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Pakistan : apaiser les militants dans les zones tribales

Les taliban et autres militants étrangers, y compris des sympathisants d’Al-Qaeda, ont trouvé refuge depuis 2001 dans les zones tribales pakistanaises, sept districts situés près de la frontière sud-est de l’Afghanistan (zones tribales administrées au niveau fédéral ou FATA).

Synthèse

Les taliban et autres militants étrangers, y compris des sympathisants d’Al-Qaeda, ont trouvé refuge depuis 2001 dans les zones tribales pakistanaises, sept districts situés près de la frontière sud-est de l’Afghanistan (zones tribales administrées au niveau fédéral ou FATA). C’est dans cette région qu’ils se regroupent, se réorganisent et se réarment et c’est à partir de là qu’ils ont lancé des attaques de plus en plus importantes contre les militaires afghans et internationaux, avec le soutien et l’implication active des militants pakistanais. L’approche ambivalente du gouvernement Musharraf, qui n’a pas réagi de façon efficace, est un facteur de déstabilisation pour l’Afghanistan ; les alliés de Kaboul, en particulier les États-Unis et l’OTAN, qui est désormais responsable de la sécurité dans les zones frontalières, devraient exercer une plus grande pression sur celui-ci pour qu’il réprime les militants pro-taliban. Mais la communauté internationale doit également assumer une partie des responsabilités dans l’échec du soutien à la démocratie au Pakistan, notamment dans les zones tribales, qui sont en proie à des troubles.

Les opérations militaires que le Pakistan a lancées depuis 2004 dans les Waziristan nord et sud pour empêcher Al-Qaeda et les taliban d’y trouver refuge et mettre un frein à l’insurrection transfrontalière ont échoué, en grande partie parce que l’approche adoptée alternait force excessive et conciliation. Lorsque l’emploi de la force a entraîné de lourdes pertes militaires, le gouvernement a offert une amnistie aux militants pro-taliban en échange de leur engagement verbal à ne plus mener d’attaques contre les forces de sécurité pakistanaises et de promesses creuses de mettre fin à l’activisme transfrontalier et d’agir contre les terroristes étrangers.

Le gouvernement a passé des accords avec les activistes pro-taliban en avril 2004 au sud-Waziristan et le 5 septembre 2006 au nord-Waziristan. Ces accords ont été facilités par la Jamiat Ulema-e-Islam (JUI-F) pro-Taliban, qui est la composante principale de la Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), alliance au pouvoir qui regroupe six partis religieux dans la province de la frontière du nord-ouest et est partenaire de la coalition de Musharraf au sein du gouvernement provincial du Balouchistan. Suite à la signature de l’accord de septembre, le gouvernement a relâché certains militants et leur a rendu leurs armes ; il a retiré des postes de contrôle et autorisé des terroristes étrangers à rester sur son territoire à condition qu’ils abandonnent toute action violente. L’armée s’est pratiquement retirée dans ses casernes, ce qui facilite la croissance du militantisme et la multiplication des attaques en Afghanistan puisque cela laisse le champ libre aux éléments pro-taliban pour recruter, former et armer de nouveaux combattants.

Des opérations militaires mal préparées et mal conduites sont également responsables de la montée du militantisme dans les zones tribales, où les destructions, les pertes en vies humaines et le déplacement de milliers de personnes ont aliéné la population. L’échec de l’État à étendre son contrôle et à assurer une bonne gouvernance pour ses citoyens dans les zones tribales est tout aussi responsable du renforcement des radicaux. Le seul moyen durable de faire face aux défis de l’activisme, de gouvernance et de l’extrémisme dans les zones tribales doit passer par l’État de droit et par une extension des droits civils et politiques. Au lieu de cela, le gouvernement a renforcé les structures administratives et juridiques qui sapent l’autorité de l’État et incitent à l’anarchie.

La fragilité de l’administration des zones tribale est le fait d’une politique délibérée et non pas de la résistance ou des traditions tribales pashtounes. Depuis 1947, le Pakistan a administré la région à travers les systèmes administratif et judiciaire de l’ère coloniale qui ne correspondent plus aux besoins actuels. Des structures répressives et l’absence de représentation politique ont fait naître un certain ressentiment au sein de la population. En réponse à la pression externe qui lui demande de mettre fin au radicalisme, le gouvernement Musharraf parle de réforme dans les zones tribales mais ne fait rien de concret. En fait, la conciliation a permis aux militants locaux de mettre en place des systèmes de tribunaux et de police parallèles dans le genre de ceux mis en place par les taliban dans les provinces du Waziristan et la talibanisation s’étend aussi à d’autres zones tribales et même aux districts de la province de la frontière nord-ouest.

Il est d’autre part très important de favoriser le développement économique dans les zones tribales. Négligée depuis des décennies, cette région est l’une des plus pauvres du Pakistan ; elle connaît des taux de chômage et de pauvreté élevés et ne dispose que d’une infrastructure sous-développée. Située de part et d’autre de la frontière afghane et sur un axe de transit régional, son économie dépend de la contrebande. Depuis l’éclatement de la guerre civile afghane, le trafic de drogue et d’armes a explosé. Il n’est pas possible de s’attaquer au militantisme et à l’extrémisme dans les zones tribales sans une action ferme contre la criminalité. Mais pour cela, il faut d’abord répondre aux demandes économiques dans ces régions et étendre et renforcer le droit agraire dans les zones tribales.

Islamabad/Bruxelles, 11 décembre 2006

Executive Summary

Taliban and other foreign militants, including al-Qaeda sympathisers, have sheltered since 2001 in Pakistan’s Pashtun-majority Federally Administered Tribal Areas (FATA), seven administrative districts bordering on south eastern Afghanistan. Using the region to regroup, reorganise and rearm, they are launching increasingly severe cross-border attacks on Afghan and international military personnel, with the support and active involvement of Pakistani militants. The Musharraf government’s ambivalent approach and failure to take effective action is destabilising Afghanistan; Kabul’s allies, particularly the U.S. and NATO, which is now responsible for security in the bordering areas, should apply greater pressure on it to clamp down on the pro-Taliban militants. But the international community, too, bears responsibility by failing to support democratic governance in Pakistan, including within its troubled tribal belt.

The military operations Pakistan has launched since 2004 in South and North Waziristan Agencies to deny al-Qaeda and the Taliban safe haven and curb cross-border militancy have failed, largely due to an approach alternating between excessive force and appeasement. When force has resulted in major military losses, the government has amnestied pro-Taliban militants in return for verbal commitments to end attacks on Pakistani security forces and empty pledges to cease cross-border militancy and curb foreign terrorists.

The government reached accords with pro-Taliban militants in April 2004 in South Waziristan and on 5 September 2006 in North Waziristan. These were brokered by the pro-Taliban Jamiat Ulema-e-Islam (JUI-F), the largest component of the Muttahida Majlis-i-Amal (MMA), the ruling six-party religious alliance in Northwest Frontier Province (NWFP) and Musharraf’s coalition partner in the Balochistan provincial government. Following the September accord, the government released militants, returned their weapons, disbanded security check posts and agreed to allow foreign terrorists to stay if they gave up violence. While the army has virtually retreated to barracks, this accommodation facilitates the growth of militancy and attacks in Afghanistan by giving pro-Taliban elements a free hand to recruit, train and arm.

Badly planned, poorly conducted military operations are also responsible for the rise of militancy in the tribal belt, where the loss of lives and property and displacement of thousands of civilians have alienated the population. The state’s failure to extend its control over and provide good governance to its citizens in FATA is equally responsible for empowering the radicals. The only sustainable way of dealing with the challenges of militancy, governance and extremism in FATA is through the rule of law and an extension of civil and political rights. Instead, the government has reinforced administrative and legal structures that undermine the state and spur anarchy.

FATA is tenuously governed because of deliberate policy, not Pashtun tribal traditions or resistance. Since 1947, Pakistan has ruled it by retaining colonial-era administrative and judicial systems unsuited to modern governance. Repressive structures and denial of political representation have generated resentment. To deflect external pressure to curb radicalism, the Musharraf government talks about reforms in FATA but does not follow through. Instead, appeasement has allowed local militants to establish parallel, Taliban-style policing and court systems in the Waziristans, while Talibanisation also spreads into other FATA agencies and even the NWFP’s settled districts.

It is equally important to generate broad-based economic development. Neglected for decades, FATA is one of Pakistan’s poorest regions, with high poverty and unemployment and badly under-developed infrastructure. Located astride the Afghanistan border and a major regional transit route, its economy is dependent on smuggling. Since the outbreak of the Afghan civil war, there has been enormous growth in drugs and weapons trafficking. Militancy and extremism in tribal agencies cannot be tackled without firm action against criminality. But for this, economic grievances must be addressed and the law of the land extended over and enforced in FATA.

Islamabad/Brussels, 11 December 2006

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