Briefing / Europe & Central Asia 3 minutes

Une nouvelle constitution pour la Serbie : la démocratie en marche arrière

Le Premier ministre Vojislav Kostunica a gagné un énorme pari avec l’adoption de la nouvelle constitution serbe lors du référendum des 28 et 29 octobre. Cependant, plusieurs rapports dignes de foi indiquent que ce référendum présente des défauts et que les résultats ont été truqués. On ne peut pas dire que ce référendum ait été juste ou libre. La nouvelle constitution pourrait s’avérer être un progrès à l’opposé des valeurs européennes. Elle ouvre la porte à une centralisation accrue de l’État, à une réduction des droits humains et des droits des minorités, à la destruction de l’indépendance judiciaire et éventuellement à une dictature parlementaire. Le processus qui a permis d’adopter cette constitution illustre la façon dont Kostunica continue de transformer la Serbie en une entité plus proche de l’autoritarisme arbitraire que d’une démocratie libérale; pourtant, le référendum a été bien accueilli par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les États-Unis.

Synthèse

Le Premier ministre Vojislav Kostunica a gagné un énorme pari avec l’adoption de la nouvelle constitution serbe lors du référendum des 28 et 29 octobre. Cependant, plusieurs rapports dignes de foi indiquent que ce référendum présente des défauts et que les résultats ont été truqués. On ne peut pas dire que ce référendum ait été juste ou libre. La nouvelle constitution pourrait s’avérer être un progrès à l’opposé des valeurs européennes. Elle ouvre la porte à une centralisation accrue de l’État, à une réduction des droits humains et des droits des minorités, à la destruction de l’indépendance judiciaire et éventuellement à une dictature parlementaire. Le processus qui a permis d’adopter cette constitution illustre la façon dont Kostunica continue de transformer la Serbie en une entité plus proche de l’autoritarisme arbitraire que d’une démocratie libérale; pourtant, le référendum a été bien accueilli par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les États-Unis.

Le principal objectif de la nouvelle constitution était de démontrer l’hostilité serbe envers l’indépendance du Kosovo et de créer de nouveaux obstacles à celle-ci. Il s’agit d’une victoire pour le Parti démocratique de Serbie (DSS) de Kostunica et pour ses alliés idéologiques, le Parti socialiste (SPS) de Milosevic et le Parti radical serbe (SRS) de Vojislav Seselj, inculpé pour crimes de guerre. Les grands perdants sont le président Boris Tadic et le G17+. Le Parti libéral démocrate (LDP) de Cedomir Jovanovic pourrait en tirer parti au détriment du Parti démocratique de Tadic, le DS.

Belgrade continue de poursuivre trois objectifs concernant le Kosovo: d’abord, différer indéfiniment la résolution du statut de la province dans l’espoir de pousser les kosovars albanais à la violence, ce qui renforcerait la position de la Serbie à la table des négociations; ensuite, la partition du Kosovo; enfin, empêcher le Kosovo d’obtenir une reconnaissance diplomatique et un siège à l’ONU.

La nouvelle constitution rend impossible juridiquement (c’est-à-dire sans modification ultérieure de la constitution) la reconnaissance par la Serbie de l’indépendance du Kosovo et pourrait ainsi contribuer à une instabilité politique sur le long terme si elle sanctionnait les États voisins qui lui accordent cette reconnaissance. La Serbie continuerait ainsi d’être une source d’instabilité dans les Balkans, encore que Belgrade ne semble pas prête à employer ses forces de sécurité pour affirmer ses revendications territoriales au sud du fleuve Ibar.

Une pression considérable s’oppose en Serbie à la tenue d’organisations parlementaires anticipées, notamment de la part du SPS, du SRS et du DSS, mais il semble de plus en plus possible que des élections pourraient avoir lieu dans les trois prochains mois. Il est improbable qu’elles s’accompagnent d’une élection présidentielle. Le gouvernement continue cependant d’insister pour repousser de nouvelles élections aussi longtemps que possible, en partie parce qu’il espère que cela inciterait la communauté internationale à différer la conclusion du processus de détermination du statut du Kosovo de crainte qu’une décision favorable à l’indépendance ne porte le SRS au pouvoir. Par ailleurs, la nouvelle constitution pourrait être utilisée pour imposer un état d’urgence temporaire afin de permettre au gouvernement de s’occuper de ses ennemis politiques.

La communauté internationale poursuit quant à elle deux objectifs dans ses relations avec la Serbie. Le premier consiste à consolider la démocratie dans ce pays et à promouvoir l’intégration européenne et la transition vers une économie de marché. Le deuxième, qui n’est pas vraiment réaliste, consiste à amener la Serbie à accepter l’indépendance du Kosovo. Beaucoup estiment que ces deux objectifs sont contradictoires. Ils craignent qu’une reconnaissance rapide de l’indépendance du Kosovo ne nuise aux forces politiques démocratiques de la Serbie[fn]Ce briefing estime que la présentation habituelle des partis politiques serbes qui distingue d’une part les partis “démocratiques” (p.ex. DS, DSS, G17+) et d’autre part les partis “non démocratiques” (p.ex. SPS, SRS) ne s’avère utile ni pour comprendre les dynamiques politiques à l’œuvre en Serbie ni pour guider l’élaboration de politiques internationales pertinentes dans cette région.Hide Footnote et n’éloigne celle-ci de l’Europe. Au final, la communauté internationale a envoyé à la Serbie des signaux contradictoires.

Dans les faits, la démocratie serbe est mise en péril du fait de ses propres hommes politiques démocratiques. Kostunica réhabilite le personnel et les politiques de l’ère Milosevic en même temps qu’il essaie de devancer les radicaux sur les thèmes nationalistes. Son refus d’arrêter Mladic et le piétinement des négociations avec l’UE qui s’ensuit en dit long sur ses priorités politiques. Il est plus facile de coopérer avec le SPS et le SRS qu’avec le DS pro-occidental de Tadic. Le G17+ n’a pas non plus mis les questions européennes devant les politiques nationalistes sur son agenda.

Sur le court et le moyen terme, il n’y a peut-être pas grand-chose que l’occident puisse faire pour sauver la démocratie serbe. Kostunica et la plupart des parties de la coalition au pouvoir, de même que leurs partisans au SRS et au SPS, semblent plus enclins idéologiquement à instaurer un autoritarisme oppressif et paternaliste qu’une démocratie libérale à l’occidentale. Ceci continuera de créer des tensions non seulement sur la scène politique serbe mais également au sein de l’UE, où Bruxelles doit faire face à une réalité dans laquelle les élites politiques ne montrent guère d’enthousiasme ou d’intérêt pour prendre des mesures relatives aux réformes nécessaires à l’intégration européenne.

Belgrade/Bruxelles, 8 novembre 2006

I. Overview

Premier Vojislav Kostunica won a high stakes gamble with passage of Serbia’s draft constitution in the 28-29 October referendum. However, numerous credible reports indicate the process was deeply flawed and the result falsified. The referendum cannot be characterised as either free or fair. The new constitution could prove a step away from European values. It opens the door to increased centralisation of the state, curtailment of human and minority rights, destruction of judicial independence and potentially even a parliamentary dictatorship. The process used to pass the constitution illustrates how Kostunica continues to transform Serbia into something closer to illiberal authoritarianism than liberal democracy; yet, the referendum was welcomed by the Council of Europe, the European Union and the United States.

The main purpose of the new constitution was to demonstrate Serbian hostility to, and create further legal barriers against, Kosovo independence. It was a victory for Kostunica’s Democratic Party of Serbia (DSS) and his ideological allies, Milosevic’s Socialist Party of Serbia (SPS) and the Serbian Radical Party (SRS) of war crimes indictee Vojislav Seselj. The biggest losers are President Boris Tadic and G17+. The Liberal Democratic Party (LDP) of Cedomir Jovanovic could profit at the expense of Tadic’s Democratic Party (DS).

Belgrade continues to pursue three main Kosovo goals: first to delay status resolution indefinitely, in hopes of provoking Albanian violence and so strengthening Serbia’s position at the bargaining table; secondly, partition; and thirdly, to keep Kosovo from gaining diplomatic recognition and UN membership.

The new constitution makes it legally impossible – without further constitutional amendment – for Serbia to recognise Kosovo independence and could contribute to long-term political instability should it sanction neighbouring states for doing so. This would continue Serbia in its generation-long role as a source of instability in the Balkans, though it does not appear Belgrade would use its security forces to assert its territorial claim to any areas of Kosovo south of the Ibar River.

There is significant domestic political pressure against early parliamentary elections, particularly from the SPS, SRS, and DSS, but there is an increasing possibility they may be held within three months. It is doubtful that they would include a presidential election. The government, however, still wants to delay new elections as long as possible, partially in the hope this would cause the international community to delay the Kosovo status process out of concern an independence decision could bring the SRS to power. A real possibility exists that the new constitution could be misused to impose a temporary state of emergency to deal with the government’s political enemies.

The international community has two goals in dealing with Serbia. The first is a strong desire to strengthen democracy while promoting European integration and the transition to a market economy. The second is – unrealistically – to gain Serbian acceptance of Kosovo independence. Many see these two goals as at odds, fearing early recognition of Kosovo’s independence could damage Serbia’s democratic political forces[fn]It is a recurring theme of this paper that the common labeling of Serbia’s political parties as “democratic” (e.g. DS, DSS, G17+) or ‘non-democratic’ (e.g. SPS, SRS) is not especially helpful either in understanding domestic political dynamics or as a guide to international policy-making.Hide Footnote and move it further from Europe. The result has been a policy of mixed signals.

In fact, Serbia’s democracy is imperilled by its own democratic politicians. Kostunica rehabilitates Milosevic-era personnel and policies, while trying to outflank the Radicals on nationalist issues. His refusal to arrest Mladic and the subsequent standstill in talks with the EU reflect his policy priorities. Cooperation with the SPS and SRS is easier than with Tadic’s pro-Western DS. G17+ too has not placed a European agenda ahead of nationalist policies.

In the short and medium term, there may be little the West can do to save Serbian democracy. Kostunica and most of the governing coalition parties, as well as their supporters in the SRS and SPS, appear ideologically inclined more towards paternalistic, illiberal authoritarianism than Western liberal democracy. This will continue to create tensions not only within Serbian politics, but also within the EU, as Brussels confronts the reality of political elites who show little enthusiasm or interest for the reform measures necessary for European integration.

Belgrade/Brussels, 8 November 2006

Subscribe to Crisis Group’s Email Updates

Receive the best source of conflict analysis right in your inbox.