Ebola en Guinée : une épidémie « politique » ?
Ebola en Guinée : une épidémie « politique » ?
Alert / Africa 3 minutes

Guinée: alerte de crise

Les responsables politiques et militaires guinéens et la communauté internationale doivent prendre des mesures urgentes afin de mettre fin aux attaques dont sont actuellement victimes des civils sans défense et afin d’éviter que les tensions politiques actuelles ne dégénèrent en violences ethniques généralisées. Une telle éventualité serait terrible pour la Guinée et porterait aussi atteinte à la stabilité de ses voisins.

Depuis l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 15 novembre, qui a vu Alpha Condé l’emporter sur son rival Cellou Dalein Diallo, le pays s’est enfoncé dans une crise violente. Durant deux jours, de graves affrontements se sont déroulés à Conakry et dans d’autres villes du pays, particulièrement dans la plupart des grands centres urbains de la région du Fouta. Les Forces de défense et de sécurité s’en sont systématiquement prises à des partisans du parti de Cellou Diallo, l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), majoritairement soutenu par les Peuls. Précédemment, des militants de l’UFDG ont quant à eux attaqué et détruit des biens appartenant à des membres du groupe malinké et à des Peuls, favorables au parti d’Alpha Condé, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG).

La campagne électorale avait déjà été l’occasion de violences sporadiques, mais aujourd’hui celles-ci ont pris un tour beaucoup plus inquiétant. La dynamique de la violence a changé. Les militaires prennent une part active dans ces exactions, battant, molestant et tirant sur des civils sans défense et détruisant leurs propriétés. Un témoin installé dans la ville septentrionale de Labé a indiqué à Crisis Group que des soldats armés patrouillaient dans les quartiers de cette localité et menaçaient ouvertement les civils. D’autres témoignages indiquent que les Bérets rouges, connus pour leur propension à violer les Droits de l’Homme, ont ratissé les quartiers peuls de Conakry et s’en sont systématiquement pris aux hommes d’affaires de cette ethnie. Selon plusieurs sources fiables, au moins 12 personnes ont déjà été tuées à Conakry et des coups de feu ont été tirés dans plusieurs autres villes.

Si les forces de sécurité guinéennes n’imposent pas plus de discipline dans leurs rangs, le pays pourrait rapidement s’enfoncer dans le chaos. La possibilité que les brutalités actuelles puissent provoquer des tensions ethniques au sein même de l’armée n’est pas à exclure. Le président par intérim, le général Sékouba Konaté, et le premier ministre, Jean-Marie Doré, doivent reconnaître que les brutalités commises contre des Peuls sans défense, entament leur crédibilité et ouvrent la voie à un conflit ethnique. La poursuite des violences en Guinée peut en outre briser le processus de transition et remettre en cause les promesses d’investissements internationaux qui doivent aider à la stabilisation du pays.

La proposition d’Alpha Condé de constituer un gouvernement d’union nationale afin de réconcilier les Guinéens, si la Cour suprême reconnaît sa victoire, est certes de nature à diminuer les tensions.

Mais cela ne suffira pas à transformer une situation qui va en se détériorant et qui dépasse désormais le simple cadre d’une protestation contre les résultats d’une élection. Le général Konaté a décrété huit jours d’état d’urgence à compter du 17 novembre, le temps que la Cour suprême examine les résultats de l’élection. Cela n’est pas suffisant pour mettre fin à la violence, particulièrement s’il continue à laisser faire les forces de défenses et de sécurité. Konaté doit faire pression sur les militaires pour les empêcher de s’en prendre à la  population civile. L’ensemble des leaders politiques et militaires sera tenu pour responsable si cet objectif n’est pas atteint.

De plus, les deux candidats à la présidentielle doivent appeler leurs partisans à laisser la Cour suprême travailler sereinement et les informer des conséquences à poursuivre les violences. Condé et Diallo doivent maintenant s’atteler à régler la tension ethnique et la polarisation politique qui ont miné le second tour. Les deux candidats et le gouvernement doivent lancer un appel commun au calme et au rétablissement de la paix durant la période d’état d’urgence afin que la Cour suprême puisse se concentrer sur les défis posés par cette élection.

Les mesures suivantes doivent être prises en urgence:

  • Le Président par intérim et le Premier ministre doivent imposer la discipline au sein de l’armée. Le général Konaté doit donner l’ordre immédiat d’arrêter les violences contre les civils. Les officiers doivent être tenus pour responsables s’ils n’arrivent pas à contrôler leurs troupes.
     
  • Le Conseil de sécurité des Nations unies doit envoyer un message clair aux responsables militaires en leur indiquant qu’ils feront l’objet d’une enquête pour tous les crimes commis sur des civils durant leur commandement.
     
  • La Cour pénale internationale doit publier un communiqué rappelant aux autorités guinéennes leur obligation de protéger les civils et d’éviter les violations massives des droits humains dans leur pays.
     
  • Le bureau des Nation unies pour les droits de l’Homme à Conakry doit mettre en place un mécanisme d’évaluation et de suivi des violences et des atteintes aux Droits de l’Homme.
     
  • Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo doivent continuer à travailler afin de désamorcer les tensions ethniques observées durant le second tour de l’élection.


Dakar/Bruxelles

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