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Népal : faire fonctionner le processus de paix

L’accord de paix global signé entre le gouvernement népalais et les rebelles maoïstes, qui met fin à dix ans de guerre civile, ouvre la voie à l’intégration des rebelles dans la vie politique népalaise et à leur participation aux élections de juin 2007 qui désigneront une assemblée constituante.

Synthèse

L’accord de paix global signé entre le gouvernement népalais et les rebelles maoïstes, qui met fin à dix ans de guerre civile, ouvre la voie à l’intégration des rebelles dans la vie politique népalaise et à leur participation aux élections de juin 2007 qui désigneront une assemblée constituante. Cet accord a été bien accueilli par un public optimiste mais sa mise en œuvre ne sera pas aisée : certaines questions essentielles n’ont pas été réglées et les élections pourraient être reportées, ce qui mettrait le processus de paix à rude épreuve. Les Nations unies jouissent d’une très grande crédibilité dans le pays mais cela ne durera pas indéfiniment, surtout en cas de retards. Un soutien international leur sera indispensable tant pour la surveillance des deux armées que des élections.

L’accord de paix prévoit l’élection d’une assemblée constituante après la formation d’un gouvernement et d’un parlement intérimaires auxquels participeraient les maoïstes. Les maoïstes se sont engagés, dans un accord détaillé sur la gestion des armes, à cantonner leurs combattants et à remiser leurs armes sous la surveillance des Nations unies ; de leur côté, les soldats de l’armée népalaise seront confinés dans leurs casernes. L’assemblée constituante, qui sera élue par un système mixte de scrutin majoritaire et de représentation proportionnelle, décidera également de l’avenir de la monarchie.

En avril 2006, le roi Gyanendra et son régime autoritaire ont été renversés par un mouvement populaire. S’en sont suivis de longs mois de négociations qui ont abouti à la signature de l’accord de paix global le 21 novembre dernier. Les négociations ont été sporadiques et ont bien failli échouer. On a reproché à l’Alliance des sept partis au gouvernement son manque de clarté et d’insistance ; les maoïstes ont fait preuve d’une plus grande cohérence lors des négociations mais ils ont accordé moins d’attention aux méthodes démocratiques. Le processus de paix a donné des résultats considérables mais certains des problèmes qui l’ont caractérisé depuis le mois d’avril (essentiellement l’absence de mécanismes de dialogues solides, une facilitation peu efficace, des mesures d’instauration de la confiance négligées et l’approche opaque adoptée par les élites) pourraient continuer d’entraver les prochaines étapes de son évolution.

L’accord de paix trouve ses origines dans l’accord de novembre 2005 signé à New Dehli entre les maoïstes et l’Alliance des sept partis (ASP), sur lequel s’est appuyé le mouvement populaire d’avril et qui offrait un cadre pour des compromis ultérieurs. Il représente cependant davantage une convergence temporaire d’intérêts qu’un changement permanent des intérêts et des perspectives de fond des deux camps. L’ASP et les maoïstes conservent des visions différentes des futures institutions népalaises et les intérêts électoraux de chaque parti seront de plus en plus mis en avant. L’accord de paix lui-même ne suffira pas à modifier le caractère élitiste des affaires politiques et il n’apportera pas dans l’immédiat les solutions économiques qui font cruellement défaut au pays.

En cas de report des élections, les derniers obstacles au processus de paix seront exacerbés :

Un gouvernement faible. La confusion qui régnait après le mois d’avril a laissé un vide inquiétant à travers le pays, que les maoïstes ont eut tôt fait d’exploiter. Le gouvernement n’a réussi à rétablir ni l’ordre et la loi, ni la gouvernance démocratique. Les efforts des partis pour s’assurer le contrôle du service public, de la commission électorale et de la distribution de postes au niveau local, traditionnelle pomme de discorde entre les principales formations politiques, pourrait être particulièrement intenses avant les élections de l’assemblée constituante.

L’absence d’un accord concernant les structures sécuritaires. Les maoïstes souhaitent que leurs combattants représentent la moitié d’une nouvelle force nationale aux effectifs réduits tandis que l’Armée népalaise insiste pour leur désarmement complet. L’armée ne considère pas non plus avoir été défaite, aussi un compromis sera-t-il difficile à atteindre et une absence de progrès pourrait bien provoquer des troubles parmi les soldats maoïstes cantonnés dans leurs casernes. Étant donné la méfiance de l’Armée népalaise envers le processus de paix et parce qu’elle ne s’est pas encore soumise au contrôle démocratique, il est compréhensible que les maoïstes demandent de solides garanties.

Le comportement des maoïstes. Au moins jusqu’à novembre dernier, les maoïstes ont continué à perpétrer enlèvements et extorsions et n’ont pas semblé être prêts pour un partage du pouvoir ou pour l’ouverture de l’espace démocratique. Il faudra davantage que le simple renoncement aux armes pour obtenir une véritable démilitarisation de leur politique, sans laquelle les chances d’avoir des élections libres et justes resteront limitées.

L’engagement international dans le processus de paix se caractérise surtout par son rôle de soutien et par sa discrétion. Le gouvernement et les maoïstes ont demandé aux Nations unies de prendre en charge de nouvelles tâches et de fournir une assistance immédiate, et les attentes du public sont élevées. Mais le déploiement rapide sur le terrain d’une force de surveillance sera difficile : des questions de mandat, de financement, de logistique et de personnel devront être résolues rapidement.

Toutefois, le processus de paix est sur sa lancée, ce qui alimente l’optimisme des népalais. Si les parties prenantes sont prêtes à faire des compromis, et avec une volonté politique et un soutien international, il est possible d’envisager une paix durable. En plus de prévoir les dispositions relatives aux futures institutions, les négociations ont donné lieu à des propositions en vue de transformations économiques et sociales, qui sont des sujets de grande préoccupation pour le public. Toutefois, seules des élections libres et justes peuvent doter un gouvernement du mandat décisif dont il aura besoin. Rien ne devrait pouvoir retarder de telles élections.

Katmandou/Bruxelles, 15 décembre 2006

Executive Summary

Nepal’s government and Maoist rebels have signed a comprehensive peace agreement (CPA) declaring an end to the ten-year civil war, paving the way for inclusion of the rebels in mainstream politics and June 2007 elections to an assembly that is to write a new constitution. The deal has been welcomed by an optimistic public but implementation will not be straightforward: some central questions remain, and there is a serious risk the elections could be delayed, putting strain on the whole process. The UN has very high credibility but it will not last indefinitely, especially if there are delays. International support for its monitoring of both the two armies and the elections will be critical.

The peace agreement charts a course towards elections for a constituent assembly (CA) following formation of an interim legislature and government including the Maoists. In a detailed agreement on arms management, the Maoists have committed to cantonment of their fighters and locking up their weapons under UN supervision; the Nepalese Army (NA) will be largely confined to barracks. The constituent assembly, to be elected through a mixed first-past-the-post and proportional system, will also decide the future of the monarchy.

The CPA was signed on 21 November 2006 after months of slow progress following the success of the April 2006 mass movement that overturned King Gyanendra’s direct rule. The talks were sporadic and at one point came close to collapse. The Seven-Party Alliance (SPA) government was criticised for a lack of urgency and clarity; the Maoists pursued negotiations with more coherence but paid less attention to democratic methods. The process has now delivered significant results but some of the problems that characterised it since April – primarily a lack of solid dialogue mechanisms, poor facilitation, little attention to confidence-building and an opaque, elite-driven approach – may continue to dog the next stages.

The deal has its origins in the November 2005 SPA-Maoist agreement signed in New Delhi, which provided a basis for the April movement and a guiding framework for subsequent compromises. However, it represents a temporary convergence of interests more than a permanent shift in the underlying outlooks and interests of the sides. The SPA and the Maoists retain different visions for Nepal’s future institutions, and individual parties’ electoral interests will come increasingly to the fore. The peace accord will not in itself alter the exclusionary characteristics of public life or deliver urgently needed economic progress.

The significant remaining hurdles will all be exacerbated if elections are postponed:

Weak governance. Post-April confusion turned into a worrying power vacuum across the country, which the Maoists were quick to exploit. The government has failed to re-establish law and order and democratic governance. Control over the civil service, election commission and distribution of local posts – always key bones of contention for mainstream parties – may be particularly intense in the run-up to CA elections.

No deal on security structures. The Maoists want their fighters to be half of a new, downsized national force while the NA still wants them entirely disarmed. Neither army sees itself as defeated, so compromise will be difficult, and lack of progress may cause unrest among cantoned Maoist soldiers. With the NA suspicious of the peace process and yet to embrace democratic control, the Maoist demand for more solid guarantees is understandable.

Maoist behaviour. At least until November, the Maoists continued extortions and abductions while showing little sign they are ready for meaningful power sharing and opening up of democratic space. Demilitarising their politics will require more than just laying down weapons; without this, chances for free and fair elections are limited.

International involvement in the peace process has been mostly low-profile and supportive. The government and Maoists have asked the UN to take on new tasks and provide immediate assistance, and public expectations are high. But getting an effective monitoring force on the ground quickly will be a challenge: questions of mandate, funding, logistics and staffing need to be resolved quickly.

Nevertheless, the peace process has some momentum, which gives good grounds for Nepalis’ optimism. With continued compromise, political will and solid international support, a lasting peace is possible. Apart from shaping future institutional arrangements, the talks have agreed proposals for social and economic transformation – topics of immense public concern. However, only free and fair elections can give a government the necessary decisive mandate. Nothing should be allowed to put them off.

Kathmandu/Brussels, 15 December 2006

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