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Mali : la paix à marche forcée ?

Les combats ont récemment repris au Mali alors que l’accord signé ne sera pas à même de ramener la paix. Les deux parties doivent rouvrir des négociations avec l’aide de la médiation internationale. Les discussions doivent aller au-delà d’un agenda essentiellement sécuritaire afin d’inclure toutes les parties belligérantes et d’améliorer l’accès des populations aux services sociaux, à l’emploi et à la justice.

Synthèse

Huit mois après le début des négociations inter-maliennes, un accord a été signé le 15 mai 2015 à Bamako. Pourtant, au Nord et au centre du Mali les affrontements meurtriers se poursuivent. Le 11 mai, des combats entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et des soldats maliens ont fait neuf morts et quatorze blessés. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) n’a toujours pas signé le texte. Elle l’a parafé la veille de la cérémonie mais exige des discussions complémentaires avant d’accepter pleinement un accord. Cela compromet fortement l’application du texte et notamment son volet désarmement. Face à ces risques, la médiation devrait établir un cadre pour que des discussions complémentaires se poursuivent, et les parties maliennes devraient retourner, au plus tôt, à la table des négociations. De son côté, la mission onusienne, la Minusma, aidée par la France toujours militairement présente au Mali, doit adopter une position plus ferme face aux violations du cessez-le-feu.

L’ensemble des acteurs porte une responsabilité dans la situation actuelle. Une partie des responsables politiques et militaires maliens n’ont pas abandonné l’idée de revanche militaire et cherchent à instrumentaliser en ce sens les groupes politico-militaires de la Plateforme du 14 juin – qui ont repris la ville de Ménaka le 27 avril dernier. De son côté, la CMA campe sur des revendications peu réalistes et ignore la diversité des populations du Nord qui n’adhèrent pas toutes à ses projets. La médiation internationale a, quant à elle, imposé un agenda essentiellement sécuritaire et a fermé trop tôt la porte des négociations. Malgré les nombreuses pressions, elle n’a pu obtenir l’adhésion complète de la CMA à l’accord de paix, mais s’est obstinée à organiser la signature le 15 mai. La cérémonie du 15 mai, théâtre d’une friction entre le président malien et le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, a révélé les divergences sur la suite à donner à la signature de l’accord.

Si l’accord de paix parfait n’existe pas, le texte signé souffre de profondes lacunes. Il reproduit pour l’essentiel les recettes du passé, en favorisant par exemple une politique de décentralisation et de clientélisme qui n’a jamais apporté la paix. Il propose de renforcer les institutions d’un système politique malade. Les parties maliennes, réticentes à s’engager dans un dialogue direct, héritent d’un texte largement rédigé par la médiation et qui reflète ses intérêts. Celle-ci privilégie la restauration de l’ordre et de la stabilité dans une situation marquée au contraire par l’aspiration des populations du Nord au changement. L’accord évoque peu les questions d’accès aux services sociaux de base, d’emploi et de justice, pourtant au cœur des préoccupations de la population. La priorité donnée à la sécurité a relégué au second plan le difficile combat pour restaurer l’utilité sociale de l’Etat sur l’ensemble du territoire malien.

Alors que la signature de l’accord n’a pas permis d’inclure l’ensemble des parties en belligérance, la reprise des combats depuis quelques semaines menace une partie du pays d’embrasement. L’attaque sur la ville de Ménaka s’est produite le 27 avril, au lendemain de la décision par la CMA de parafer l’accord en échange d’une reprise des discussions avant signature. La reprise des affrontements à la suite de cet engagement obtenu à l’arraché signale que des mois de négociations n’ont pas réglé le déficit de confiance entre les parties. Des deux côtés, les ailes dures n’avaient pas intérêt à la signature d’un accord réunissant tous les acteurs et ont profité du blocage des discussions pour relancer les combats. Ni la présence de la Minusma, ni la menace de sanctions n’ont réussi à les convaincre de respecter le cessez-le-feu.

Les groupes de la Plateforme, qui représentent pourtant des intérêts réels au Nord, sont liés et en partie instrumentalisés par l’aile dure de l’Etat malien. Cette dernière les utilise comme auxiliaires militaires pour éviter de s’engager directement sur le terrain. Les risques d’extension du conflit sont d’autant plus préoccupants que d’autres zones situées au centre du Mali ont connu ces derniers mois une insécurité inédite. Dans le contexte actuel de développement des groupes armés sur des bases communautaires, la résurgence des combats peut engendrer une situation plus fragmentée, impliquant plus de victimes civiles. Pour éviter que le Mali ne sombre dans un nouveau cycle de violence malgré la signature de l’accord de Bamako le 15 mai, la discussion politique doit prévaloir sur l’autoritarisme diplomatique ou le langage des armes.

Executive Summary

After eight months of negotiations between Malian parties, the government and some armed groups signed an agreement on 15 May 2015 in Bamako. Fighting has resumed, however, in the north and centre of Mali. Crucially, the Azawad Movements Coalition (CMA) has still not signed the agreement. It initialled the text on the eve of the ceremony but demands further discussion before fully accepting it. An agreement without the signature of the main coalition opposing the government is of little value and will likely make disarmament impossible. The mediation team should establish a framework that would allow for further talks and Malian parties should return to the negotiating table at the earliest opportunity. The UN Security Council and its UN Multidimensional Integrated Stabilisation Mission in Mali (MINUSMA), backed by France, must take a stronger stance against violations of the ceasefire.

All actors bear responsibility for the recent resumption of fighting. A significant part of the Malian political and military leadership still pursues the idea of seeking revenge for their earlier defeat at the hands of rebels through military means. There is a real danger that elements within the government try to portray non-signatories to the Bamako deal as spoilers to be dealt with militarily – an option that would have disastrous consequences. The government has problematic ties with groups within the Platform coalition, northern opponents of the CMA that regained control of the town of Menaka on 27 April. Meanwhile, some of the CMA’s demands are unrealistic and it continues to ignore the profound diversity of the northern populations, not all of which support all aspects of the CMA’s agenda. International mediators have imposed their own security agenda and have been too quick to close the door to further talks. Despite weeks of pressure the CMA has refused to sign the peace agreement but the mediators were nonetheless adamant about holding the ceremony on 15 May. During the ceremony, tensions between the Malian president and the UN under-secretary-general for peacekeeping operations revealed substantial divergences on the process that should follow the signing.

Although no agreement is perfect, the proposed document has clear shortcomings. It repeats mistakes of the past, encouraging, for example, models of decentralisation and clientelism that have failed to bring peace. Rather than trying to change a deeply flawed political system, it seeks only to strengthen the institutions within it. The Malian parties, who refused to engage in direct dialogue, inherit a document that is written mostly by international mediators and in part reflects the mediators’ own interests. It prioritises the restoration of order and stability rather than aiming to meet a desire for genuine change that runs deep among northern populations. The agreement makes scant mention of issues like the access to basic social services, jobs or justice – concerns at the heart of popular demands. Prioritising security overshadows the need to restore the state’s social function across the Malian territory.

While the signing of the agreement closes the framework of dialogue without being able to include all belligerent parties, renewed fighting over recent weeks threatens parts of the country. The attack on Menaka took place on 27 April following the CMA’s proposal to initial the agreement in exchange for a resumption of talks before signing. The renewed fighting indicates that months of negotiations did not resolve the lack of trust between the parties. Hardliners on both sides appear uninterested in signing an agreement that includes all actors and instead took advantage of the deadlock to relaunch offensives. Neither the presence of MINUSMA nor the threat of sanctions has been sufficient to deter ceasefire violations in late April.

The Platform’s groups, which represent genuine interests in the north, are in part being manipulated by hardliners within the Malian government, who use them as proxies to avoid the Malian army directly engaging in combat. The risks of the conflict spreading are all the more worrying given that other parts of central Mali have been the scene of unprecedented insecurity in recent months. With armed groups becoming increasingly community-based, the resumption of fighting can lead to their further fragmentation and additional civilian casualties. To prevent Mali entering a new cycle of violence despite the signing of the Bamako agreement, political discussion must prevail over diplomatic coercion or military force.

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