Briefing / Africa 3 minutes

Guinée: garantir la poursuite des réformes démocratiques

Le changement politique et économique réclamé par la population guinéenne au prix de près de 200 morts en janvier-février 2007 est largement compromis. Le limogeage du Premier ministre Lansana Kouyaté le 20 mai 2008 et son remplacement par Tidiane Souaré, un proche du président Lansana Conté, risque de compromettre l’ensemble du processus de réforme.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

I. Synthèse

Le changement politique et économique réclamé par la population guinéenne au prix de près de 200 morts en janvier-février 2007 est largement compromis. Le limogeage du Premier ministre Lansana Kouyaté le 20 mai 2008 et son remplacement par Tidiane Souaré, un proche du président Lansana Conté, risque de compromettre l’ensemble du processus de réforme. Les déclarations apaisantes du nouveau chef de gouvernement en faveur de l’inclusion et de la poursuite du « changement » ne doivent pas faire illusion. Le gouvernement Souaré-Conté a toutes les chances de remettre en cause les promesses d’élections législatives crédibles en décembre 2008, de compromettre le redressement économique du pays et d’enterrer la commission d’enquête indépendante qui doit identifier et poursuivre les auteurs de la répression sanglante de janvier 2007. Plus que jamais, les acteurs de la société civile, les responsables des partis politiques, les autorités religieuses et tous ceux qui souhaitent le changement doivent opposer un front uni à la restauration du pouvoir sans partage de Lansana Conté.

Le bilan d’étape du gouvernement Kouyaté dressé en novembre 2007 dans le précédent briefing de Crisis Group, après seulement sept mois d’exercice du pouvoir, évoquait déjà la fin de l’état de grâce et la montée de la désillusion à son égard, malgré des résultats encourageants en matière de contrôle de l’inflation, de stabilisation de la monnaie et de restauration de la crédibilité de l’État guinéen auprès des bailleurs de fonds internationaux. Les citoyens et les acteurs des partis politiques et de la société civile attendaient beaucoup d’un Premier ministre doté initialement d’un puissant soutien populaire. 

En dépit d’un mécontentement grandissant des syndicats et du conseil des organisations de la société civile, qui avaient favorisé sa nomination et représentaient sa principale base de soutien politique, Kouyaté n’a rien fait pour mettre de côté la poursuite de ses ambitions personnelles, donner priorité aux réformes, ou répondre publiquement et de manière convaincante aux accusations de laxisme dans la gestion des ressources publiques. Paralysé par l’obstruction permanente de Conté et de ses alliés et coupé de l’élite politique et intellectuelle de Conakry, le Premier ministre a été progressivement neutralisé et suffisamment affaibli pour que le président puisse se permettre de le limoger sans craindre de nouvelles manifestations.

La tension qui s’est emparée des camps militaires à Conakry et dans d’autres villes secondaires le 23 mai, la séquestration du chef d’état-major adjoint de l’armée par les mutins suivie du limogeage du ministre de la Défense par Conté, l’occupation de l’aéroport de Conakry par de nouveaux mutins le 28 mai, la détention du chef de la police par les policiers et la grève des douaniers reflètent le degré d’instabilité politique actuelle du pays.

La nomination de Tidiane Souaré à la primature reflète les intérêts du clan présidentiel. Un ministre et technocrate expérimenté, non impliqué dans les scandales des gouvernements précédents de Conté, Souaré est également un proche de Conté, s’assurant un minimum de réformes substantielles.

La mutinerie des soldats, ainsi que l’agitation parmi les policiers et la grève des douaniers sont des symptômes de la désintégration de l’État et de son incapacité à apporter la sécurité. Si Conté et Souaré sont incapables de trouver une solution aux problèmes du secteur de sécurité, le risque d’un coup militaire, avec la forte possibilité de violences et divisions ethniques, est une possibilité. Il est essentiel que le secteur de la sécurité retrouve sa stabilité et que Souaré commence l’organisation des élections prévues pour décembre 2008. La Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union européenne (UE), le bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’ouest, la France, les États-Unis et les autres partenaires extérieurs de la Guinée doivent transmettre un message commun au nouveau Premier ministre et ne pas hésiter à faire du respect des priorités suivantes une condition à la poursuite de leur assistance directe au gouvernement :

  • l’organisation des élections législatives en décembre 2008 sans aucune remise en cause des prérogatives de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le processus de révision des listes électorales doit être maintenu, appuyé par une mission d’observation régionale et internationale ;
     
  • la fourniture des moyens financiers, logistiques et sécuritaires (protection des enquêteurs et des témoins) indispensables pour l’ouverture des travaux de la commission d’enquête indépendante sur les évènements de juin 2006 et de janvier et février 2007 ;
     
  • la mise en place d’un plan d’action contre le trafic de drogue et l’ouverture d’enquêtes menant à des poursuites criminelles contre les trafiquants, y compris sur l’implication présumée d’individus proches du président ; et

l’ouverture aux partis politiques d’opposition et à la société civile de la discussion sur le statut, les primes et les avantages des militaires et d’une négociation sur la stricte neutralité politique de l’armée pendant les élections et la conduite des enquêtes sur les crimes commis en 2006 et 2007 contre la mise en place d’un plan de revalorisation et de réhabilitation de l’institution militaire.

Dakar/Brussels, 24 juin 2008    

I. Overview

The political and economic change Guineans demanded in 2007 at the cost of nearly 200 lives is in jeopardy. The dismissal on 20 May 2008 of Prime Minister Lansana Kouyaté and his replacement by Tidiane Souaré, a close ally of President Lansana Conté, puts reform at risk. Calming talk of inclusion and pursuit of “change” from the new head of government should fool no one. Unless robust internal and external pressure is applied, there is every chance the government will break the promise of credible legislative elections in December 2008, compromise economic revival and bury the independent commission of inquiry tasked with identifying and prosecuting those responsible for the 2007 crackdown. Civil society actors, heads of
political parties, religious leaders and all who want real change must present a united front against restoration of the Conté dictatorship.

Political parties, civil society and ordinary citizens had great expectations for Kouyaté, a prime minister initially endowed with powerful popular support. However, Crisis Group’s assessment of his government
in November 2007, after only seven months in power, already identified the end of the honeymoon. It pointed to mounting disillusion among the populace, despite encouraging results in controlling inflation, stabilising the economy and restoring credibility to the Guinean state in the eyes of donors.

Despite the mounting discontent of trade unions and the advice of civil society organisations, which had favoured his selection and were his core support base, Kouyaté made no attempt to put aside his personal ambitions, prioritise reforms or reply publicly and convincingly to accusations of poor management of public resources. Paralysed by the continual obstruction of Conté and his allies and cut off from Conakry’s political and intellectual elite, the prime minister was progressively neutralised and finally sufficiently weakened for the president to be able to dismiss him without fear of new demonstrations.

The tension in military camps in Conakry and other cities on 23 May; the detention of the deputy chief of staff of the army by the mutineers; the dismissal of the defence minister; the occupation of Conakry airport by more mutineers on 28 May; the detention of the chief of police on 16 June by discontented police officers and strike action by customs officials have all demonstrated the degree of ongoing political instability in the country.

The nomination of Tidiane Souaré as prime minister serves the interests of the presidential clan well. While an experienced technocrat and minister untainted by the scandals of past Conté governments, he remains, nonetheless, a close Conté ally. His appointment will ensure that little substantial reform will occur.

The mutiny by soldiers, unrest within the national police and strike action by customs officials are symptoms of the disintegration of the state and its incapacity to provide security. If Conté and Souaré cannot find a solution to the continued security sector unrest, the risk of a military coup, with its possible violence and ethnic divisions, cannot be ruled out. It is essential that the security sector regains stability and that Souaré moves towards organising legislative elections for December 2008. The Economic Community of West African States (ECOWAS), the European Union (EU), the UN Office for West Africa (UNOWA), France, the U.S. and Guinea’s other external partners must send a common message to the new prime minister and not hesitate to make any direct assistance to the government conditional on the following priorities:

  • organisation of legislative elections in December 2008, without calling into question the prerogatives of the Independent National Electoral Commission (CENI). Revision of electoral lists must continue, supported by a regional and international observation mission;
     
  • provision of financial and logistic support and security measures (protection of investigators and witnesses) necessary to launch the independent commission of inquiry into the events of June 2006 and January-February 2007; 
     
  • drawing-up of an action plan against drug trafficking and the opening of inquiries to support the prosecution of traffickers, including into the alleged involvement of individuals close to the president; and
     
  • opening of discussion, with participation of opposition parties and civil society, on the status, pay and benefits of soldiers, the strict neutrality of the army during elections and the investigation into crimes committed in 2006 and 2007. This should be part of a package to include the strengthening and reform of military institutions.

Dakar/Brussels, 24 June 2008

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.