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Nigeria : élections ratées, État menacé ?

La démocratie nigériane est en crise. Les élections d’avril 2007 étaient censées faire progresser le pays sur l’échelle de la démocratisation, créer un environnement plus propice à la résolution des nombreux conflits internes qui le rongent et renforcer la position de celui-ci en tant que facilitateur des processus de paix dans la région.

Synthèse

La démocratie nigériane est en crise. Les élections d’avril 2007 étaient censées faire progresser le pays sur l’échelle de la démocratisation, créer un environnement plus propice à la résolution des nombreux conflits internes qui le rongent et renforcer la position de celui-ci en tant que facilitateur des processus de paix dans la région. Au lieu de cela, elles ont entraîné des problèmes graves qui pourraient bien valoir au Nigéria le statut d’État défaillant. Le vainqueur déclaré de ces élections, Umaru Musa Yar’Adua, a pris la présidence du pays le 29 mai avec une légitimité plus faible qu’aucun autre président élu par le passé, ne disposant ainsi que d’une capacité limitée pour modérer et résoudre les violents conflits internes au pays. Il doit agir de toute urgence pour soigner les blessures, réparer l’injustice électorale et punir les fraudes les plus graves, notamment celles commises par certains responsables des organismes qui étaient directement chargés d’administrer le scrutin. S’il veut sauver la légitimité de son gouvernement, Yar’Adua doit mener des politiques inclusives et faire preuve de modération envers l’opposition, accepter les décisions prises par les tribunaux (y compris par la Cour suprême le cas échéant) concernant l’examen des réclamations déposées par les candidats défaits et initier un énergique programme de réforme électorale.

Ces élections ont été, du point de vue des Nigérians ainsi que de nombreux observateurs électoraux, les plus mal organisées et celles qui ont connu le plus grand nombre de fraudes dans l’histoire du pays. Malgré un environnement extrêmement hostile, le président sortant Olusegun Obasanjo et son Parti démocratique du peuple (PDP) ont tout tenté pour s’assurer une victoire sans partage pour garder non seulement la présidence et dominer le parlement fédéral mais aussi les assemblées et gouvernorats des États. Sous le slogan « la victoire ou le chaos », les périodes de campagne électorale et le vote ont été marqués par de graves violences qui ont causé la mort de plus de 200 personnes.

La généralisation des mauvaises pratiques électorales et l’étendue inouïe de la falsification des résultats ont été rendues possibles par les graves lacunes constatées au sein des organismes chargés de l’administration des élections, en particulier la Commission électorale nationale indépendante (INEC). Manipulée par la présidence, l’INEC a quasiment abdiqué toute responsabilité en tant qu’arbitre impartial du processus électoral. Inefficace et n’offrant aucune transparence sur ses activités, elle est devenue un instrument de fraude. Par ailleurs, si la forte présence de policiers et de membres d’autres services de sécurité a aidé à atténuer les violences, ceux-ci ont fermé les yeux sur la falsification éhontée des résultats et y ont même parfois pris part.

L’INEC a déclaré une victoire écrasante pour Yar’Adua avec 70 pour cent des voix, contre 18 pour cent pour Muhammadu Buhari, du Parti de tous les peuples du Nigéria (ANPP). Cette victoire est toutefois fortement contestée par de nombreux Nigérians, notamment par des groupes de syndicalistes, groupes religieux et représentants de la société civile. Le pays s’est ainsi rapproché un peu plus d’un État à parti unique et la confiance des citoyens dans les institutions et le processus électoral a été sérieusement ébranlée. Plus préoccupant, cette victoire a réduit la capacité du Nigéria à gérer ses conflits internes, aggravant des tensions déjà violentes dans le delta du Niger et relançant le séparatisme biafrais dans le sud-est du pays, où prédominent les Ibo. Elle a également terni l’image internationale du pays, de même que le prestige d’homme d’État d’Olusegun Obasanjo, réduisant d’autant la crédibilité du Nigéria à agir en tant que vecteur de paix et de démocratie en Afrique de l’Ouest.

L’investiture de Yar’Adua s’est déroulée au milieu des protestations. Le nouveau président doit relever le défi énorme d’éviter au Nigéria le chaos au bord duquel il se trouve et le faire alors que sa réputation sort gravement entachée du processus électoral qui l’a porté au pouvoir.

Dakar/Bruxelles, 30 mai 2007

Executive Summary

Nigeria’s democracy is in crisis. The April 2007 elections were supposed to move the country to a higher rung on the democratisation ladder, create a more conducive environment to resolve its many internal conflicts and strengthen its credentials as a leading peacemaker, but instead generated serious new problems that may be pushing it further towards the status of a failed state. The declared winner, Umaru Musa Yar’Adua, assumed the presidency on 29 May with less legitimacy than any previously elected president and so with less capacity to moderate and resolve its violent domestic conflicts. He must act urgently to heal wounds, redress electoral injustice and punish the most grievous voting frauds, including those by officials of the agencies directly involved in administering the elections. To salvage his government’s legitimacy, he needs to pursue policies of inclusiveness and restraint in relation to the opposition, accept the decisions of the tribunals (including the Supreme Court if need be) reviewing the petitions of defeated candidates, and embark on a vigorous electoral reform program.

The elections, in the view of Nigerians and the many international observers alike, were the most poorly organised and massively rigged in the country’s history. In a bitterly contentious environment, outgoing President Olusegun Obasanjo and his People’s Democratic Party (PDP) acted with unbridled desperation to ensure sweeping, winner-take-all victories, not only in the presidency and federal legislature but also in state governorships and assemblies. Characterised as a “do or die” battle by Obasanjo, the campaigns and elections also witnessed extensive violence, including over 200 people killed.

Widespread electoral malpractice and the staggering scale of falsified results were possible because of serious shortcomings within the regulatory agencies, most notably the Independent National Electoral Commission (INEC). Vigorously manipulated by the presidency, INEC virtually abdicated its responsibility as impartial umpire. Inefficient and non-transparent in its operations, it became an accessory to active rigging. Similarly, the massively deployed police and other security services helped curb violence but largely turned blind eyes to, and in some cases helped in, the brazen falsification of results.

INEC declared a landslide for Yar’Adua with 70 per cent of the votes, to 18 per cent for Muhammadu Buhari of the All Nigeria People’s Party (ANPP). That victory is bitterly disputed by many Nigerians, however, including broad-based labour, religious and civil society groups. It has pushed the country further towards a one-party state and diminished citizen confidence in electoral institutions and processes. Most ominously, it has undermined Nigeria’s capacity to manage its internal conflicts, deepening already violent tensions in the Niger Delta and refuelling Biafran separatism in the ethnically Ibo south east. It has also badly damaged the country’s international image and Obasanjo’s legacy as a statesman, thus diminishing their credibility to serve as leading forces for peace and democracy throughout West Africa.

Yar’Adua was sworn into office amid subdued protests but he faces a giant challenge to pull Nigeria back from the brink of chaos, and he begins with his reputation grievously wounded by the process that brought him to power.

Dakar/Brussels, 30 May 2007

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