Un an après, quelle justice pour le Sri Lanka?
Un an après, quelle justice pour le Sri Lanka?
For Lanka, A Long Road to Democratic Reform Awaits
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Op-Ed / Asia 3 minutes

Un an après, quelle justice pour le Sri Lanka?

Pour être efficace, la justice pénale internationale ne peut être sélective. Alors que l'on célèbre le premier anniversaire de la fin de la guerre civile au Sri Lanka, la communauté internationale – en opposition totale avec sa ligne de conduite envers d'autres conflits – n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour poursuivre les responsables des crimes de guerre commis au cours des derniers mois du conflit.

Le décalage entre la décision du Conseil des droits de l'homme des Nations unies d'envoyer une mission d'établissement des faits à Gaza l'an dernier et le silence assourdissant du monde, alors même que des milliers de civils étaient victimes de violations du droit humanitaire au Sri Lanka, ébranle sérieusement le projet de justice internationale.

Le 3 avril 2009, le président du Conseil des droits de l'homme a créé la mission d'établissement des faits sur le conflit de Gaza, investie du mandat d'enquêter sur toutes les violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire perpétrées dans le cadre des opérations militaires menées à Gaza entre décembre 2008 et janvier 2009.

Au même moment, plusieurs centaines de milliers de personnes – des civils de tous âges, souvent blessés, affaiblis et affamés – étaient entassées dans la deuxième "zone de sûreté" délimitée par l'armée sri-lankaise dans la région de Vanni, craignant de nouveaux bombardements par les forces gouvernementales tandis que les derniers cadres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), parmi eux, s'assuraient qu'ils ne prenaient pas la fuite pour rejoindre les zones contrôlées par le gouvernement.

A la fin du mois de mai 2009, la guerre prenait fin. Il est difficile d'évaluer précisément le nombre de civils tamouls tués au cours des cinq derniers mois du conflit qui opposa pendant trente ans le gouvernement sri-lankais aux Tigres tamouls. Une enquête approfondie révèlerait sans doute des dizaines de milliers de victimes.

Le 29 septembre 2009, le juge Richard Goldstone, à la tête de la mission d'établissement des faits sur le conflit de Gaza, a présenté son rapport au Conseil des droits de l'homme à Genève, appelant à mettre fin à l'impunité des responsables de violations du droit international en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. La mission des Nations unies a estimé qu'entre 1 166 et 1 444 Palestiniens avaient été tués.

Une situation mal évaluée

Aucun rapport Goldstone n'a été écrit sur le Sri Lanka. Bien au contraire, le 27 mai 2009, le Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution, accueillant avec satisfaction la cessation des hostilités et "la libération par le gouvernement sri-lankais de dizaines de milliers de ses citoyens"…

Comme le suggèrent des preuves récemment découvertes, le Conseil aurait mal évalué la situation en omettant de mener une enquête sur les deux parties prenantes au conflit. Certaines informations font état de violations des droits de l'homme imputables aux Tigres tamouls et, en dépit des efforts du gouvernement sri-lankais pour maintenir le monde à l'écart durant les derniers mois du conflit, des éléments tangibles semblent également prouver l'implication des forces gouvernementales dans des crimes de guerre, y compris des attaques contre des opérations humanitaires et des hôpitaux ainsi que des bombardements délibérés de civils encouragés par ce même gouvernement à se réfugier dans les "zones de sûreté".

Une enquête approfondie est nécessaire afin de révéler et d'évaluer l'ampleur exacte des violations du droit des conflits armés et la possible responsabilité pénale d'individus aux plus hauts niveaux du commandement civil et militaire des forces armées sri-lankaises, ainsi qu'au sein des Tigres tamouls.

Cependant, aucune enquête menée par le gouvernement sri-lankais ou par un organe créé par ce gouvernement ne saurait être considérée comme impartiale, indépendante et crédible. Les antécédents en matière d'impunité, la crainte légitime de représailles de la part de témoins potentiels ainsi que le refus du gouvernement de reconnaître tout méfait, sont autant de facteurs qui soulignent la nécessité d'un processus international impartial et crédible.

Une enquête internationale est nécessaire pour s'assurer que la reconstruction du Sri Lanka se base sur le respect de l'état de droit, et notamment sur le principe fondamental selon lequel nul n'est au-dessus de la loi. Il est également nécessaire de veiller à ce que l'avenir repose sur une juste reconnaissance du passé et que le peuple sri-lankais comprenne ce qu'ont subi – soi-disant en leur nom – leurs concitoyens, dont beaucoup étaient des civils innocents, pris entre un mouvement terroriste et un gouvernement réticent à leur accorder la protection à laquelle ils avaient droit. La nature et l'ampleur des crimes sont telles qu'on ne peut envisager de paix réelle et durable sans que justice ne soit faite.

Enfin, une telle enquête est indispensable pour réaffirmer l'engagement de la communauté internationale envers le principe de responsabilité pour des violations graves du droit international humanitaire. Sa mise en place est particulièrement urgente, sans quoi "l'option sri-lankaise" pourrait devenir de plus en plus attrayante pour les gouvernements qui y verraient un moyen de contourner la loi, convaincus qu'ils pourraient le faire en toute impunité.

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