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Guinée : le changement ou le chaos

La déclaration de l’état de siège le 12 février par le président Lansana Conté et la mise en place d’un couvre-feu permanent par l’armée après les violences des jours précédents ont mené la Guinée au bord du gouffre.

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Synthèse

La déclaration de l’état de siège le 12 février par le président Lansana Conté et la mise en place d’un couvre-feu permanent par l’armée après les violences des jours précédents ont mené la Guinée au bord du gouffre. Toutes les villes de Guinée s’étaient mobilisées lorsque la grève générale illimitée déclenchée le 10 janvier 2007 s’est muée en une contestation populaire du régime sans précédent. La répression sanglante des manifestations depuis le 10 janvier (plus d’une centaine de morts au total), puis la nomination d’Eugène Camara, un proche de Conté, au poste de Premier ministre, ont montré que le régime Conté était prêt à tout pour défendre sa pérennité. La communauté internationale, qui s’est illustrée par son incapacité à prévenir les tueries, doit aujourd’hui apporter une contribution active et éviter la plongée du pays dans un chaos généralisé, qui pourrait bien s’étendre au-delà de ses frontières.

Affaibli par la maladie mais accroché à ses privilèges présidentiels, plus intéressé par la gestion de ses immenses domaines agricoles que par l’avenir de son pays, écartelé entre les avis contradictoires de ses courtisans obsédés par sa succession et la préservation de leurs rentes, Lansana Conté a répondu à la fronde syndicale par un mélange de désinvolture, de maladresse et de violence. Sa décision, le 27 janvier 2007, d’accepter de déléguer ses pouvoirs à un Premier ministre qui dirigerait le gouvernement ne garantissait en rien son effacement effectif ni la fin du système Conté. Elle ne l’exonérait pas non plus des massacres, en janvier déjà puis en février, des manifestants non armés.

Le choix du Premier ministre porté le 9 février sur Eugène Camara, ministre d’État en charge des Affaires présidentielles du gouvernement sortant, est une décision aux conséquences tragiques accueillie comme une provocation par la population. Des émeutes suivies d’une répression meurtrière ont immédiatement repris. Les « bérets rouges » de la garde présidentielle et les « forces anti-gang » de la police ont répondu à nouveau aux manifestants par des tirs à balles réelles. La violente répression n’a pourtant pas empêché le début des pillages, des destructions des symboles de l’état et des attaques ciblées contre les biens appartenant aux membres du gouvernement, à l’entourage présidentiel et à tous ceux qui sont associés de près ou de loin au pouvoir.

Deux scénarios sont envisageables. Il reste un espoir de changement politique réel, négocié entre les acteurs guinéens et accompagné par la communauté régionale et internationale. Mais en s’enferrant dans une logique militaire sans issue, Conté et son entourage pourraient entraîner la Guinée dans un bain de sang d’une ampleur dramatique : une insurrection populaire chaotique et violente qui se terminerait par une prise de pouvoir permanente et sanglante par l’armée, préfigurant une descente aux enfers comparable à celle de ses voisins.

Le désastre ne s'arrêterait pas aux portes de la capitale. Si la Région Forestière, partie du territoire guinéen aux confins du Liberia, de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire, basculait également dans le chaos, ces pays particulièrement fragiles pourraient très bien ne pas échapper à une grave déstabilisation. Ce pourrait également être le cas de la Guinée Bissau, dont le président Joao Bernardo Vieira semble vouloir soutenir directement la répression menée par son ami de longue date Lansana Conté.

La stabilité politique à laquelle tiennent à la fois les populations guinéennes, les pays voisins, les chancelleries occidentales et les firmes multinationales qui exploitent les immenses ressources naturelles de ce pays ne saurait être brandie comme argument pour justifier la sauvegarde du système Conté. Les acteurs guinéens et la communauté internationale doivent mettre en œuvre d’urgence des actions pour susciter un vrai changement tout en prévenant une escalade de violence.

Dakar/Bruxelles, 14 février 2007

Executive Summary

The 12 February 2007 declaration of siege and establishment of a permanent curfew and martial law by President Lansana Conté after three days of renewed violence brought Guinea to the verge of disaster. Towns throughout the country rallied to the general strike launched on 10 January, turning it into an unprecedented popular protest against the regime.Conté. The repression of the demonstrations – over 100 dead in total since January – and the nomination of Eugène Camara, a close Conté associate – as Prime Minister have shown the regime will do anything to ensure its survival. The international community, which has shown itself unable to stop the killings,, needs to react urgently to help produce real change if chaos that could well spread beyond Guinea’s borders is to be prevented.

Weakened by illness, Conté clings to his privileges, showing more interest in his extensive agricultural estates than the fate of the country. Receiving conflicting advice from sycophants obsessed by presidential succession and safeguarding their own material interests, he has responded to the rebellious trade unions with a mixture of carelessness, clumsiness and violence. His consent on 27 January to delegate powers to a Prime Minister who would be head of government and the decree he issued four days later setting out the powers of that office do not mean he will actually withdraw or that the Conté system will end soon. Nor do they remove the question of responsibility for the January and February slaughter of unarmed demonstrators.

The choice of Camara, who was currently Minister of State with responsibility for presidential affairs, as Prime Minister on 9 February was a tragic mistake that was received by the people as a provocation. It was promptly followed first by riots, and then by renewed violent repression. The Presidential Guard’s red berets and anti-riot police fired live rounds at people but prevented neither looting nor the systematic destruction of state symbols, including property belonging to members of the government, the presidential entourage and others associated with Conté’s regime.

Guinea now faces two possible scenarios. There is still a chance, though a diminishing one, for real political change agreed among key Guinean actors with the support of the regional and wider international community. Alternatively, if the Conté regime continues to rely on military repression, it could rapidly bring Guinea to a dramatic spiral of deadly violence: a chaotic and violence popular insurgency which could end with a bloody, military take-over, leading in turn to similar hellish situations which have have torn apart its neighbours.

If it comes to that, the troubles are unlikely to stop at the city limits of Conakry or even the country’s frontiers. Chaos in Guinea’s Forest Region, bordering Liberia, Sierra Leone and Cote d'Ivoire, could well destabilise one or more of those frail countries. Likewise, politically unstable Guinea-Bissau could suffer as its President, Joao Bernardo Vieira, seems ready to to support his long-time friend, Conté.

Western governments as well as multinational firms that benefit from the country’s natural resources, not to mention the Guinean population and their neighbours, value political stability but they would be making a serious mistake if this led them to support efforts to maintain the Conté system. Guinean actors and the international community urgently need to cooperate to implement an action plan that brings about change and prevents an escalation of violence.

Dakar/Brussels, 14 February 2007

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