Report / Asia 3 minutes

La situation désespérée des nord-coréens en Chine et au-delà

Des dizaines de milliers de nord-coréens ont déjà risqué leur vie pour fuir les malheurs de leur pays et partir à la recherche d’une vie meilleure.

  • Share
  • Enregistrer
  • Imprimer
  • Download PDF Full Report

Synthèse

Des dizaines de milliers de nord-coréens ont déjà risqué leur vie pour fuir les malheurs de leur pays et partir à la recherche d’une vie meilleure. Ce défi humanitaire prend place de façon presque invisible alors même que le monde a les yeux rivés sur le programme nucléaire de la Corée du Nord. À peine plus de 9000 d’entre eux ont réussi à trouver refuge à l’étranger, pour la plupart en Corée du Sud mais aussi au Japon, en Europe ou aux États-Unis. Ils sont bien plus nombreux à se cacher par peur d’être arrêtés et rapatriés de force par la Chine et les pays voisins, vulnérables aux abus et à l’exploitation. En cas de renvoi vers le nord, ce sont de sévères punitions qui les attendent, peut-être même la mort. Pendant le débat au sein du Conseil de sécurité sur d’éventuelles sanctions après le test nucléaire de la Corée du Nord, la Chine et la Corée du Sud se sont abstenues d’exercer une pression aussi forte qu’elles l’auraient pu pour persuader Pyongyang de faire machine arrière sur sa dangereuse politique nucléaire, en partie parce qu’elles craignent que le flot régulier de nord-coréens qui arrivent en Chine et dans les pays voisins grossisse si l’économie du Nord devait s’effondrer sous le poids de mesures sévères. Bien qu’il y ait à peine plus de chance pour que Beijing se montre plus flexible que Pyongyang, les gouvernements en question peuvent et doivent faire plus pour améliorer la situation de ceux qui passent leurs frontières.

Même sans une réponse forte à l’essai nucléaire du 9 octobre 2006 qui viserait l’économie nord-coréenne, la situation interne pourrait bientôt empirer. On peut s’attendre à un retour à la famine dans le nord. L’année dernière, Pyongyang a réintroduit le même système public de distribution de nourriture qui s’était effondré dans les années 1990 et a rejeté les offres d’assistance humanitaire internationale, exigeant à la place une aide au développement hors de tout contrôle. Il est difficile d’assurer le financement des programmes d’aide et les récoltes et l’infrastructure ont été endommagées par les inondations de cet été.

Ce sont la faim et le manque d’opportunité économique plutôt que l’oppression politique qui poussent les nord-coréens à quitter le “paradis des travailleurs”. Pour les retenir, le manque d’information, la peur d’être arrêté par les agents de sécurité chinois ou nord-coréens et les limitations financières sont des barrières plus efficaces qu’un quelconque mur ou qu’un dispositif de sécurité à la frontière. La Chine compense la quasi-absence de gardes à la frontière par une recherche acharnée des nord-coréens qui vivent sur son territoire dans la clandestinité. En octobre 2006, les autorités chinoises ont commencé à dresser une clôture le long de la frontière et ont ratissé les environs afin d’arrêter les clandestins.

En dépit de ces redoutables obstacles, la volonté des nord-coréens de s’enfuir, quitte à risquer leur vie, est de plus en plus forte et les arrivées dans le sud vont probablement atteindre un nouveau record cette année. La plus grande motivation pour les candidats au départ est la présence de parents en Chine et, de plus en plus, en Corée du Sud. Les quelque 9000 personnes qui ont pu se réfugier en Corée du Sud sont en mesure d’envoyer de l’argent et des informations à leurs proches dans le nord pour les aider à s’enfuir à leur tour. Dans une mesure moindre mais toutefois significative, l’information commence à se propager dans le nord par le biais de bandes vidéo sud-coréennes importées en contrebande, d’émissions radiophoniques américaines et sud-coréennes et par le bouche-à-oreille, autant de moyens d’exposer les nord-coréens à de nouvelles idées et de leur donner de nouvelles aspirations.

La plupart des nord-coréens ne se rendent pas en Chine avec l’intention de demander l’asile mais, parce que Beijing s’arrange pour rendre leur séjour de plus en plus difficile, un nombre croissant d’entre eux se trouve contraint de continuer leur voyage sur des milliers de kilomètres et de braver les dangers pour traverser les frontières vers la Mongolie ou vers l’Asie du Sud-est. L’arrestation de 175 demandeurs d’asile à Bangkok en août 2006 et celle de 86 autres le 24 octobre sont des exemples frappants des limites de l’hospitalité des pays hôtes.

La grande majorité des nord-coréens qui ont réussi à se mettre à l’abri s’installent en Corée du Sud. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un choix motivé par la langue, la culture et la promesse d’être réunis avec des membres de leur famille. Dans un nombre croissant de cas, les procédures excessivement pénibles de demande d’asile dans n’importe quel pays sont un facteur décisif. À l’exception de l’Allemagne, les mêmes gouvernements qui ont été les premiers à demander l’amélioration des droits humains des nord-coréens, à savoir les États-Unis, les États membre de l’Union européenne et le Japon, n’ont accepté qu’une poignée de demandeurs d’asile.

Un réseau mal structuré d’abris de fortune destinés à fournir une aide humanitaire aux réfugiés est devenu une voie de passage clandestine, non dénuée de signification politique, grâce à laquelle quelques nord-coréens peuvent se payer un passage sûr vers Séoul en quelque jours tandis que d’autres endurent des années de violence et d’exploitation. S’ils souhaitent diminuer l’exploitation des plus vulnérables et améliorer l’aide précieuse fournie par ce réseau, les gouvernements concernés doivent s’efforcer de trouver une solution durable.

Aucune des politiques proposées dans le présent rapport n’implique de contraintes insupportables pour les gouvernements. À moins que l’économie de la Corée du Nord ne s’effondre complètement, le nombre de ses citoyens qui traversent les frontières internationales continuera d’être restreint par de nombreux facteurs, dont les moindres ne sont pas les contrôles stricts organisés par Pyongyang sur les mouvements internes ou le prix à payer pour assurer la sécurité d’un passage vers l’étranger. Pourtant, il est temps de traduire en actes les paroles et les résolutions concernant la situation désespérée des nord-coréens, d’une part parce que l’humanité l’exige et d’autre part parce que si la communauté internationale n’est pas capable de proposer rapidement une réponse à cette situation, il lui sera plus difficile de forger un consensus opérationnel sur la question du nucléaire.

Dakar/Bruxelles, 26 octobre 2006

Executive Summary

Scores of thousands of North Koreans have been risking their lives to escape their country’s hardships in search of a better life, contributing to a humanitarian challenge that is playing out almost invisibly as the world focuses on North Korea’s nuclear program. Only a little over 9,000 have made it to safety, mostly in South Korea but also in Japan, Europe and the U.S. Many more live in hiding from crackdowns and forcible repatriations by China and neighbouring countries, vulnerable to abuse and exploitation. If repatriated to the North, they face harsh punishment, possibly execution. China and South Korea have held back, even during the Security Council debate over post-test sanctions, from applying as much pressure as they might to persuade Pyongyang to reverse its dangerous nuclear policy, in part because they fear that the steady stream of North Koreans flowing into China and beyond would become a torrent if the North’s economy were to collapse under the weight of tough measures. While there is marginally more hope Beijing will change its ways than Pyongyang, concerned governments can and must do far more to improve the situation of the border crossers.

Even without a strong response to the 9 October 2006 nuclear test that targets the North’s economy, the internal situation could soon get much worse. The perfect storm may be brewing for a return to famine in the North. Last year, Pyongyang reintroduced the same public distribution system for food that collapsed in the 1990s and rejected international humanitarian assistance, demanding instead unmonitored development help. Funding for remaining aid programs is difficult to secure, and summer floods have damaged crops and infrastructure.

Hunger and the lack of economic opportunity, rather than political oppression, are the most important factors in shaping a North Korean’s decision to leave “the worker’s paradise”. A lack of information, the fear of being caught by Chinese or North Korean security agents and financial limitations are more significant barriers than any actual wall or tight security at the border. China compensates for the virtual absence of border guards with a relentless search for North Koreans in hiding. In October 2006, Chinese authorities began to build a fence along the frontier and conduct neighbourhood sweeps to find and arrest the border crossers.

Despite these formidable obstacles, the willingness among North Koreans to risk their lives to escape is growing stronger, and arrivals in the South are likely to hit a record this year. The most important pull factor shaping the decision to leave is the presence of family members in China and, increasingly, South Korea. The nearly 9,000 defectors in the South are able to send cash and information to help their loved ones escape. To a lesser but significant extent, information is beginning to spread in the North through smuggled South Korean videos, American and South Korean radio broadcasts, and word of mouth – all exposing North Koreans to new ideas and aspirations.

Most North Koreans do not arrive in China with the intention of seeking official asylum, but because Beijing is making it ever more difficult for them to stay, a growing number are forced to travel thousands of kilometres and undertake dangerous border crossings in search of refuge in Mongolia or South East Asia. The mass arrests of 175 asylum seekers in Bangkok in August 2006 and a further 86 on 24 October provide vivid examples of host country hospitality being stretched to the limits.

The vast majority of North Koreans who have made it to safety resettle in South Korea. In most instances, this is a choice motivated by language, culture and the promise of being reunited with family members. In a growing number of cases, the overly burdensome procedures for being granted asylum anywhere else is the deciding factor. With the exception of Germany, the governments that have pressed most vigorously for improving North Korean human rights, namely the U.S., the European Union member states and Japan, have taken in only a handful of asylum seekers.

A loose network of makeshift shelters focused on humanitarian aid has evolved into a politically-charged but fragile underground railroad on which some North Koreans can buy safe passage to Seoul in a matter of days, while others suffer years of violence and exploitation. If they are to minimise the exploitation of the most vulnerable and enhance the much-needed aid this network delivers, concerned governments must commit to a sustainable solution.

None of the policies proposed in this report would create unmanageable burdens for any government. Unless North Korea’s economy collapses completely, the numbers of its citizens crossing international borders will continue to be restricted by many factors, not least Pyongyang’s tight controls on internal movement and the financial cost of securing an escape route. However, it is time to back up strong words and resolutions about the plight of North Koreans with actions, both because humanity demands it and because if the international community cannot quickly get a handle on this situation, it will find it harder to forge an operational consensus on the nuclear issue.

Seoul/Brussels, 26 October 2006

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.