L'Europe n'a plus d'autre choix que l'indépendance du Kosovo
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Op-Ed / Europe & Central Asia 4 minutes

L'Europe n'a plus d'autre choix que l'indépendance du Kosovo

Chris Patten, ancien commissaire européen aux Relations extérieures, coprésident de l'International Crisis Group, déplore la division de l'Union européenne sur le Kosovo.

Après près d'une décennie d'engagement multilatéral intensif au Kosovo, la communauté internationale s'apprête de manière préoccupante à commettre une erreur à l'approche du dernier obstacle. Non seulement le meilleur projet pour résoudre le conflit des Balkans a été aléatoirement laissé de côté, mais le principal acteur international - c'est-à-dire celui qui a le plus à perdre d'un retour au chaos à ses frontières, l'Union européenne - est malheureusement divisé sur le sujet. En partie à cause de ce que l'on pourrait qualifier d'espièglerie russe.

Il ne reste que quelques semaines pour normaliser le statut juridique du territoire qui a été sous administration onusienne depuis 1999, lorsque les bombardements de l'OTAN ont mis fin au nettoyage ethnique par Belgrade des 90% d'Albanais de sa province séparatiste.

Lorsque les 120 jours de négociations finales prendront fin le mois prochain, personne ne peut prédire ce qui se passera. Il est quasiment certain que les discussions entre Belgrade et Pristina déboucheront sur une voie sans issue et que le Conseil de sécurité des Nations unies, paralysé par des menaces de veto russes, sera incapable de briser l'impasse en adoptant la proposition pour le Kosovo laborieusement préparée par Martti Ahtisaari, l'envoyé spécial de l'ONU.

En bref, après le 10 décembre, les jeux seront faits. Début 2008, nous allons probablement assister à une déclaration d'indépendance unilatérale de Pristina. Elle sera reconnue par vingt-deux membres de l'Union européenne - ainsi que par les Etats-Unis, la Turquie et son voisin la Macédoine entre autres - mais pas par quatre ou cinq autres pays européens. Cette division au sein de l'Europe est très inquiétante pour diverses raisons.

Premièrement, l'UE est censée envoyer des missions politiques et de supervision de l'état de droit pour remplacer l'ONU sur place. Il est d'ores et déjà clair que Moscou refusera l'octroi d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU à ce sujet - une position qui ne favorisera pas la stabilité des Balkans. Si les pays membres de l'UE ne trouvent pas d'accord sur le statut du Kosovo, les nouvelles missions commenceront avec un handicap supplémentaire. Comment les superviseurs européens, la police et les juges pourront-ils travailler de manière efficace dans un pays que plusieurs membres de l'Union européenne ne reconnaissent même pas?

Deuxièmement, comment Bruxelles travaillera-t-il avec un nouveau pays si les membres de l'UE sont divisés au sujet de son existence légale? Des accords commerciaux et des discussions menant à une potentielle adhésion à l'UE, en commençant par un accord de stabilisation et d'association, n'ont même pas pu être entamés. La malheureuse province conserverait simplement son non-statut sous un autre nom, ne profitant aucunement à ceux qui souhaitent la croissance politique et économique de cette région.

Mais les problèmes sont plus profonds. Si l'UE s'autorise à se montrer divisée sur ce sujet, les Serbes du nord du Kosovo pourraient vouloir tenter de se séparer du nouvel Etat, en particulier si les forces de l'OTAN ne sont pas suffisamment nombreuses sur le terrain et n'ont pas de mandat pour intervenir. Dans ce cas, les Serbes vivant au nord du fleuve Ibar délaisseraient les Serbes vivant dans les enclaves ethniques du Sud, de loin le plus grand groupe, ils seraient alors tristement abandonnés sans la protection des minorités que le plan Ahtisaari leur aurait fournie.

Les Albanais de la vallée du Presevo, au sud de la Serbie, qui ont déclenché une brève insurrection en 2000, ont promis de demander leur inclusion dans le nouveau Kosovo albanais si les Serbes du nord du Kosovo commencent à retracer les frontières internes de l'ancienne Yougoslavie. Une logique également familière aux voix révisionnistes serbes dans la République serbe de Bosnie.

Clairement, une telle instabilité n'est pas dans l'intérêt de l'Europe.

Les membres de l'UE opposés à l'indépendance du Kosovo (principalement la Grèce et Chypre), ainsi que ceux qui ne prennent pas position (actuellement la Slovaquie, la Roumanie, l'Espagne, l'Italie et la Slovénie) n'ont clairement pas de projet alternatif pour la province - aucune formule que dix ans de propositions et de négociations à tous les niveaux n'auraient pas découverte. Il n'est donc pas déraisonnable de leur demander de se plier aux idées dominantes au sein de l'UE. La Russie a été particulièrement forte pour rassembler les allégeances orthodoxes et évoquer des notions de fraternités slaves au nom de Belgrade, mais les attaches européennes devraient être prioritaires sur ces sentiments.

D'autres membres de l'UE craignent que la reconnaissance du Kosovo ne profite à de potentiels éléments séparatistes dans leurs pays. Mais le Kosovo ne créera pas de précédent. Une telle situation n'existe nulle part ailleurs: 90% d'un peuple a subi une épuration ethnique importante, est retourné sur ses terres grâce à une intervention militaire, et vit sous la protection des Nations unies depuis des années, avec une résolution du Conseil de sécurité qui envisage que le futur statut du pays sera déterminé par un «processus politique».

Les penchants romantiques et les peurs irrationnelles mis de côté, l'après-10 décembre reste trouble. Oui, il aurait été idéal que le Conseil de sécurité de l'ONU approuve le plan Ahtisaari, mais hélas, cela ne s'est pas produit. Pour éviter une instabilité croissante à ses frontières, l'UE n'a pas d'autre choix que d'accepter l'inévitable déclaration d'indépendance de Pristina et de se préparer à traiter avec le nouveau membre de l'Europe.

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