Gagner la paix au Sri Lanka
Gagner la paix au Sri Lanka
For Lanka, A Long Road to Democratic Reform Awaits
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Op-Ed / Asia 4 minutes

Gagner la paix au Sri Lanka

Les armes se sont tues au Sri Lanka, à l’endroit même où la guerre civile faisait rage, mais les profondes blessures qui résultent de l'animosité interethnique n'ont pas encore eu le temps de guérir. 300.000 civils tamouls sont toujours détenus dans des camps d'internement gérés par le gouvernement cinghalais. Pour réduire la méfiance qui s’est installée entre les communautés, les pays donateurs devront faire pression sur Colombo, pour que la capitale agisse de manière aussi sérieuse que lorsqu’il s’agissait de gagner la guerre, dans le but d’assurer une paix équitable.

Les derniers mois de combat de cette longue guerre entre l'armée sri-lankaise et les rebelles des Tigres tamouls ont été brutaux. Comme les forces gouvernementales se sont resserrées autour des positions des insurgés, des centaines de milliers de civils ont été capturés au milieu. L'armée a lancé des obus ainsi que des frappes aériennes dans les zones mixtes peuplées à la fois d'insurgés et d’innocents, et les Tigres ont tiré sur la population qui essayait de s'échapper. Les Nations unies ont estimé qu’environ 7000 civils, dont au moins 1000 enfants, sont morts et plus de 10.000 ont été blessés au cours des derniers mois de la guerre.

L'héritage des atrocités qui ont été commises des deux côtés a clairement besoin d'être étudié si les Tamouls et les Cinghalais désirent partager pacifiquement la même île à l'avenir. Néanmoins, la première préoccupation à avoir en tête est celle des 300.000 Tamouls encore retenus derrière les barbelés dans des camps, sans aucun plan gouvernemental prévoyant un retour dans leurs foyers. Jusqu'à deux tiers d'entre eux sont dans l'immense camp de Manik Farm, où des personnes meurent chaque jour à cause de la surpopulation, de manque d'hygiène, du manque d'eau potable et de l'insuffisance des services médicaux.

Le gouvernement sri lankais a accusé l'ONU et les organismes d'aide internationale d’être responsables de ces mauvaises conditions, vu qu’ils seraient peu enclins à construire des abris permanents ou semi-permanents pour loger les personnes déplacées. La véritable origine du problème, cependant, est le refus du gouvernement d'accélérer son processus de "sélection" et de permettre à des dizaines de milliers de personnes déplacées de vivre avec leur famille ou dans des familles d'accueil.

En outre, l'accès aux organisations internationales est limité de manière à restreindre l'efficacité de l'aide qu’elles apportent. Début juillet, Colombo a même exigé que la Croix-Rouge réduise ses activités d'aide. Bon nombre de ces restrictions gouvernementales semblent avoir été mises en place pour empêcher de divulguer la situation dans les camps ou la situation que les civils ont rencontrée lors des derniers mois de guerre. Aucune consultation privée n’est permise avec les personnes déplacées dans les camps, et les caméras ou les appareils d'enregistrement ne sont pas autorisés à l’intérieur de ceux-ci.

Le sort de bon nombre de personnes déplacées ou des membres de leur famille, dont ils ont été séparés, reste incertain. De nombreuses personnes suspectées d’avoir agi en faveur des Tigres ont été séparées de leur famille et sont détenues en vue de passer des interrogatoires, et il est impossible de localiser certaines d’entre elles. Il existe des rapports fiables qui expliquent que des personnes se trouvant dans des camps ont été enlevées pendant la nuit. Certaines finissent en détention ou dans des centres de réhabilitation, et la Croix-Rouge ainsi que l'UNICEF y ont accès. Mais elles ne se retrouvent pas toutes là. Avec au moins 2000 personnes - peut-être beaucoup plus - ayant été portées « disparues » au Sri Lanka depuis le début de l’année 2006, il existe de véritables raisons de s’inquiéter.

Un cas en particulier mérite une attention spéciale. On a rapporté récemment que trois médecins du gouvernement tamoul et un haut officier de la santé étaient en détention et ils sont aujourd'hui menacés par le gouvernement de poursuites pour avoir coopéré avec les Tigres tamouls. Comme ils étaient à peu près les seuls fonctionnaires présents dans la zone de combats lors des dernières semaines de guerre, ils ont travaillé héroïquement pour sauver des vies et ont alerté le monde de la catastrophe humanitaire endurée par les civils, pris au piège dans les combats, qui se déroulaient sous leurs yeux. Début juillet, leurs ravisseurs les ont forcés à abjurer leur histoire, espérant ainsi faire en sorte qu’ils ne témoignent pas pour expliquer les crimes de Colombo. Cette mascarade doit prendre fin: ils doivent être libérés et ne pas subir de mauvais traitement.

Après avoir gagné la guerre, le gouvernement sri lankais risque maintenant de perdre la paix à cause de la façon dont il aborde la question des minorités ethniques tamoules déplacées par le conflit. Colombo a besoin de changer de cap, si le pays désire surmonter toutes ces années d'animosité et éviter de voir se transformer d’anciennes haines et une actuelle antipathie en nouvelle rébellion tamoule.

Plus précisément, le gouvernement doit fournir un calendrier précis pour la réinstallation rapide et complète de ceux qui sont actuellement enfermés dans des camps. Il doit également améliorer l'accès à ces camps, ainsi que leurs conditions internes. Colombo devrait rendre publiques les listes reprenant les personnes retenues dans les camps et permettre à la Croix-Rouge l'accès à tous les lieux de détention et à tous les aspects du processus de « sélection » mené par les militaires et les agences de renseignement.

La communauté internationale a clairement un rôle à jouer pour convaincre le gouvernement sri-lankais de prendre ces mesures. Les co-présidents de la Conférence de Tokyo sur la reconstruction et le développement du Sri Lanka - les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et la Norvège - ont une responsabilité particulière, vu qu’ils préparent une réunion qui se déroulera au mois d’août et qu’ils doivent y envoyer un message sans équivoque. Tous les pays donateurs, agissant seuls ou usant de leur influence sur des institutions-clés, telles que la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement, devraient conditionner toute nouvelle aide économique non urgente au Sri Lanka à leur mise en place. Créer les conditions de base nécessaires à une paix durable et équitable n’exige rien de moins.

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