Prendre le temps de construire la paix au Mali
Prendre le temps de construire la paix au Mali
What Future for UN Peacekeeping in Africa after Mali Shutters Its Mission?
What Future for UN Peacekeeping in Africa after Mali Shutters Its Mission?
Op-Ed / Africa 3 minutes

Prendre le temps de construire la paix au Mali

L’ouverture des négociations entre le gouvernement malien et les mouvements politico-militaires du Nord Mali le 1er septembre 2014 à Alger laissait espérer un processus de retour durable à la paix. Conduites par la diplomatie algérienne, qui a pris la tête d’une équipe de médiation internationale, les discussions réunissaient pour la première fois depuis juin 2013 la plupart des acteurs du conflit autour de la même table. Mais à l’issue d’une première phase de négociation courte et plutôt décevante, la médiation internationale a remis aux parties maliennes un document présentant les « éléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali », qui apparaît comme le squelette déjà bien avancé d’un futur accord de paix.

Il est cependant loin d’être satisfaisant. Alors que s’ouvre la dernière séquence de négociations, il faut s’inquiéter d’un processus conduit au pas de charge qui risque de reproduire les mêmes erreurs que par le passé et d’aboutir à une paix fragile. L’Algérie, qui a jusqu’ici joué un rôle positif, doit donner plus de temps aux négociations afin d’aboutir à la signature d’un accord viable. Le document a été fortement critiqué par la coordination des mouvements de l’Azawad, qui regrette que l’essentiel de ses positions ne soit pas représenté. Elle a d’ailleurs produit le 1er novembre une contre-proposition axée sur une solution fédérale.

De son côté, Bamako se félicite officiellement de la diligence algérienne mais rechigne à entériner un texte qui, à ses yeux, fait trop de concessions à ses adversaires et l’obligerait à une délicate réforme constitutionnelle. En coulisses, une partie de la médiation internationale exprime de sérieux doutes sur la capacité d’un texte qui renoue avec les « vieilles recettes » pour ramener la paix. Le document qui sert de base à la rédaction d’un accord final est un pas dans la bonne direction, mais il repose pour l’essentiel sur des réponses qui ont déjà montré leurs limites, et comporte encore beaucoup de lacunes.

Décentralisation : une solution insuffisante

Il prône ainsi une décentralisation poussée et une présence accrue de l’administration au Nord en négligeant combien l’Etat malien est un corps malade qui constitue moins la solution que l’origine même du problème. Il recommande une représentation accrue des populations du Nord au sein de l’administration centrale et « un nombre minimum de postes ministériels, de même que certaines fonctions électives » comme si, pour acheter la paix, l’Etat n’avait d’autre choix que de distribuer les prébendes.

Les populations ne réclament pas plus d’Etat, elles attendent une autre forme de gouvernance et de présence de l’autorité publique. Le texte néglige certains sujets essentiels. En réduisant la crise actuelle à un problème entre le centre et les périphéries, il ne dit presque rien des fractures qui minent les communautés du Nord entre elles, comme l’explique le dernier rapport de Crisis Group. Il n’ouvre guère de perspective pour concevoir les institutions politiques et sécuritaires qui garantiront une répartition équitable des ressources et des responsabilités entre les communautés du Nord. À défaut, le Nord du Mali restera le théâtre d’affrontements entre groupes armés, comme ceux qui ont secoué récemment les régions de Gao et de Tabankort.

Mettre en place des mécanismes innovants pour réformer la gouvernance territoriale, restaurer les équilibres entre les communautés et assurer la sécurité de tous, tels est ce qui permettra de ne pas répéter les erreurs du passé. Il faut laisser les parties maliennes forger elles-mêmes leur traité de paix, tout en permettant à des experts internationaux de les conseiller. La médiation ne doit pas l’écrire à leur place, elle doit encourager les parties à s’approprier le document en l’amendant substantiellement.

Enfin, le texte actuel prévoit un mécanisme de suivi et de financement qui faisait défaut aux précédents accords mais qui ne fait toujours pas l’objet d’un consensus fort. Avant toute signature, les responsabilités de ceux qui se porteront garants de l’accord doivent être clarifiées. Il faut donc donner aux négociateurs le temps nécessaire pour des amendements en profondeur. Les partenaires internationaux du Mali, qui seront demain les garants politiques et financiers de l’accord, doivent résister à la tentation d’un accord rapide mais bancal.

L’argument sécuritaire – un accord permettrait d’arrêter la multiplication des incidents armés et des attaques contre la mission onusienne (la Minusma) – doit être relativisé : il n’y aura pas de sécurité durable sans une ambitieuse réponse politique aux maux qui secouent le Nord du Mali. Et l’Algérie, qui a hâte de s’impliquer pleinement dans la solution du dossier libyen, prioritaire à ses yeux, verra sa crédibilité diplomatique renforcée par un bon accord. À quelques jours de la reprise des négociations, Alger a donc intérêt à aménager leur calendrier et à ouvrir les débats aux experts techniques et à la société civile. En contrepartie de la possibilité de renégocier en substance le texte, la coordination des mouvements de l’Azawad devrait accepter un accord intérimaire portant sur la sécurité. Cela pourrait par exemple passer par une contribution plus franche aux patrouilles mixtes sous conduite de la Minusma.

De son côté, le gouvernement malien ne doit plus seulement mobiliser de façon incantatoire l’argument de la souveraineté, il doit l’assumer pleinement en présentant son projet pour le Nord et l’ensemble du pays. Toutes les parties doivent revenir à la table des négociations disposées à accepter les compromis nécessaires. Il n’est pas trop tard pour se montrer ambitieux à Alger.

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