Report / Europe & Central Asia 2 minutes

Azerbaïdjan : l’islam indépendant et l’état

Suite aux déclarations des autorités qui affirmaient avoir déjoué des actes terroristes d’envergure en Azerbaïdjan à la fin de 2007, un débat s’est engagé sur la mesure dans laquelle l’extrémisme islamique présente une véritable menace pour ce pays riche en pétrole.

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Synthèse

Suite aux déclarations des autorités qui affirmaient avoir déjoué des actes terroristes d’envergure en Azerbaïdjan à la fin de 2007, un débat s’est engagé sur la mesure dans laquelle l’extrémisme islamique présente une véritable menace pour ce pays riche en pétrole. L’Azerbaïdjan est un État laïc qui abrite une population musulmane modérée (en majorité chiite). Depuis la séparation de l’Union soviétique et l’indépendance acquise en 1991, des groupes sunnites et chiites indépendants ont émergé qui rejettent l’autorité spirituelle du clergé officiel. Certains sont politiques mais seul un très petit nombre, s’il en est, semble disposé à recourir à la force pour renverser l’État. Le gouvernement, cependant, se montre inquiet face à ces « indépendants » et tente de les contrôler, y compris par la répression. Une stratégie qui risque de radicaliser les croyants et activistes pacifiques.

Après 1991, l’Azerbaïdjan est devenu la cible de mouvements religieux qui rivalisaient pour gagner en influence. Des missionnaires et organisations caritatives originaires d’Iran, du Moyen-Orient et de Turquie ainsi que des individus du Nord Caucase russe sont venus faire du prosélytisme. Certains de ces groupes auraient été liés à des réseaux islamistes militants, notamment Al-Qaeda. Beaucoup ont été expulsés et seuls les groupes turcs continuent aujourd’hui à travailler sans être particulièrement gênés par l’État.

Largement inspirées et financées par des groupes étrangers, les communautés religieuses indépendantes se sont développées bien plus rapidement que les mosquées officielles. Le salafisme, méconnu en Azerbaïdjan il y a vingt ans, s’est propagé en particulier à Bakou et dans le nord du pays. Les groupes chiites qui refusent de reconnaître l’autorité spirituelle soutenue par l’État se sont également multipliés mais rares sont ceux qui pourraient être considérés comme des groupes politiques et plus rares encore comme des groupes militants. Néanmoins, le gouvernement se montre suspicieux face à toute expression indépendante de l’Islam. Il cherche à contrôler ces groupes à travers le Comité d’État pour le travail avec les organisations religieuses et le Conseil des musulmans du Caucase (CMC) et oppose en général une prompte répression aux manifestations d’indépendance. Les fidèles pacifiques des groupes qui échappent au contrôle de ce Conseil affirment être régulièrement harcelés et mis en détention.

Le gouvernement justifie cette approche musclée par le besoin de lutter contre l’extrémisme et de prévenir le terrorisme et il prétend avoir un certain succès en la matière. Au début des années quatre-vingt-dix, l’État était relativement faible et certains groupes extrémistes semblaient être actifs. À mesure que l’État s’est renforcé, il a déclaré avoir gagné en efficacité pour arrêter et condamner les extrémistes. Quant à savoir si ceux-ci entretenaient des liens actifs avec des extrémistes, certains observateurs indépendants émettent des doutes.

Le gouvernement emploie des moyens excessifs pour contrôler les activités religieuses pacifiques et les procès des prétendus extrémistes ont souvent lieu à huis clos sur la base de preuves obtenues sous la contrainte. Selon les communautés religieuses indépendantes et les membres de l’opposition politique, les autorités exagèrent la menace du terrorisme islamiste afin de s’attirer la sympathie de l’Occident et ainsi obtenir sa tolérance devant ses tendances antidémocratiques. La tactique du gouvernement comporte pourtant le risque de pousser vers le jihad des groupes qui seraient normalement pacifiques ; la radicalisation, si elle n’a pas encore versé dans la violence ouverte, devient visible parmi une minorité de la communauté salafiste. Le défi consiste à arrêter tous les groupes déterminés à recourir à la violence tout en garantissant la liberté religieuse.

Le gouvernement a pris des mesures pour renforcer la coopération avec les croyants en améliorant l’éducation religieuse des jeunes clercs et en réformant le CMC. Il essaye de cultiver un Islam fondé sur les valeurs et traditions locales pour éviter l’intrusion de croyances étrangères mais il devrait étendre ses efforts pour inclure les organisations non gouvernementales (ONG) et les communautés indépendantes dans un large débat sur l’État et la religion. Surtout, le gouvernement doit élaborer une conception des groupes indépendants qui ne les criminalise pas et qui soit plus respectueuse des droits religieux.

Bakou/Tbilissi/Bruxelles, 25 mars 2008

Executive Summary

Claims that major terrorist acts were foiled in Azerbaijan at the end of 2007 have prompted discussion about the extent to which Islamic extremism is a genuine threat in the oil-rich land. Azerbaijan is a secular state with an overwhelmingly moderate (predominantly Shiite) Muslim population. Since the break-up of the Soviet Union and independence in 1991, independent Sunni and Shiite groups have emerged which refuse the spiritual authority of the official clergy. Some are political, but very few, if any, appear intent on employing violence to overthrow the state. The government, however, expresses concern about these “independents”, and tries to control them, including through repression. Its strategy risks radicalising peaceful activists and believers.

After 1991 Azerbaijan became a target of religious movements vying for influence. Missionaries and charities from Iran, the Middle East and Turkey, as well as individuals from Russia’s north Caucasus came to proselytise. Some reportedly were linked with militant Islamist networks, including al-Qaeda. Many were expelled, and only Turkish groups now continue to work relatively unhindered by the state.

Largely inspired and funded by foreign groups, independent religious communities have grown much more rapidly than official mosques. Salafism, largely unheard of in Azerbaijan twenty years ago, has gained a foothold mainly in Baku and the north. Groups of Shiites who refuse to recognise the state-promoted spiritual leadership have also become more numerous, but only a few could be considered political and even fewer militant. Nevertheless, the government is suspicious of all independent expressions of Islam. It tries to control such groups through the State Committee for Work with Religious Organisations (SCWRO) and the Caucasus Board of Muslims (CBM) and generally represses manifestations of independence rapidly. Peaceful followers of groups outside CBM’s control are by their own accounts regularly harassed and detained.

The government justifies its tough approach by citing a need to combat extremism and prevent terrorism, and it claims significant success. In the early 1990s, the state was relatively weak, and some extremist groups were apparently active. As the state has strengthened, it says it has become much more proficient at arresting and sentencing extremists. Whether those so treated actually had operational links with extremists is doubted by independent observers.

The government has employed excessive means to control peaceful religious activities and trials of alleged extremists are often held behind closed doors using evidence collected under duress. Independent religious communities as well as members of the political opposition say the authorities exaggerate the Islamic terrorist threat to gain the West’s sympathy and tolerance for its undemocratic proclivities. The government’s tactics at least run the danger of pushing otherwise peaceful groups towards jihad; radicalisation, if not yet overt violence, is becoming visible among a minority of the Salafi community. The challenge is to stop any groups bent on violence, while ensuring freedom of religion.

The government has taken some steps to strengthen cooperation with believers by improving religious education for young clerics and reforming CBM. It is trying to cultivate a home-grown Islam, based on local values and traditions, to halt encroachment of foreign beliefs, but it should extend its efforts to include non-governmental organisations (NGOs) and independent communities in a broad debate on state and religion. Most importantly, it needs to devise a method of dealing with independent groups that does not criminalise them and is more respectful of religious rights.

Baku/Tbilisi/Brussels, 25 March 2008

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