2005, année de tous les dangers, année de tous les espoirs
2005, année de tous les dangers, année de tous les espoirs
The best deal Kosovo and Serbia can get
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Op-Ed / Europe & Central Asia 4 minutes

2005, année de tous les dangers, année de tous les espoirs

Le statut de protectorat international assigné au Kosovo depuis 1999 est en passe d'étouffer cette région des Balkans.

Dans le cadre juridique et politique actuel, la situation économique au Kosovo ne cesse de se détériorer, nourrissant ainsi les frustrations des Kosovars albanais, qui supportent de plus en plus mal de vivre sous protectorat international. Les investissements sont rares dans une région dont le statut juridique n'est pas clair et où les violences pourraient éclater à nouveau à tout moment. Pour les Kosovars albanais, la communauté internationale, ses agendas divers, sa bureaucratie et son ineptie apparaissent de plus en plus comme l'ennemi qui les empêche d'accéder à une pleine indépendance et qui fait donc, à leurs yeux, le jeu de Belgrade. Si rien ne change cette année, on peut s'attendre à ce que le Kosovo redevienne le théâtre d'émeutes et de violences, qui, cette fois-ci, pourraient être dirigées non seulement contre les Serbes du Kosovo mais également contre les représentants sur place de l'Onu, de l'Union européenne et de l'Otan. Si par malheur de nouvelles exactions devaient avoir lieu contre les Serbes du Kosovo, et que Belgrade réagissait par une action armée, c'est toute la région qui pourrait replonger vers une violence généralisée.

La situation actuelle n'est plus tenable. Afin d'éviter à la MINUK et à la KFOR d'en arriver à être perçues par la population locale comme une force d'occupation, il est urgent d'être inventif et de proposer cette année aux Kosovars un calendrier réaliste qui leur permette de prendre leurs affaires et leur destin en main. L'acquisition d'une souveraineté reconnue et d'un statut final qui assurerait aux Kosovars un destin politique définitivement délié de celui de Belgrade reste toutefois impensable tant que la majorité albanaise se montre incapable d'accepter en son sein la minorité serbe et d'en assurer la sécurité. S'il est clair que Belgrade, après avoir violemment expulsé plus de 700000 Kosovars en 1999, a perdu toute légitimité à gouverner la province, il est également évident qu'après les événements de mars 2004, la majorité albanaise du Kosovo doit prouver qu'elle est capable de garantir les droits et la sécurité de la minorité serbe dans un Kosovo indépendant.

Dans quelques mois, les Nations unies devront procéder à une évaluation de l'engagement démocratique du gouvernement du Kosovo. Si cette évaluation montre que le nouveau gouvernement respecte les droits humains fondamentaux et que son engagement envers le pluralisme politique et la liberté d'expression se traduit en politiques concrètes, alors la communauté internationale ne devrait plus hésiter à aller de l'avant. Le Groupe de contact (France, Russie, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie) devrait immédiatement présenter un agenda détaillé conduisant à la résolution définitive du statut du Kosovo. Les contours de ce statut final devront impérativement exclure un retour sous l'autorité de Belgrade, une division de la province entre Nord (à majorité serbe) et Sud (à majorité albanaise), ainsi qu'une éventuelle union du Kosovo avec l'Albanie ou aucun autre Etat voisin.

Le Secrétaire général des Nations unies devrait rapidement nommer un Envoyé spécial dont la tâche consisterait à préparer un accord sur le statut définitif et à tracer le processus permettant d'y parvenir. Les Nations unies devraient organiser, en fin d'année 2005, une conférence internationale afin d'entériner cet accord. Parallèlement, l'Assemblée élue du Kosovo rédigerait une constitution qui prendrait en compte toutes les préoccupations de la communauté internationale. Ce texte serait également entériné par la conférence internationale puis soumis à référendum début 2006. La constitution du Kosovo une fois adoptée, l'Accord international sur le Kosovo entrerait en vigueur tout comme la reconnaissance internationale du Kosovo comme Etat souverain.

L'Accord et la Constitution prévoiraient quelques limites à la liberté d'action d'un Kosovo indépendant: a) le Kosovo s'engagerait explicitement à ne jamais envisager une union avec l'Albanie ou d'autres territoires voisins, dans un contexte autre que celui de l'intégration européenne; b) la Cour suprême comprendrait un certain nombre de juges nommés par la communauté internationale; c) le Kosovo devrait accepter une présence internationale de suivi dont la fonction consisterait à enregistrer tous les dérapages sur les engagements internationaux du Kosovo, ainsi qu'à recommander des réponses et corrections concrètes à ces dérapages.

Il est évident que cette construction devrait viser à obtenir l'accord de la Serbie et également être approuvée par le Conseil de Sécurité des Nations unies. Il n'est toutefois pas à exclure que Belgrade s'oppose à un tel processus. La Russie ne s'éloignerait vraisemblablement pas des positions serbes, ce qui aboutirait à un blocage au Conseil de Sécurité. Sans troupes sur le terrain, Moscou a tendance à adopter une position attentiste et quelque peu lointaine, se contentant souvent de faire écho aux arguments de blocage avancés par Belgrade. Pour la France et les autres pays dont les soldats engagés au Kosovo vont devoir faire face à de nouvelles violences si rien ne change cette année, la question du statut final du Kosovo se pose en termes bien plus urgents. Si un blocage de Belgrade, relayé par Moscou au Conseil de Sécurité, devait empêcher un transfert de souveraineté, la France et les autres pays du Groupe de contact devront quand même reconnaître la souveraineté de jure du Kosovo. La situation sur le terrain est trop fragile pour que le risque soit pris de ne rien faire, dans le seul but d'éviter de froisser Belgrade ou d'obtenir une reconnaissance par le Conseil de Sécurité. Un Kosovo indépendant sans reconnaissance par le Conseil de Sécurité aurait une position certes relativement inconfortable mais la décision d'aller tout de même de l'avant serait plus défendable que celle prise en 1999 d'intervenir militairement malgré le veto russe.

La France reste perçue en Serbie comme un allié historique proche des préoccupations serbes. Sa diplomatie pourrait faire merveille et contribuer grandement à convaincre les Serbes de bouger, une fois toutes leurs préoccupations légitimes prises en compte par l'Accord et la Constitution du Kosovo indépendant. Il n'est plus possible de ne rien faire au Kosovo. Se complaire dans une cécité paresseuse risque de coûter très cher à une région d'Europe où le sang n'a déjà que trop coulé.

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