Report / Europe & Central Asia 4 minutes

Une nouvelle stratégie d’engagement international pour assurer l’avenir de la Bosnie

Étant donné la confusion qui caractérise la politique internationale en Bosnie, il est aujourd’hui nécessaire de développer une nouvelle stratégie d’engagement dans ce pays. L’actuel Haut Représentant, dont les résultats en 2006 ont fait l’objet de nombreuses critiques, a annoncé le 23 janvier dernier qu’il partirait d’ici le milieu de l’année 2007. Le Conseil de mise en œuvre de la paix (le PIC), auquel ce dernier rend compte et qui est responsable de la mise en œuvre des accords de paix de Dayton, se réunira le 27 février prochain pour décider de la marche à suivre en Bosnie.

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Synthèse

Étant donné la confusion qui caractérise la politique internationale en Bosnie, il est aujourd’hui nécessaire de développer une nouvelle stratégie d’engagement dans ce pays. L’actuel Haut Représentant, dont les résultats en 2006 ont fait l’objet de nombreuses critiques, a annoncé le 23 janvier dernier qu’il partirait d’ici le milieu de l’année 2007. Le Conseil de mise en œuvre de la paix (le PIC), auquel ce dernier rend compte et qui est responsable de la mise en œuvre des accords de paix de Dayton, se réunira le 27 février prochain pour décider de la marche à suivre en Bosnie. Il devra principalement se prononcer sur la continuation de l’Office du Haut Représentant (OHR) et sur l’élimination ou la prolongation des importants « pouvoirs de Bonn » dont il disposait jusqu'à présent.

Il est encore trop tôt pour commencer à se retirer de Bosnie : le pays n’est pas encore prêt à prendre en main son propre futur sans assistance externe – le nationalisme ethnique est encore trop présent – et 2007 promet de nouvelles tensions à l’approche d’une décision sur le statut final du Kosovo. Mais c’est désormais l’UE, par le biais de son Représentant spécial (RSUE), qui devrait endosser un rôle central en Bosnie en incitant la classe politique bosniaque à satisfaire aux nombreux engagements de Dayton qui n’ont pas encore été tenus et à faire de la Bosnie un candidat à une véritable intégration européenne. L’OHR devrait fermer ses portes d’ici la fin de l’année 2007, les pouvoirs de Bonn (qu’il est désormais impossible de mettre en application) prendre fin et, afin d’éviter toute incertitude et de disposer du temps nécessaire pour élaborer et mettre en œuvre la transition de manière efficace, ces décisions devraient être adoptées et rendues publiques sans délai.

L’importante décision qui devrait être prise prochainement sur le statut du Kosovo mettra à l’épreuve les fondations mêmes de l’État de Bosnie. Milorad Dodik, le Premier ministre de la Republika Srpska (l’entité serbe au sein de la Bosnie) et le Premier ministre de Serbie Kostunica exploitent la possibilité de l’indépendance du Kosovo pour entretenir le sentiment séparatiste parmi les populations serbes. Dodik a menacé de convoquer un référendum sur le statut de la Republika Srpska si le Kosovo devenait indépendant, ce qui a accru les tensions avec la Fédération croato-musulmane, l’autre entité bosniaque. Dodik se montre de plus en plus confiant et conteste ouvertement l’autorité internationale sur la mise en œuvre de Dayton et sur la consolidation d’institutions étatiques viables. La RS s’était jusqu’à présent bornée à la simple obstruction à l’action internationale en Bosnie mais pour la première fois depuis 1997, elle semble prête à aller plus loin.

Même si la mise en œuvre de Dayton a connu un certain succès, beaucoup reste encore à faire. Il est essentiel de mener à bien des réformes politiques et constitutionnelles pour que la Bosnie soit un État viable. Des transformations dans les domaines de la justice, de l’armée, de la radiotélévision publique et de l’éducation sont également nécessaires. De nombreuses réformes qui ont été adoptées n’ont pas été mises en œuvre. Un Haut Représentant de l’UE fort, soutenu par les États-Unis, devra mener à bien la mise en œuvre de la paix, faciliter la résolution des conflits entre les parties et faire pression pour que de nouvelles lois et autres mesures de consolidation de l’État soient adoptées.

Les précédents Hauts Représentants avaient fait usage des pouvoirs de Bonn – qui font de cette fonction la plus haute autorité en Bosnie – pour démettre de leurs fonctions de hauts fonctionnaires, écarter de la vie publique certains hommes politiques et promulguer des lois controversées. Ces pouvoirs, qui dépendent de la crédibilité politique de l’OHR et de la force de la présence militaire internationale (la SFOR dirigée par l’OTAN jusqu’à 2005 puis l’EUFOR), ont perdus de leur influence non seulement par la réticence délibérée et non dissimulée de l’actuel Haut Représentant à les utiliser mais aussi (et de manière tout aussi importante) par la réduction des capacités de l’EUFOR. Il serait possible de plaider en faveur du maintien formel de ces pouvoirs, particulièrement dans le contexte d’une probable aggravation des tensions dans la période à venir. Toutefois, il est désormais plus probable que les responsables bosniaques remettent en cause une imposition des pouvoirs de Bonn et il serait alors difficile, voire impossible, pour la communauté internationale de revenir en arrière.

Il est temps pour l’UE, qui a toujours été considérée comme l’ultime point d’ancrage pour la stabilité des Balkans occidentaux, de devenir la locomotive des efforts internationaux dans le pays. Il est aujourd’hui évident qu’il était erronée de penser que la Bosnie, encore fortement marquée par les cicatrices de la guerre de 1992/1995, puisse être traitée comme n’importe quel autre candidat à l’adhésion et que le simple attrait du statut de membre de l’UE puisse dépasser le nationalisme ethnique qui polarise sa société. L’UE doit développer de nouveaux outils politiques afin de maintenir sur les rails la mise en œuvre de la paix et guider la Bosnie sur le chemin de l’adhésion.

Le Haut Représentant de l’UE, auquel le PIC confierait la responsabilité de s’impliquer dans tous les aspects de la mise en œuvre de Dayton et d’en effectuer le suivi, doit montrer aux Bosniaques de toutes les ethnies pourquoi il est dans leur intérêt de faire partie d’un État unifié et de progresser vers l’UE. Pour ce faire, il devrait pouvoir compter sur les mécanismes existants comme l’EUFOR et la mission de police de l’UE (MPUE). Il devrait également disposer de financements bien plus importants de la part de l’UE qui seraient renforcés par une aide bilatérale, notamment pour la consolidation de l’État de droit et pour les projets d’infrastructure ; il pourrait utiliser ces fonds, au besoin en bloquant leur versement, pour persuader les hommes politiques bosniaques de faire des compromis et de prendre les décisions difficiles qui seront nécessaires. Il est possible avec le temps de modifier la dynamique politique et de faire en sorte que les Bosniaques commencent à prendre des initiatives si les incitations positives et négatives sont suffisantes, si elles sont employées de manière opportune sur le plan politique et si elles sont complétées le cas échéant par un engagement fort de la part des États-Unis.

D’importants progrès ont déjà été faits ces onze dernières années mais il est encore trop tôt pour que la communauté internationale puisse crier victoire et se retirer sans risque de Bosnie. L’UE doit prendre la tête d’une nouvelle période d’engagement international actif qui sera encore relativement longue. Initier un retrait avant que les réformes n’aient atteint un certain niveau et avant la mise en place d’institutions viables mettrait en péril tous les gains acquis jusqu’à présent ainsi que la Bosnie unifiée elle-même et augmenterait la possibilité pour les Balkans occidentaux de retomber dans le chaos.

Sarajevo/Bruxelles, 15 février 2007

Executive Summary

International policy in Bosnia is in disarray, and a new engagement strategy is required. The present High Representative, whose performance in 2006 has been much criticised, announced on 23 January 2007 that he would leave by mid-year. The Peace Implementation Council (PIC), to whom he reports and which is responsible for guiding implementation of the Dayton Peace Accords, meets on 27 February to decide the way forward. The most immediate issues to be resolved are whether the Office of the High Representative (OHR), and the robust ‘Bonn powers’ available to it, should continue in their present form.

This is not the time to begin disengagement: Bosnia remains unready for unguided ownership of its own future – ethnic nationalism remains too strong – and 2007 promises new tensions with the approach of the Kosovo status decision. But the central role in pressing Bosnia’s politicians to meet the many outstanding Dayton commitments and become a candidate for genuine European integration should now be played by the European Union, through its Special Representative (EUSR). OHR should be closed by the end of 2007, the Bonn powers – now effectively unexerciseable – should terminate with it, and – to avoid uncertainty, and enable time for effective planning and implementation of the transition – these decisions should be made and announced without delay.

The looming decision on Kosovo’s status will test the very fabric of the Bosnian state. Milorad Dodik, prime minister of Republika Srpska (RS), the Serb entity in Bosnia, and Serbian Premier Kostunica are exploiting the prospect of Kosovo’s independence to stoke separatist sentiments. Dodik’s threat to call a referendum on RS’s status if Kosovo becomes independent has increased tension with the Muslim-Croat Federation, the other constituent element of the Bosnian state. An increasingly assertive Dodik is openly challenging international authority to oversee Dayton implementation and the construction of viable state-level institutions. For the first time since 1997 there is a real prospect the RS may do more than merely obstruct.

Although there have been successes, much remains to be done to implement Dayton. Constitutional and police reforms are essential if Bosnia is to be viable. Changes in the judicial, military, public broadcasting and educational systems are also needed. Many reforms that have been passed have not been fully carried out. A strong EU Special Representative (EUSR), backed by the U.S., is needed to carry through peace implementation, facilitate resolution of conflicts between the sides and push hard for new laws and other state-building steps.

Previous High Representatives used the extraordinary Bonn powers, which made their office Bosnia’s ultimate authority, to dismiss senior officials, ban from public life important politicians and enact controversial legislation. These powers, dependent on OHR’s political credibility and the strength of the international military presence (the NATO-led SFOR until 2005, now EUFOR), have been hollowed out not only by the present incumbent’s deliberate and announced reluctance to use them, but – just as importantly – by EUFOR’s dwindling enforcement capability. While a case can certainly be made for the formal retention of the powers, particularly in the context of likely increased tensions in the period ahead, Bosnian officials are now more likely to defy a Bonn powers imposition, and it would be difficult to the point of impossible for the international community to turn the clock back successfully.

It is time instead for the EU, always seen as the ultimate anchor for a stable Western Balkans, to become the active core of the international effort in the country. The notions that Bosnia, which is still badly scarred by the 1992-1995 war, could be treated as any other applicant and that the mere attraction of membership at a distant date would suffice to overcome its polarising ethnic nationalism have proven mistaken. The EU must deploy new and different policy tools to keep peace implementation and progress toward membership on track.

An EUSR to whom the PIC also assigns the responsibility to monitor and be involved with all aspects of Dayton implementation, must show Bosnians of all ethnicities why it is in their practical interest to be part of a unified state and move towards the EU. To do so, he or she should rely on existing mechanisms such as EUFOR and the EU Police Mission (EUPM) and have available much larger EU funds, reinforced with bilateral aid, especially for rule of law and infrastructure projects, and use – and withhold – them as necessary to persuade Bosnian politicians to make tough decisions and compromises. Over time, if the inducements and disincentives are substantial enough, applied with the requisite decisiveness and political skill, and complemented as they must be by a heavily engaged U.S., they can change political dynamics so that Bosnians begin to take the initiatives themselves.

A good deal has been achieved in the past eleven years but the international community has not yet reached a point where it can safely declare victory and leave. The EU needs to lead a new stage of active international engagement that will not be brief. Disengagement before essential reform benchmarks are met and self-sustaining institutions established would put at risk all the gains made and the survival of a unified Bosnia, as well as increase the prospect that much of the Western Balkans would return to chaos.

Sarajevo/Brussels, 15 February 2007

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