L'Occident ne doit pas compter sur la Chine en Corée du Nord
L'Occident ne doit pas compter sur la Chine en Corée du Nord
Taiwan Strait: Preventing War
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Op-Ed / Asia 3 minutes

L'Occident ne doit pas compter sur la Chine en Corée du Nord

La Chine, convaincue que le régime nord-coréen a de beaux jours devant lui, se soucie davantage d’un dégel éventuel des relations entre Pyongyang et l’Occident. Cela risquerait d’amoindrir son influence économique et politique et provoquer le déploiement des Etats-Unis le long de ses frontières.

Au cours des mois prochains, afin de cultiver son influence, Pékin accordera un soutien inconditionnel au jeune Kim Jŏng-ŭn et à sa garde rapprochée. L’empire du Milieu ne fera aucune concession à la communauté internationale. Elle ne doit pas non plus attendre que la Chine fasse pression sur la Corée du Nord quant à son programme nucléaire.

La Chine s’est intéressée de près aux réactions des Etats-Unis et de la Corée du Sud à l’annonce du décès de Kim Jŏng-il le mois dernier. Elle a sommé ses diplomates de manifester leur soutien à Kim Jŏng-ŭn et envoyé ses président, premier et vice-premier ministres à l’ambassade nord-coréenne afin de présenter ses condoléances et inviter le jeune « leader suprême » à se rendre en Chine.

Pékin redouble d’efforts pour consolider un régime que les Etats-Unis et la Corée du Sud veulent voir disparaitre. La Chine s’était lassée de faire la charité à Kim Jŏng-il, imposant des tarifs réguliers sur le marché alimentaire nord-coréen. Aujourd’hui, elle veut être l’unique Etat vers lequel l’héritier se tournera en cas de besoin. Elle souhaite ainsi élargir son aire d’influence et accéder aux informations confidentielles du régime le plus fermé de la planète. L’Occident ne doit néanmoins pas s’attendre à pouvoir en bénéficier.

Ces dernières années, la politique nord-coréenne de la Chine s’est davantage écartée des objectifs américains et sud-coréens. En 2008, Pékin a réitéré son soutien politique, économique et militaire à la dictature, qui subissait une grave crise suite à une réforme désastreuse de sa monnaie et les graves problèmes de santé de Kim Jŏng-il avant qu’il n’ait désigné un successeur. En prenant garde, toutefois, de ne pas mentionner la dénucléarisation.

En 2009, lorsque la Corée du Nord a lancé un satellite, s’est retirée des négociations entre les six parties et a effectué son second essai nucléaire, la Chine a réussi à diluer les sanctions du Conseil de Sécurité des Nations unies. En souvenir de la difficulté d’appliquer ces mesures, comparée à l’extraction d’une dent, les diplomates chinois ont baptisé l’envoyé américain sur le dossier nucléaire « le dentiste ».

En 2010, en raison de la présence politique et militaire américaine dans la région, la Corée du Nord a pris une nouvelle importance aux yeux de la Chine. Pyongyang peut en effet constituer une barrière stratégique contre les Etats-Unis et leurs alliés. Lors du 60e anniversaire de l’intervention chinoise dans la guerre de Corée, la démonstration massive de solidarité avec le Nord a clairement prouvé la détermination de la Chine à défendre ses alliés tant militairement que politiquement. A la suite du naufrage du Ch’ŏnan en Corée du Sud le 26 mars et des tirs d’obus sur l’ile Yŏnp’yŏng le 23 novembre, Pékin a apporté sa protection diplomatique à la nation solitaire et violemment critiqué les Etats-Unis et les exercices militaires sud-coréens.

L’année dernière, la Chine a une nouvelle fois témoigné son soutien à la Corée du Nord, afin notamment de promouvoir ses intérêts économiques et de s’assurer un accès au pays. Cependant, Pyongyang est tenu de ne plus engager de provocations meurtrières qui pourraient constituer un prétexte pour les Etats-Unis d’accroitre leur présence militaire régionale.

Kim Jŏng-il s’est rendu en Chine quatre fois en dix-huit mois et le commerce entre les deux pays s’est considérablement accru. Les échanges bilatéraux ont atteint trois milliards de dollars au cours des sept premiers mois de l’année dernière, soit 87 pour cent de plus qu’à la même période l’année précédente. Avec un flux de capitaux fortement réduit, des crises alimentaires chroniques et la pression sur les dirigeants nord-coréens afin qu’ils améliorent la situation d’ici avril, le soutien de la Chine est devenu une question de survie pour Pyongyang.

Les voix dissidentes qui dénoncent en Chine la protection de leur voisin isolé sont de plus en plus marginalisées. Les institutions chinoises en charge de la politique nord-coréenne, à savoir le département international du parti communiste, connu pour être conservateur, et l’armée, sont les moins favorables à s’engager avec des acteurs extérieurs.  

Les nationalistes chinois ont le champ libre pour dénoncer et critiquer ce qu’ils perçoivent comme l’utilisation des circonstances régionales par les Etats-Unis pour encercler et contenir la Chine. Les récentes annonces d’une nouvelle orientation américaine en Asie, le déploiement de 2 500 marines en Australie et la visite de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton n’ont fait qu’amplifier ces contestations.

Alors que la communauté internationale est tributaire de l’influence chinoise sur la Corée du Nord, les intérêts de Pékin divergent largement de ceux de Washington. Ceux qui en Occident espèrent ou attendent une coopération significative avec Pékin seront irrémédiablement déçus.
 

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