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Birmanie : nouvelles menaces sur l’aide humanitaire

L’aide humanitaire en Birmanie doit faire face à de nouvelles menaces. Après une période d’expansion de l’espace humanitaire, les organisations humanitaires sont soumises à la pression renouvelée du gouvernement militaire birman ainsi que de militants pro-démocratie à l’étranger qui cherchent à réduire les programmes d’assistance ou à en prendre le contrôle.

Synthèse

L’aide humanitaire en Birmanie doit faire face à de nouvelles menaces. Après une période d’expansion de l’espace humanitaire, les organisations humanitaires sont soumises à la pression renouvelée du gouvernement militaire birman ainsi que de militants pro-démocratie à l’étranger qui cherchent à réduire les programmes d’assistance ou à en prendre le contrôle. Les restrictions imposées par le régime militaire se sont aggravées ; celui-ci continue à refuser d’autoriser une activité politique d’opposition significative et il a pris des mesures répressives contre les Karen. La décision du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme de se retirer du pays en 2005 fut un grave recul qui a mis en danger des milliers de vies humaines, encore que ce retrait ait été partiellement compensé par la création d’un nouveau fonds international pour lutter contre ces trois maladies (3D Fund). Il faut dépasser les débats sur le système politique fortement répressif du pays. Si l’on n’arrive pas à empêcher la Birmanie de tomber dans une crise humanitaire, la stabilité sociale pourrait être rompue et aucun gouvernement quel qu’il soit ne serait plus en mesure de trouver de solutions à la crise.

Au début des années 2000, il semblait que l’élite politique de tout bord était prête à coopérer en matière d’affaires humanitaires. Les militaires au pouvoir se sont montrés disposés à travailler avec la communauté internationale et les groupes d’opposition ont cessé d’appeler à l’isolement du régime. Certains bailleurs de fonds, sous la houlette de l’Australie, du Royaume-Uni et de l’Union européenne (UE) ont accru aide humanitaire et soutien social. Certaines agences ont lancé des programmes innovants consacrés à des sujets sensibles comme la lutte contre le VIH/SIDA et destinés à des régions reculées qui ont longtemps souffert des conflits tout en étant négligées par les autorités. Ces dernières années, ces programmes ont été mis en péril par la détérioration de l’environnement politique, par l’intensification de la répression et par le climat de suspicion et les nouveaux affrontements qui opposent le gouvernement militaire et leurs détracteurs étrangers.

Depuis les purges de la fin 2004 qui ont entraîné le départ du général Khin Nyunt et d’autres officiels de premier plan, le gouvernement militaire a adopté une position nationaliste plus agressive envers les agences internationales, y compris les organisations d’aide humanitaire. Ses tentatives envahissantes de contrôler les programmes d’aide et forcer les agences internationales à travailler avec des organisations liées au gouvernement ont été aggravées par la grande confusion qui règne au sein du gouvernement-même, ce qui a compliqué plus encore l’action des organismes d’aide. Bien que les conditions soient généralement meilleures que dans les années 1990 et que l’impact des changements récents varie selon les agences et les programmes, on constate une certaines frustration dans le milieu de l’aide humanitaire et même chez certains au gouvernement.

La situation est encore compliquée du fait de la pression exercée par les détracteurs étrangers envers le régime. Alors que l’opposition démocratique se prononce de plus en plus en faveur de l’assistance internationale, certains parlementaires et groupes de plaidoyer à l’étranger ont intensifié leurs efforts pour restreindre les flux d’aide et en contrôler la micro-gestion. Ce fut flagrant avec le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (le FMLSTP), qui a mis fin en août 2005 à un programme de 98 millions de dollars en Birmanie après que la pression d’organisations installées aux États-Unis eut compromis les négociations sensibles menées avec le gouvernement sur les conditions de son activité.

Jusqu’à présent, l’engagement naissant des bailleurs de fonds pour apporter une aide à des millions de ménages birmans, qui doivent subir des conflits et un gouvernement rigoureux et difficile en plus d’un isolement sur la scène internationale, semble solide. Les gouvernements de l’UE en particulier ont agi rapidement pour remplacer le FMLSTP, s’opposant ouvertement à la position des États-Unis. Dans les mois et années à venir, le milieu de l’aide en Birmanie devra répondre aux mesures prises par le gouvernement militaire pour limiter l’accès aux populations vulnérables et exploiter les programmes humanitaires à des fins politiques. Pour cela, il faudra que bailleurs de fonds, les organisations d’aide et les détracteurs du régime dialoguent avec les autorités sur le terrain afin de rétablir des relations de confiance et se concentrent sur les véritables besoins du pays.

Le présent briefing présente une mise à jour de la seule situation humanitaire en Birmanie, sujet sur lequel Crisis Group a abondamment écrit par le passé. Un rapport plus complet devrait en plus tenir compte des efforts continus des militaires au pouvoir pour conserver leur autorité à la fois en refusant à l’opposition démocratique de jouer un rôle légitime et en menant une répression rigoureuse contre les groupes ethniques. Les entraves à l’aide humanitaire qui viennent de tous les horizons non seulement vont à l’encontre des principes humanitaires internationaux mais pourraient également relancer un nouveau cycle de conflit et d’urgences humanitaires, qui éloignerait plus encore la perspective de changements politiques positifs.

Rangoon/Bruxelles, 8 décembre 2006

I. Overview

The delivery of humanitarian assistance in Burma/Myanmar is facing new threats. After a period in which humanitarian space expanded, aid agencies have come under renewed pressure, most seriously from the military government but also from pro-democracy activists overseas who seek to curtail or control assistance programs. Restrictions imposed by the military regime have worsened in parallel with its continued refusal to permit meaningful opposition political activity and its crackdown on the Karen. The decision of the Global Fund for AIDS, Tuberculosis and Malaria to withdraw from the country in 2005 was a serious setback, which put thousands of lives in jeopardy, although it has been partly reversed by the new Three Diseases Fund (3D Fund). There is a need to get beyond debates over the country’s highly repressive political system; failure to halt the slide towards a humanitarian crisis could shatter social stability and put solutions beyond the reach of whatever government is in power.

In the early 2000s, it seemed that political elites on all sides were willing to cooperate on humanitarian issues. The military rulers showed new signs of working with the international community, and opposition groups modified their call for isolating the regime. Donors led by Australia, the UK and the European Union (EU) stepped up humanitarian aid and broader social support. Agencies initiated ground-breaking programs addressing sensitive issues such as HIV/AIDS and expanding into remote areas which have long suffered from conflict and neglect. Over the past few years, however, the general political environment has deteriorated, domestic repression has increased and new confrontations and mutual suspicion between the military government and international critics have put many of those programs at risk.

Since the purge in late 2004 of General Khin Nyunt and other high-ranking officials, the military government has taken a more aggressively nationalistic line with international agencies, including the aid community. Intrusive attempts to control programs and force agencies to work with government-affiliated organisations have been compounded by immense confusion within the government itself, creating a more difficult operational environment. Although conditions overall are still better than they were in the 1990s, and the impact of recent changes varies between agencies and programs, frustrations are palpable across the aid community and even within parts of the government.

The situation has been further complicated by renewed pressure from international critics. While the democratic opposition increasingly favours assistance, some parliamentarians and advocacy groups abroad have stepped up efforts to restrict and micro-manage aid flows. This was particularly evident in respect to the Global Fund, which in August 2005 terminated a planned $98 million program in Myanmar after intense pressure from U.S.-based groups undermined sensitive negotiations with the government over operational conditions.

So far, the emerging commitment of donors to assist the millions of households suffering from conflict, harsh and capricious governance and international isolation appears steadfast. EU governments, in particular, have moved quickly to replace the Global Fund, openly rejecting the U.S. position. In the coming months and years, however, the aid community in Myanmar will need to counter further moves by the military government to limit its access to vulnerable populations and abuse humanitarian programs for political gain. For this, it will require the support of donors, headquarters and critics alike to engage with the authorities on the ground in order to rebuild relations and trust, and refocus on the very real needs in the country.

This briefing updates a single element of the Myanmar situation on which Crisis Group has reported extensively in the past. A comprehensive review would have to take greater account as well of the continued effort of the military rulers to retain their authority both by refusing a legitimate role to the democratic opposition and by pursuing harsh repression of ethnic groups. Undermining of humanitarian aid by protagonists on all sides, however, not only goes against international humanitarian principles but could also rekindle a new cycle of conflict and humanitarian emergencies that would make any prospect of positive political change even more remote.

Yangon/Brussels, 8 December 2006

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