Mer de Chine : tensions en eaux troubles
Mer de Chine : tensions en eaux troubles
Op-Ed / Asia 3 minutes

Mer de Chine : tensions en eaux troubles

Le débarquement de militants chinois sur les îles Diaoyu/ Senkaku la semaine dernière est la manifestation la plus récente des tensions en mer de Chine méridionale depuis que Pékin se montre de moins en moins conciliant. La Chine n’y va pas de main morte en jouant sur les faiblesses de ses rivaux du Sud-Est asiatique, parmi lesquels figurent le Vietnam et les Philippines. Son approche initiale, qui consistait à répondre avec force à ce qu’elle estime être des actes de provocation dans les eaux contestées, semble avoir laissé place à une attitude plus intransigeante encore.

Lors de la confrontation avec les Philippines dans le récif de Scarborough, en avril, Pékin, accusant Manille d’avoir transformé un affrontement ordinaire entre pêcheurs en une crise diplomatique par l’envoi d’un navire militaire, a tout de même envoyé des navires civils de surveillance. Aujourd’hui, ils sont toujours dans le récif. Par ailleurs, la Chine n’hésite pas à faire valoir sa puissance économique : elle a durci les conditions d’importation de fruits tropicaux, ce qui a causé 34 millions de dollars de pertes aux Philippines. En juin, le jour où le Vietnam a établi de nouvelles règles de navigation qui s’appliquent notamment aux îles Spratly et Paracel, au coeur du différend maritime, la Chine a annoncé la création de Sansha City, une vaste entité administrative située en territoire contesté, et autorisé l’armée à y établir une garnison.

Cette ligne dure s’est à nouveau manifestée quand la China National Offshore Oil Company a lancé un appel d’offres pour l’exploration du pétrole, y compris dans la zone économique exclusive vietnamienne. La Chine n’est pas près de céder ; elle tente même d’harmoniser sa politique en mer de Chine méridionale. Depuis mi-2011, Pékin a renforcé sa diplomatie maritime, qui résultait jusqu’alors des actions décousues des acteurs militaires, économiques, maritimes et locaux.

Alors que la Chine semble marquer plus de points que ses rivaux vietnamien et philippin, il serait logique de voir l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) resserrer les rangs. Au contraire, lors d’une rencontre à Phnom Penh, elle est parvenue à exploiter les fractures qui traversent l’organisation, en incitant le Cambodge, qui exerce la présidence tournante, à empêcher toute véritable discussion sur la mer de Chine méridionale. Pour la première fois depuis quarante-cinq ans, cette manoeuvre a rendu impossible la publication d’un communiqué de presse conjoint à l’issue de la réunion.

Tandis que la rencontre de Phnom Penh accouchait d’une souris, des rumeurs faisaient état de la présence d’un navire de la marine chinoise à seulement 110 kilomètres de l’île philippine de Palawan. Le ministère chinois de la Défense, désavouant l’armée, a affirmé qu’il ne s’agissait que de patrouilles de routine. Mais il a également annoncé le déploiement de patrouilles "prêtes à combattre", en réponse au survol d’avions vietnamiens au-dessus des îles Spratly. La Chine compte donc privilégier l’intervention de la marine sur celle des navires civils de surveillance lors des prochaines confrontations, ce qui est particulièrement inquiétant. D’autres signes témoignent de l’intransigeance de Pékin. La dénonciation par les États-Unis des provocations chinoises a valu à un diplomate américain de haut rang d’être convoqué au ministère chinois des Affaires étrangères. La dernière convocation de ce genre remonte à une réaction contre la vente d’armes américaines à Taïwan. Cela montre que la Chine est sensible à une implication des États-Unis dans le différend maritime et l’importance croissante qu’elle accorde à ses revendications en mer de Chine.

Des facteurs internes ont également conduit Pékin à durcir son attitude - qui tranche avec le revirement stratégique de 2011, mettant l’accent sur la diplomatie : cette fermeté combat l’image d’un régime affaibli par le changement de pouvoir à venir. L’intransigeance chinoise pourrait néanmoins profiter à la diplomatie américaine en Asie, en rapprochant le Vietnam et les Philippines des États- Unis. De plus, une opinion publique mécontente de ces différends territoriaux pourrait inciter le gouvernement à la surenchère, Pékin risquant alors d’être forcé à réagir de manière agressive pour sauver les apparences. Se retrouver piégée, au pied du mur et incapable d’éviter la confrontation militaire est pourtant bien la dernière chose que souhaite la Chine.
 

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