Entre Tigres et gouvernement, 50 000 otages au Sri Lanka
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For Lanka, A Long Road to Democratic Reform Awaits
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Op-Ed / Asia 4 minutes

Entre Tigres et gouvernement, 50 000 otages au Sri Lanka

Un bâtiment est encerclé par la police. A l'intérieur, un homme armé détient cinq otages. Les autorités doivent trouver un moyen de libérer les innocents sans mettre leurs vies en danger alors qu'ils se trouvent à la merci d'un criminel désespéré et violent.

Multipliez par 10 000, et vous avez la situation aujourd'hui dans le nord-est du Sri Lanka.

Depuis plusieurs mois, l'armée sri-lankaise resserre l'étau autour des derniers combattants des forces séparatistes des Tigres tamouls (LTTE). A l'origine, quelque 250 000 civils étaient présents dans cette même zone d'opérations.

Plutôt que d'endosser le rôle d'une police qui tenterait de sauver avec professionnalisme la vie des otages prisonniers dans le bâtiment, les autorités du Sri Lanka se sont laissé entraîner par les Tigres dans un massacre de civiles permettant ainsi aux rebelles de se présenter en martyrs.

Les troupes gouvernementales ont bombardé des zones civiles et ont même organisé des frappes aériennes sur des zones où les Tigres tamouls retiennent leurs otages.

« Boucliers humains »

Au cours des dernières semaines, un nombre important de ces civils a réussi à fuir la zone de conflits. Cependant, entre 50000 et 100000 civils seraient restés dans la zone selon les estimations des Nations unies. Fin avril, le gouvernement s'était engagé à ne plus utiliser l'artillerie lourde dans cette zone afin de préserver les civils. Cette promesse a malheureusement été brisée à maintes reprises.

Selon le gouvernement sri-lankais, les Tigres utilisent ces personnes comme « boucliers humains », et c'est effectivement le cas. Il affirme aussi vouloir « sauver les otages » comme il prétend l'avoir déjà fait pour des dizaines de milliers d'autres civils.

Il est vrai que les Tigres tamouls ont emprisonné ceux-là mêmes que Colombo prétend vouloir libérer, et qu'ils usent d'une violence terrible à leur encontre. Mais le gouvernement ne peut pas se servir de l'argument « bouclier humain » comme justification de ses bombardements massifs qui provoquent un nombre extrêmement élevé de victimes civiles.

Ces tirs perpétrés par l'armée de manière aveugle autant sur les Tigres que sur la population civile vont à l'encontre de l'obligation de l'Etat de garantir la protection aux non-combattants, et ce, en vertu du droit international humanitaire. On pourrait même qualifier cette attitude de crime de guerre.

Le gouvernement n'a pas non plus prévu de système de contrôle de ceux qui fuient les zones de combats, que ce soit des civils ou des membres des forces séparatistes. On déplore également l'absence d'observateurs internationaux aux points de passages clés.

Dans un pays réputé pour son grand nombre de disparitions et dont le gouvernement est trop souvent soupçonné d'être impliqué, le sort de ceux qui fuient les zones de conflits est très préoccupant.

La démarche du Sri Lanka, dans son ensemble, produit le contraire de l'effet désiré. Afficher une telle insensibilité face à la souffrance des civils tamouls n'apportera certainement pas la paix et la stabilité. Cette attitude engendrera plutôt d'avantage d'amertume chez les Tamouls et ne fera qu'intensifier les conflits.

Faciliter le rôle de la Croix-Rouge

Comparer la situation sri-lankaise avec une prise d'otage est utile pour se rendre compte des erreurs commises par Colombo. Des forces de police bien formées n'ouvriraient pas le feu d'une manière aussi sauvage et avec une telle intensité sur un bâtiment afin d'en libérer les otages. Non, elles feraient appel à des experts. Un négociateur expérimenté se chargerait d'assurer la libération des otages et la capitulation du criminel en évitant toute forme de violence.

Dans le cas du Sri Lanka, cela se traduirait par une participation internationale immédiate. Bien que la Croix-Rouge soit déjà sur le terrain, elle devrait pouvoir appliquer son expertise et parvenir à négocier un passage sûr pour les civils pris au piège.

Il faudrait aussi assurer aux Tigres tamouls qui décident de se rendre la garantie qu'ils ne seront pas tout simplement abattus dès qu'ils déposeront les armes. Certes, les Tigres n'ont jusqu'ici montré aucune intention de céder, mais la présence de la Croix-Rouge pourrait certainement faciliter le passage de civils hors de la zone de conflit, même sans l'autorisation des ravisseurs.

Les Tigres sont imprévisibles et encore plus si leur défaite paraît inévitable. Il n'est pas impossible qu'ils abattent leurs otages et retournent leurs armes contre eux afin de devenir des symboles de martyr pour les générations futures de la résistance tamoule.

Sortir de la spirale de violence

Mais cela ne justifie toujours pas le bombardement par l'armée des zones à fortes concentrations de civils. Au contraire, cela devrait être une raison de plus pour calmer la situation et laisser des experts internationaux intervenir. A ce stade, mettre encore plus de pression sur les Tigres serait le moyen le plus sûr d'en faire des criminels désespérés encore plus meurtriers et suicidaires.

Le gouvernement doit aussi se rendre compte qu'une large majorité de la diaspora tamoule à travers le monde est de plus en plus irritée par les évènements sur l'île. Si le massacre se poursuit, cela ne fera qu'exacerber sa colère qui pourrait bien mener à de nouvelles insurrections.

Le gouvernement sri-lankais doit réfléchir et se remettre en question et la communauté internationale doit tout mettre en œuvre pour l'amener à le faire. Si un tel scénario venait à se produire à plus petite échelle, une ville, on n'hésiterait pas à décrire la population comme outragée par son gouvernement.

Dans le cas du Sri Lanka, l'indignation du monde pourrait l'aider à sortir du cauchemar dans lequel il est plongé aujourd'hui. De par le monde, les amis de Colombo doivent faire prendre conscience au gouvernement de la gravité de la situation et l'aider à sortir de la spirale infernale de violence dans laquelle il s'est enlisé.

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