Briefing / Africa 4 minutes

Mali : pour une action internationale résolue et concertée

Des décisions cohérentes doivent être prises par les acteurs maliens, régionaux et internationaux à l’occasion de la réunion spéciale consacrée au Sahel en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York pour empêcher le Mali de sombrer davantage dans le chaos.

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I. Synthèse

En l’absence de décisions rapides, fortes et cohérentes aux niveaux régional (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, Cedeao), continental (Union Africaine, UA) et international (Nations unies) avant la fin de ce mois de septembre, la situation politique, sécuritaire, économique et sociale au Mali se détériorera. Tous les scénarios sont encore ouverts, y compris celui d’un nouveau coup d’Etat militaire et de troubles sociaux dans la capitale, aboutissant à une remise en cause des institutions de transition et à un chaos propice à la propagation de l’ex­trémisme religieux et de la violence terroriste au Mali et au-delà. Aucun des trois acteurs qui se partagent le pouvoir, le président intérimaire Dioncounda Traoré, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le chef de l’ex-junte, le capitaine Amadou Sanogo, ne dispose d’une légitimité populaire et d’une compétence suffisantes pour éviter une crise plus aiguë. Le pays a urgemment besoin de la mobilisation des meilleures compétences maliennes au-delà des clivages politiques et non d’une bataille de positionnement à la tête d’un Etat qui risque de s’écrouler.

Près de six mois après le coup d’Etat qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) et l’abandon par l’armée malienne des trois régions administratives du Nord à des groupes armés – les indépendantistes touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et les islamistes d’Ançar Eddine, du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et d’al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) –, aucun pôle de l’Etat malien n’a pu donner une direction claire à la transition politique et formuler une demande précise et cohérente d’assistance à la communauté internationale pour reprendre le contrôle du Nord, qui représente plus de deux-tiers du territoire. Les six prochains mois seront déterminants pour la stabilité du Mali, du Sahel et de toute l’Afrique de l’Ouest, tant les facteurs de risque sont nombreux et les déficits de leadership à tous les niveaux de prise de décision ont jusque-là été patents.

Les messages du rapport de Crisis Group de juillet 2012 sur le Mali sont toujours d’actualité. Il ne s’agit pas de s’opposer au principe d’une action militaire dans le Nord. Le recours à la force sera vraisemblablement nécessaire pour neutraliser les groupes armés à vocation transnationale qui combinent terrorisme, jihadisme et trafics de drogue et d’armes et pour restaurer l’intégrité territoriale de l’Etat malien. Mais l’usage de la force doit être impérativement précédé d’un travail politique et diplomatique visant à isoler les questions qui concernent les antagonismes communautaires entre Maliens, le mode de gouvernance politique et économique du Nord, la gestion de la diversité religieuse, de celles qui relèvent de la sécurité collective de l’espace sahélo-saharien. Ce n’est pas l’armée malienne et les forces de la Cedeao qui pourront s’attaquer aux flux de combattants et d’armes entre la Libye fragmentée et le Nord-Mali à travers le Sud algérien et/ou le Nord du Niger. Le rétablissement d’une sécurité minimale et durable au Nord-Mali ne peut être envisagé, en particulier, sans une implication claire des responsables politiques et militaires algériens.

A l’issue de la réunion consacrée à la sécurité dans le Sahel prévue le 26 septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, les acteurs maliens, leurs partenaires africains et non africains et les Nations unies doivent préciser les actions qu’ils s’apprêtent à entreprendre et clarifier les objectifs minimaux à atteindre d’ici mars 2013.

Le président et le Premier ministre doivent :

  • constituer immédiatement un groupe informel de taille restreint composé de personnalités maliennes, de préférence retirées de la scène politique, disposant d’une compétence spécifique et d’une expérience avérée dans les domaines de la sécurité intérieure, de l’administra­tion du territoire, de l’organisation des élections, de la décentralisation, de la médiation intercommunautaire et des relations internationales, en particulier de la diplomatie de voisinage, afin d’aider le gouvernement à la définition d’une stratégie globale de sortie de crise.

Les dirigeants de la Cedeao doivent :

  • reconnaitre les limites de l’organisation aussi bien dans le domaine de la médiation que dans celui de la planification d’une mission militaire au Mali et travailler désormais étroitement avec l’Union africaine et surtout les Nations unies qui sont mieux habilitées à répondre aux défis posés par une crise qui menace la paix et la sécurité internationales.

Le Conseil de sécurité des Nations unies et des Etats membres représentés lors de la réunion sur le Sahel doivent accorder leur soutien au secrétaire général afin de :

  • nommer un envoyé spécial du secrétaire général pour le Sahel et mettre à sa disposition les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission, qui doit se focaliser sur le rapprochement des positions des pays membres de la Cedeao, des pays du champ (Algérie, Mauritanie, Niger et Mali) et des pays occidentaux;
     
  • renforcer la présence de l’ONU au Mali pour aider le gouvernement de transition à résister à la crise économique et sociale, à affiner une feuille de route crédible visant la restauration de l’intégrité territoriale du pays et l’organisation d’élections transparentes dans les meilleurs délais et à préserver l’Etat de droit en collectant des informations précises sur les violations des droits de l’homme commises au Sud (Bamako et Kati notamment) comme au Nord;
     
  • entreprendre, de concert avec l’UA et la Cedeao, une mission en vue de la réconciliation au sein de l’armée malienne, afin de prévenir un nouveau coup de force aux conséquences imprévisibles.

Les partenaires extérieurs du Mali, en particulier l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis doivent :

  • soutenir l’effort de reconstitution des forces de défense et de sécurité maliennes, dans le sens d’un renforcement de leur cohésion, de leur discipline et de leur efficacité dans le but d’assurer la sécurité au Sud, de constituer une menace crédible de recours à la force au Nord et d’être capables de participer à des actions ciblées contre les groupes terroristes;
     
  • contribuer à la préservation de l’économie malienne et de l’emploi par une reprise rapide de l’aide extérieure afin de ne pas contribuer à une explosion sociale qui ne pourra qu’aggraver la crise politique et humanitaire;
     
  • répondre favorablement aux demandes d’aide humanitaire d’urgence aux populations civiles durement affectées par la crise au Mali et dans tout le Sahel, formulées depuis plusieurs mois par les Nations unies et qui n’ont jusque-là pas suscité une mobilisation à la hauteur de la gravité de la situation.

Dakar/Bruxelles, 24 septembre 2012

I. Overview

In the absence of rapid, firm and coherent decisions at the regional (Economic Community of West African States, ECOWAS), continental (African Union, AU) and international (UN) levels by the end of September, the political, security, economic and social situation in Mali will deteriorate. All scenarios are still possible, including another military coup and further social unrest in the capital, which threaten to undermine the transitional institutions and create a power vacuum that could allow religious extremism and terrorist violence to spread in Mali and beyond. None of the three actors sharing power – namely interim President Dioncounda Traoré, Prime Minister Cheick Modibo Diarra, and the ex-junta leader, Captain Amadou Sanogo – has sufficient popular legitimacy or the ability to prevent the aggravation of the crisis. The country urgently needs to mobilise the best Malian expertise irrespective of political allegiance rather than engaging in power plays that will lead the country to the verge of collapse.

Almost six months after President Amadou Toumani Touré (ATT) was overthrown by a coup and the Malian army relinquished control of the three northern administrative regions to armed groups – including the Tuareg separatists of the National Movement for the Liberation of Azawad (MNLA) and the Islamist fighters of Ansar Dine (Ançar Eddine), the Movement for Oneness and Jihad in West Africa (MUJAO) and al-Qaeda in the Islamic Maghreb (AQIM) – none of the pillars of the Malian state has been able to give a clear direction to the political transition and formulate a precise and coherent demand for assistance to the international community to regain control of the north, which makes up more than two thirds of the territory. The next six months are crucial for the stability of Mali, the Sahel and the entire West African region, with risks running high and decision-making at all levels lacking leadership.

The messages from Crisis Group’s July 2012 report on Mali are still relevant. The principle of a military action in the north is not to be ruled out. Indeed, the use of force will most likely be necessary to restore Mali’s territorial integrity and neutralise transnational armed groups that indulge in terrorism, jihadism and drug and arms trafficking. But the use of force must be preceded by a political and diplomatic effort aiming at separating two different sets of issues: those related to communal antagonisms within Malian society, political and economic governance of the north and religious diversity management; and those related to collective security in the Sahel-Sahara region. Forces of the Malian army and ECOWAS are not capable of tackling the influx of arms and combatants between Libya and northern Mali through southern Algeria and/or northern Niger. Minimal and sustainable security in northern Mali cannot be reestablished without the clear involvement of Algerian political and military authorities.

Following the 26 September high-level meeting on the Sahel, expected to take place on the margins of the UN General Assembly in New York, Malian actors, their African and non-African partners and the UN will have to specify their course of action and clarify minimal objectives to be attained by March 2013.

The president and the prime minister should:

  • form immediately a small informal group aimed at helping the government define a global strategy to resolve the crisis and including Malian personalities who are preferably retired from the political scene and have specific skills and significant experience in the areas of internal security, governance and public administration, organisation of elections, decentralisation, intercommunal mediation and international relations, and more specifically in the area of regional diplomacy.

ECOWAS leaders should:

  • recognise the limitations of the organisation in mediating the crisis and planning a military mission in Mali, and thus work closely with the AU and the UN, which are better equipped to respond to challenges posed by a crisis threatening international peace and security.

The UN Security Council and member states represented at the high-level meeting on the Sahel should provide support to the Secretary-General to:

  • appoint a special representative of the Secretary-General for the Sahel and provide him with the necessary means to achieve his mission, which must focus on reconciling the positions of ECOWAS member states, regional players (Algeria, Mauritania, Niger and Mali) and Western countries;
     
  • boost the UN presence in Mali to help the transitional government withstand the economic and social crisis, produce a credible roadmap for the restoration of territorial integrity and the organisation of transparent elections as soon as possible, and uphold the rule of law by gathering detailed information on human rights violations committed in the south (in particular in Bamako and Kati) as well as in the north;
     
  • implement, together with the AU and ECOWAS, a mission to facilitate reconciliation within the Malian army to prevent another military coup with unpredictable consequences.

Mali’s foreign partners, in particular the European Union and the U.S., should:

  • support efforts to reestablish Malian defence and security forces by enhancing their unity, discipline and efficiency so that they can ensure security in the south, represent a credible threat to armed groups in the north and participate in operations against terrorist groups;
     
  • help stabilise the Malian economy and employment through a rapid resumption of foreign aid so as to prevent social unrest, which would only deepen the political and humanitarian crisis;

respond favourably to the request for urgent humanitarian assistance to civilian populations affected by the crisis in Mali and the entire Sahel region, in accordance with what the UN has been advocating for several months without generating the adequate response the situation requires.

Dakar/Brussels, 24 September 2012

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