui prévaut actuellement en Côte d’Ivoire. Le retour de Laurent Gbagbo, qui reste une hypothèse tant qu’il sera maintenu en liberté surveillée par la Cour pénale internationale, s’effectuera dans un pays où le processus de réconciliation n’est pas encore achevé et où Laurent Gbagbo reste sous le coup d’une condamnation à 20 ans d’emprisonnement, prononcée par la justice ivoirienne en janvier 2018. L’appel de cette condamnation a été rejeté en octobre dernier.  
     
  • Nos propos sur le rôle joué par le président Gbagbo dans le déclenchement de la crise de 2010 sont qualifiés « d’allégations mensongères ». Notre briefing fait simplement valoir que son refus d’accepter les résultats certifiés par l’ONU de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 a été le déclencheur de la crise post-électorale, qui a conduit par la suite à la mort violente de 3000 personnes. Ce constat est conforme à ce que Crisis Group a documenté et analysé dans ses écrits sur la crise post-électorale, notamment dans son rapport intitulé Côte d’Ivoire : faut-il se résoudre à la guerre ? (3 mars 2011). Il est aussi en phase avec l’analyse de plusieurs autres organisations, notamment Human Rights Watch et Amnesty International. Crisis Group n’a jamais fait porter à Laurent Gbagbo la responsabilité de la totalité des violences qui ont marqué la crise post-électorale de 2010-2011. Dans le rapport cité ci-dessus, nous attirons l’attention, par exemple, sur le fait que les combattants pro-Ouattara représentaient « une grave menace pour la sécurité des populations présumées favorables à Laurent Gbagbo ». Cette mise en garde est intervenue quelques semaines avant les massacres de Duékoué de la fin mars 2011, attribués aux combattants pro-Ouattara par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire. 
     

La crise post-électorale de 2010 a beau être vieille d’une décennie, elle reste centrale dans le débat politique ivoirien et, comme il est justement noté dans le droit de réponse du président Gbagbo, « c’est bien la persistance du déni de justice et de vérité sur l’histoire récente de la Côte d’Ivoire qui rend impossible la réconciliation ».

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