Briefing / Africa 3 minutes

Mali : dernière chance à Alger

Alors que la dernière phase des négociations de paix conduites par l’Algérie s’ouvre le 20 novembre, les discussions entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord offrent une chance unique de parvenir à un accord de paix durable. Elles ne doivent pas être précipitées.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

Alors que le Nord du Mali connait un inquiétant regain de violence, les négociations de paix à Alger constituent une chance unique de sortie de crise. Mais après deux mois de discussions, la paix semble encore loin. Le gouvernement malien et les groupes armés engagés dans les négociations peinent à trouver un terrain d’entente. Des groupes influents et radicaux qui manquent à la table des négociations sont tentés de faire dérailler le processus par la violence. La résolution du conflit passe par l’articulation complexe d’intérêts divergents qui touchent à la sécurité du Sahara, à la nature de l’Etat malien et aux équilibres locaux entre des communautés divisées. Face aux affrontements armés, la tentation est grande d’aller vite et de signer un accord à minima garantissant la sécurité à court terme. La précipitation est mauvaise conseillère. Il faut se donner les moyens et le temps de construire les fondements d’une paix durable.

Après des mois de blocage, l’impulsion algérienne a permis de structurer une médiation longtemps handicapée par les rivalités institutionnelles. L’équipe de médiation conduite par l’Algérie doit entretenir cet élan et prendre le temps de susciter un consensus large autour du futur accord. Le document qui sert de base à la rédaction d’un accord final est un premier pas utile mais il repose pour l’essentiel sur des réponses qui ont déjà montré de sérieuses limites. En réduisant la crise à un problème entre le centre et la périphérie, il ne dit presque rien des fractures entre les communautés du Nord. Il n’ouvre guère de perspective pour concevoir les institutions politiques et sécuritaires qui garantiront une répartition équitable des ressources et des responsabilités entre ces communautés.

Tous les acteurs impliqués dans la résolution de la crise doivent tirer les leçons des précédents accords, qui présentaient des lacunes évidentes : les fonds manquaient pour une application rapide ; le mécanisme de garantie internationale n’a pas joué son rôle d’alerte ; et les accords se sont focalisés sur les rapports entre les régions du Nord et l’Etat central, négligeant la question des équilibres locaux. Sur le plan sécuritaire, l’intégration des anciens rebelles dans les forces armées a généré beaucoup de frustrations de part et d’autre.

Le Nord du Mali connait depuis plusieurs semaines un regain de violence, notamment en raison de l’activité de groupes jihadistes et d’affrontements entre groupes armés en violation du cessez-le-feu signé en mai dernier. Face aux attentats contre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la paix au Mali (Minusma), qui augmentent de manière inquiétante, il est tentant de renforcer l’option sécuritaire. Mais la meilleure solution reste encore de soutenir un accord réaliste et durable. A Bamako, le choc de la débâcle de Kidal en mai 2014 n’a pas été complètement digéré. La frange la plus souverainiste n’exclut toujours pas l’option militaire avec le soutien des forces internationales.

Beaucoup reste à faire alors que la dernière phase des négociations s’ouvre le 20 novembre dans un climat tendu. Un nouvel enlisement des discussions serait préjudiciable aux deux parties. Il n’est dans l’intérêt de personne de précipiter la signature d’un accord incomplet. Les partenaires internationaux du Mali, qui seront demain les garants politiques et financiers de l’accord, ne doivent pas s’associer à un accord bancal. Un échec serait également préjudiciable aux efforts louables que l’Algérie déploie pour stabiliser la région. Du côté du gouvernement, plus l’absence de l’administration se prolonge au Nord, plus il sera difficile de restaurer pleinement la présence de l’Etat. Du côté de la Coordination des mouvements de l’Azawad, l’insécurité au Nord entame le crédit politique et diplomatique depuis la victoire de Kidal.

A l’ensemble des acteurs engagés dans les négociations, en particulier à l’Algérie, chef de file de la médiation internationale :

  • prendre le temps de la négociation, et pour cela, trouver au préalable un accord intérimaire portant exclusivement sur le renforcement du cessez-le-feu, par le biais par exemple du renforcement des patrouilles mixtes ;
     
  • aborder ouvertement la question des relations conflictuelles au sein des communautés du Nord et dans leur rapport à l’Etat, en vue de concevoir des institutions politiques et sécuritaires garantissant une répartition équitable et acceptable des ressources et des responsabilités politiques ; et
     
  • s’entendre sur un mécanisme de consultations populaires organisées avant la finalisation de l’accord de paix et prévoir un mécanisme de validation solennelle de cet accord passant par un vote du parlement malien réuni en session extraordinaire et/ou un vote organisé au niveau des régions concernées.

A l’équipe de médiation internationale (Algérie, Minusma, Union africaine, Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Organisation de la coopération islamique, Union européenne, Mauritanie, Niger et Tchad) :

  • prévoir un dispositif de garantie internationale pour veiller au financement et à l’application du futur accord de paix, en incluant notamment un mécanisme de contrôle international des fonds investis par les bailleurs fonctionnant conjointement avec les autorités locales compétentes, et un mécanisme d’alerte précoce et de réaction rapide en cas de déraillement du processus de paix ; et
     
  • préparer l’équipe de médiation internationale à devenir, une fois les négociations achevées, un groupe de contact responsable du dispositif de garantie internationale, avec une représentation transférée au Mali, à Bamako et dans les régions du Nord.

Dakar/Bruxelles, 18 novembre 2014

I. Overview

As northern Mali experiences renewed violence, peace negotiations in Algiers offer a unique opportunity to resolve the crisis. But after almost two months of negotiations, peace remains a distant hope. The Malian government and participating political armed groups have struggled to find common ground. Influential radical groups that are absent from the negotiating table are tempted to resort to violence to derail the process. Conflict resolution will require reconciliation of competing interests regarding security in the Sahara, organisation of the Malian state structure and local balance of power between divided communities in the north. In the face of armed clashes, it is tempting for mediators to move quickly to achieve a deal that would only guarantee security in the short term. But rushing the process will not help. Time is needed to build the foundations of sustainable peace.

After months of deadlock, Algeria arranged international mediation that had long been handicapped by institutional rivalries. The mediation team led by Algeria should maintain this momentum and take the time necessary to build broad consensus for a future agreement. The document that serves as a basis for the drafting of a final agreement is a useful first step, but it offers solutions that have shown serious limitations in the past. It presents the crisis as a centre-periphery conflict without acknowledging the divides within northern communities. It does not provide for political and security institutions that would ensure equitable access to resources and responsibilities for all communities.

All actors involved in trying to resolve the crisis must learn from the mistakes of previous agreements, such as a lack of funds to ensure quick implementation; weak international guarantee mechanisms that did not fulfil their early warning role; and the neglect of the local balance of power in the north due to the focus on relations between the state and the northern regions. On the security front, the integration of former rebels into the armed forces generated a lot of frustration across the board.

During the last few weeks, northern Mali has experienced resurgence in violence, in particular because of jihadi activities and clashes between political armed groups, in violation of the May 2014 ceasefire. In the context of a worrying increase in attacks on the UN Mission in Mali (MINUSMA), it is tempting to strengthen the security response. However, the best option remains to try for a realistic, sustainable agreement. In Bamako, the shock caused by the Kidal debacle in May 2014 has not entirely faded away. Radical nationalist groups have not ruled out the military solution with support from international forces.

As the last phase of negotiations opens on 20 November in a climate of distrust, much remains to be done. Any further stalemate in the discussions will give rise to prejudice in both parties. No one wants to rush the signing of an incomplete agreement. Mali’s international partners, who are the future political and financial guarantors of the deal, should not condone a flawed agreement. Failure would also jeopardise Algeria’s laudable efforts to stabilise the region. On the governmental front, the longer public administration remains absent from the north, the more difficult it will be to fully restore the state’s presence. Meanwhile, insecurity in the north is undermining the political and diplomatic influence gained by the Azawad Movements Coalition, due to their victory over the army in Kidal.

To all actors involved in the negotiations, in particular their leader, Algeria:

  • take the time necessary to conduct the negotiations and in the meantime, find an interim agreement focusing exclusively on strengthening the ceasefire, for example through increased mixed patrols;
     
  • address conflict both within the northern communities, and between these communities and the state, in order to establish political and security institutions that ensure a fair and acceptable distribution of resources and political responsibilities; and
     
  • agree to hold popular consultations prior to finalisation of the agreement, and provide for formal endorsement through a vote by an extraordinary session of the Malian parliament and/or a vote in the regions concerned.

To the mediation team (Algeria, MINUSMA, African Union, Economic Community of West African States, Organisation of Islamic Cooperation, EU, Mauritania, Niger and Chad):

  • provide international guarantees to ensure funding and implementation of the agreement, including an international mechanism to manage donor funds jointly with the relevant local authorities, and an early warning and rapid reaction system in the event of a derailment of the peace process; and
     
  • prepare the international mediation team to become a contact group responsible for enforcement of the agreement, based in Bamako and the northern regions, once the negotiations are completed.

Dakar/Brussels, 18 November 2014

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.